Mamadou Ndala : Lassassinat de trop ? Par Boniface MUSAVULI Militant des droits de lhomme
Le
colonel Moustapha Mamadou Ndala, connu pour ses exploits contre les combattants du M23, a,
en effet, été assassiné (voir vidéo) jeudi 02 janvier près de la ville de
Beni où il préparait des opérations contre un autre groupe armé, les rebelles
ougandais de lADF-Nalu.
La version
officielle dune attaque attribuée aux rebelles ougandais [1] a été
rapidement mise en doute face aux témoignages recueillis sur place. Lattaque
sest produite dans un secteur où la présence des rebelles ougandais nest pas
signalée, tandis que les« exécutants » ont été décrits comme portant les
uniformes de larmée nationale et parlant lingala et kinyarwanda. Par ailleurs,
on ne conçoit pas que des rebelles ougandais, cherchant à se mettre à labri au
Congo, commettent un acte « suicidaire »aussi
grave qui leur attirerait le courroux de la population locale et de larmée
congolaise. Ils se condamneraient à être chassés de leur maquis et renvoyés
nulle part dans la nature, lOuganda
ne pouvant pas être une terre de repli pour des rebelles ougandais. La
piste « rebelles
ougandais » ne tient
donc pas la route dès le premier coup dœil.
On
sachemine vers lhypothèse dun assassinat dont on imagine assez aisément
quil profite avant tout aux ennemis jurés de lillustre disparu : le M23
et ses multiples soutiens issus de précédents groupes armés (CNDP, RCD) soutenus par le Rwanda et lOuganda et
intégrés dans les institutions de
RDC.
On
sait, dune fuite dun rapport des experts de lONU, que ce mouvement a
entrepris de se régénérer [2] au Rwanda
et en Ouganda [3], et quil
bénéficie dun vaste réseau tentaculaire de soutien jusque dans les
institutions de
défaites des combattants rwando-ougandais face aux unités du 42ème bataillon
commandos, un groupe des FARDC soudé et presque à part [5], que
commandait le colonel Mamadou Ndala.
Il menaçait les intérêts
liés au M23
Il
faudrait rapidement évacuer les zones dombres en mettant tout de suite
lattention sur les ennemis jurés de lofficier congolais et leurs réseaux qui
opèrent en Ouganda, au Rwanda et au Congo, et qui avait un grand intérêt à la
pérennisation de la guerre du M23. En mettant fin aux aventures de ces
combattants rwando-ougandais et en affichant une ferme détermination à
restaurer la paix dans les provinces de lEst du Congo, Mamadou Ndala aura
directement menacé les intérêts de ceux qui profitent de la déstabilisation du
Congo et qui font planer le risque de balkanisation du pays.
Penser
seulement quen 12 mois doccupation du Nord-Kivu, le M23 sest révélé être au
cœur denjeux stratégiques majeurs. La découverte dune impressionnante
quantité darmes [6] dans une
région pourtant sous embargo de lONU et les révélations sur le profit
faramineux tiré du trafic dor, qui transitait par lOuganda (500 millions de
dollars en 12 mois [7]) indiquent que
trop de monde avaient investi dans ce mouvement et que le colonel Ndala
devenait un obstacle majeur. Penser aussi quen application des engagements
controversés de Nairobi [8], Kampala,
Kigali et des complices à Kinshasa tiennent fermement à remettre les membres du
M23 dans lEst du Congo, mais se heurtent à lhostilité de la population, et
pas seulement. Plusieurs officiers des FARDC ont fait entendre quils
quitteraient larmée [9] si les
membres du M23 étaient réintégrés. Parmi eux, justement, le colonel Mamadou
Ndala.
Ainsi
la piste des engagements de Nairobi ne devrait pas être écartée par les
enquêteurs pour tenter de faire la lumière sur tous ceux qui trouvaient en la
personne de lillustre disparu un obstacle à la réalisation de multiples
complots menaçant lintégrité de
Les dessous dune
« rébellion ougandaise »
Quant à
la piste des rebelles ougandais, elle devrait être suivie en prenant en compte
la nouvelle donne, celle de combattants en provenance de lOuganda qui opèrent
déjà dans lEst du Congo en se faisant passer pour des membres de lADF-Nalu.
Ce qui ressort des renseignements du terrain qui pointent du doigt de plus en
plus les autorités ougandaises, notamment après la chute de la cité de Kamango [10], le 25
décembre aux mains de combattants en provenance de lOuganda et sa reprise par
larmée avec laide des hélicoptères sud-africains de
Ces
deux pistes : celle des partisans dune application à la lettre des
engagements de Nairobi, qui prévoient la réintégration des membres du M23, et
celle du M23 se dissimulant derrière létiquette des ADF-Nalu, devraient être
explorées par les enquêteurs.
Le
Congo a malheureusement la triste réputation de bâcler des enquêtes sur des cas
sensibles dassassinats politiques, les enquêteurs préférant se fourvoyer dans
des pistes sans perspective [11]. Ceux qui ont
assassiné le colonel Ndala ne pouvaient pas ne pas être liés aux objectifs
ultimes du M23, à savoir le retour de ces combattants au Congo et une
balkanisation progressive de
du Congo.
[1] http://www.bbc.co.uk/afrique/
[2] http://www.jeuneafrique.com/
[3] http://www.agoravox.fr/
[4] En novembre dernier, le chef
détat-major des forces terrestres, le général François Olenga, échappait à un assassinat que sapprêtait à commettre le lieutenant-colonel Ndayambathe.
Cet officier, dorigine rwandaise, avait été intégré au sein de larmée
congolaise lors dun précédent brassage, et faisait partie des cellules
dormantes opérants au Congo pour le compte du Rwanda et de lOuganda,
renforçant la capacité de nuisance des groupes armés comme le M23, dont
lobjectif à terme est le démantèlement du Congo au profit des pays voisins.
[5] En juillet dernier, une rumeur annonçant
le rappel à Kinshasa du colonel Ndala, avait provoqué de violentes
manifestations de la population à Goma. Voir : http://www.
[6] En novembre dernier, sur la colline de
Chanzu, une délégation conduite par le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku,
a mis au jour une impressionnante quantité darmes estimées à plus de 300
tonnes. LEst du Congo est pourtant toujours sous embargo, en application des
Résolutions 1493(2003) et 1533
lONU.
[7] http://www.lexpress.fr/
[8] http://www.agoravox.fr/
[9] http://www.congosynthese.com/
[10] http://www.rfi.fr/afrique/
[11] De grands noms comme Laurent-Désiré
Kabila ou le militant des droits de lHomme Floribert Chebeya, pour ne citer que
ces deux-là, ont péri dans des circonstances qui nont jamais pu être élucidées.