25 04 14 Le Phare – Safi Akatshi : « La médecine naturelle renferme des vertus particulières »

Le Phare : Bon nombre de personnes ignorent la différence existante
entre la médecine naturelle et la médecine traditionnelle.
Pouvons-nous  savoir en quoi consiste cette distinction ?

Safi Akatshi
: En réalité, sur le plan des produits ou des médicaments, les deux
médecines sont pratiquement similaires puisque nous utilisons la même matière
première. Nous recourons, toutes  deux,
aux plantes naturelles (feuilles, arbres, racines, etc.) pour soigner nos
patients. Mais la différence entre les deux est que nous en médecine naturelle,
la nature est notre unique et principale source  car nous puisons
tout en elle. En dehors des ces plantes, nous n’ajoutons aucune autre chose
pour soigner nos patients. Tandis que ceux de la médecine traditionnelle
associent leurs produits (plantes naturelles) à des fétiches ou des proscrits
spirituels. 

Comment  faites-vous pour vous procurer ces plantes ?

Quelquefois, lorsque nous avons des nouveaux élèves, nous
effectuons des descentes en forêts pour cueillir les plantes et nous en
profitons pour leur apprendre en même temps un à un  les différentes
plantes médicinales (arbres, herbes, racines, etc.) qui nous procurent les
médicaments. Dans le cas contraire, on s’approvisionne directement au marché
auprès des vendeurs de ces différentes plantes qui les cueillent également en
forêts et viennent nous les revendre. 

Avez-vous reçu une formation particulière pour exercer ce métier ?

Pour connaître la médecine naturelle et ses vertus, j’ai bel
et bien reçu une formation appropriée auprès de David Mayingidi, qui lui à son
tour l’a hérité de ses ancêtres. C’est une connaissance qui se transmet de
génération en génération dans sa famille. Nous devons tout de même souligner
que les personnes qui détiennent le secret des vertus des plantes naturelles,
ne passent pas forcément par l’école puisque pour l’homme noir en général et le
Congolais en particulier, c’est une science qui fait partie de sa culture
ancestrale. Et les familles qui détiennent le monopole de la connaissance ont
pris le soin de  la conserver en l’apprenant à leurs descendances
afin de la pérenniser.

 

A entendre parler certaines personnes, la médecine naturelle comme
traditionnelle produisent des résultats beaucoup plus rapides par rapport à la
médecine moderne. Comment justifiez-vous cela ?

Bien que les produits de base des médicaments de la médecine
moderne soient des plantes naturelles pour la plupart, avec la transformation
de ces produits, à travers le processus de traitement et de conservation,
certains d’entre eux perdent une partie de leurs vertus. Tandis que chez nous,
nous utilisons ces plantes telles quelles sans leur faire subir aucun mélange
ni transformation. Cela conduit à ce que, une fois administré au malade, le
médicament agisse avec pleine efficacité puisqu’il aura conservé tous ses principes
actifs. 

Il vous est souvent reproché une imprécision du point de vue du dosage
de vos produits. Ce qui pousse plusieurs à recourir à la médecine moderne.
Qu’en dites-vous ?

La médecine naturelle tout comme la traditionnelle ne datent
pas d’aujourd’hui. Comme je l’ai dit plus haut, c’est une pratique ancienne à
laquelle nos aïeux recouraient constamment pour se soigner. Et à cette époque,
vous êtes d’accord avec moi que la médecine moderne n’existait pas. Pourtant,
il ne se posait pas de problème de dosage et ils vivaient longtemps. Nos
ancêtres étaient suffisamment remplis d’intelligence et de sagesse puisqu’ils
administraient ces plantes à leurs patients tout en évitant les risques ayant
trait au dosage… 

La  dose est bien connue et dépend de chaque
produit que l’on donne par rapport à la maladie dont souffre le patient. Il y a
certaines plantes qui sont aussi des aliments (gingembres, citronnelles, etc.),
et ne présentent pas des problèmes même si on en prend en grande quantité. Mais
il y a également des plantes toxiques qui demandent une dose précise de peur
que ça ne puisse nuire à la personne qui les prend.

Aussi à leur époque, nos grands-parents soignaient des
maladies qui leur étaient propres et reconnues dans leur société. Tandis
qu’aujourd’hui, certaines maladies (cancers, AVC, maladie des reins,…),
autrefois méconnues en RDC, ont franchi nos frontières à travers l’importation
des produits alimentaires, la consommation abusive de certains produits
pharmaceutiques. Et je pense qu’on n’en serait pas arrivé à ce niveau si nous
avions su conserver notre culture ancestrale. 

Ne pensez-vous pas qu’il serait mieux de vous unir avec ceux de la
médecine moderne  afin de trouver des remèdes à certaines maladies
qui n’ont pas jusqu’à ce jour des médicaments pouvant les guérir ?

Comment s’unir avec eux aussi longtemps qu’ils ne croient
pas en ce que nous faisons  peut être parce qu’on n’a pas fait les
mêmes études qu’eux. Il faut qu’il y ait d’abord  volonté et
acceptation mutuelle. Et cela doit se faire avec l’appui du gouvernement qui a
la charge d’accompagner les structures sanitaires afin de nous permettre aussi
de développer et d’enrichir davantage cette médecine que nous ont laissée nos
ancêtres.   Pour votre information, ensemble avec les autres
tradi-praticiens de la RDC,
nous avons produit des médicaments à base de plantes naturelles, telles que la
méamicine qui est même vendue dans des pharmacies. C’est honteux pour notre
pays de voir que certaines personnes préfèrent aller se faire soigner à
l’extérieur pendant qu’on a de grands médecins qui détiennent des médicaments
efficaces pouvant traiter toutes ces maladies.    

Existe-t-il une corporation qui réunit les tradi-praticiens ?

Bien sûr!  Nous avons deux ONG dont
l’UTRACO (Union des tradi-praticiens du Congo) et UNAGECO (Union Nationale
des Guérisseurs du Congo). Mon formateur est aussi président de tous les
tradi-praticiens de la commune de Kinshasa. Nous nous connaissons et nous
sommes reconnus par les autorités. Souvent, nous sommes invités à prendre part
à des cérémonies officielles qu’organise le ministère de la Santé publique pour parler
de la médecine naturelle. Malheureusement, les résolutions prises à de telles
occasions ne sont pas mises en application. 

Vous êtes une femme belle et élégante. Qu’est-ce qui vous a motivé à
vous intéresser à ce métier qui vous condamne à soigner généralement les
maladies affreuses (Mbasu, Nzoko, Mpese,…) ?

Je me suis intéressée à ce métier après que j’ai été
guérie, à l’aide de la médecine naturelle, par Papa David, d’une grave maladie
que plusieurs n’ont pas pu traiter. C’est ainsi que depuis 2012, aussitôt
sortie de ma maladie, j’ai décidé de me consacrer à ce domaine pour découvrir
les vertus qu’il détient et qui ont été à la base de ma guérison. J’aime ce
métier puisqu’il sauve des vies. J’en suis fière et satisfaite.

 Myriam IRAGI et Perside 

 

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