Joseph Kabila, le compte à rebours a-t-il commencé? Par Jean-Jacques Omanyundu Wondo, expert analyste en matière militaire

Cette analyse  pose la question sur base des éléments factuels mais non exhaustifs si l’on peut tout doucement, dans un futur récent, penser à conjuguer l’ère Kabila au passé?
Limite psychologique constitutionnelle

Nul n’est besoin de rappeler qu’au 9 décembre 2016 le raïs congolais arrivera en fin de mandat constitutionnel. Lorsqu’on décrypte les agitations et craintes que suscitent cette échéance, notamment dans les guerres des clans qui gravitent autour de Kabila pour sa succession consensuelle ou forcée mais aussi dans les prises de position de l’opposition, de la société civile et d’une majorité de l’opinion publique congolaise, l’on voit mal comment une prolongation du mandat de Kabila, au-delà de 2016, permettrait de créer un climat de stabilité politique alors qu’il peine déjà à diriger le pays à la suite des conséquences d’une élection frauduleuse qui lui a ôté l’essentiel de sa légitimité politique nationale. Les élections de 2011 qui lui ont conféré un mandat de trop.

Échec de la réforme du secteur de sécurité et ses conséquences diplomatiques

Si on doit à Kabila la réunification du Congo morcelé en 2003, il n’est malheureusement pas parvenu à tenir sa promesse, énoncée depuis son arrivée au pouvoir en 2001 et attendue par l’ensemble de la communauté internationale, de restaurer l’autorité de l’Etat et d’assurer la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire congolais. Une condition sine qua none de la stabilisation de l’ensemble de la sous-région des Grands Lacs dont l’épicentre se trouve en RDC. Et la patience a ses limites d’autant que l’on dit souvent si l’on est pas la solution à une crise dans laquelle on est impliqué, on en devient alors le vrai problème. Dans un contexte politique international où 2013 était favorable à la RDC qui aurait pu tirer positivement profit de  la mise en application effective de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et des recommandations de la résolution 2098, le régime de Kabila a préféré traîner les pieds.
Entretemps, d’autres crises sont passées dans la région (Centrafrique et Sud Soudan) et ont incité la communauté internationale à revoir sa stratégie pour le Congo et la région, en ré-priorisant son agenda régional. C’est ainsi que, par exemple, suite à la crise au Soudan du Sud le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé l’envoi de 5.500 soldats et 423 policiers supplémentaires pour renforcer les 7.000 Casques bleus et 700 policiers de la MINUSS (Mission de l’ONU au Soudan du Sud) déjà présents. Pour ce faire, le Conseil de sécurité a décidé que les renforts pour la MINUSS seront prélevés du transfert de contingents d’autres missions, en particulier de la MONUSCO, de la MINUAD (Darfour), de la FISNUA, de l’ONUCI  (Côte d’Ivoire) et de la MINUL (Libéria). Or une diminution de la capacité opérationnelle de la MONUSCO s’accompagnerait, avec la gouvernance sécuritaire déficitaire de Kabila, d’une recrudescence de la violence. En cela, dans certains milieux diplomatiques très influents pour les questions du Congo et de sa sous-région, la question de l’après-Kabila est de plus en plus évoquée ouvertement car agacés et fatigués de dépenser depuis plus de 13 ans leurs énergies à maintenir en vie un régime métastasé sur tous les plans. Un signe que les temps commencent à changer et dans la plupart des chancelleries, l’on se focalise davantage sur l’après Kabila, c’est-à-dire l’échéance 2016 que s’activer à maintenir à vie un régime dans un état clinique de coma politique. Kabila étant devenu « diplomatievore » et émousse l’énergie de la communauté internationale qui a d’autres chats à fouetter ailleurs, dans d’autres points chauds de la planète.
Lâché par ses partenaires économiques internationaux traditionnels

Si en 2007 ce qu’on l’on qualifie de « Contrat chinois » a été le deal du siècle qui a servi à Kabila de bouée d’oxygène pour financer le programme gouvernemental de son premier mandat, l’on croit savoir que cette pierre angulaire qui devrait également supporter la « révolution de la modernité » est devenue une pierre d’achoppement. On signale que Exim Bank, la banque chinoise qui finance les travaux de reconstruction des infrastructures réalisés par les entreprises chinoises en RDC depuis le lancement en 2007 du programme du gouvernement dans un partenariat « win-win » appelé « Cinq Chantiers » a résilié ses financements depuis 2013 pour cause de risques politiques encourus par ces investissements et d’abus de confiance de la part des autorités congolaises, non respectueuses des engagements contactés.
En effet, douze mois après l’approbation du projet de coopération par le gouvernement chinois, la RDC s’était engagée à adopter une loi devant sécuriser le régime fiscal, douanier et de change applicable à ce projet de coopération en raison de sa spécificité. Cette loi, mentionnée dans L’article 15 de ce contrat, était une exigence des Chinois pour se protéger contre toute appropriation ou nationalisation de leurs entreprises dans le futur ou encore l’expropriation directe ou indirecte de la Sicomines, joint-venture minière née de ce partenariat, et son patrimoine. Il semble que c’est à cause du retard pris pour l’adoption de cette loi au Parlement que les Chinois n’ont pas décaissé de l’argent en 2013 pour l’exécution des projets d’infrastructures, notamment la construction de routes et d’hôpitaux. 
Initialement conclus pour 9 milliards de dollars américains, ces contrats avaient été revus à 6,2 milliards suite aux pressions du FMI et de la Banque mondiale qui prétendaient que ces contrats allaient alourdir la dette extérieure de la RDC, ce que la Chine avait réfuté pour ces contrats « gagnant-gagnant » et proches du troc.
Réagissant à ces bruits de couloirs, le Premier ministre, Matata Ponyo avait reconnu sur Radio Okapi, sans l’affirmer, un problème dans le partenariat sino-congolais, évoquant une «question qui nécessite un examen en profondeur». Lire aussi http://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-lexpert-juriste-didier-bazola-contextualise-les-faits/ ethttp://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-le-geologue-domy-sambwa-complete-m-didier-bazola/
Comme un malheur ne vient jamais seul, en même temps, le Congo ne bénéficie plus depuis plusieurs mois des facilités de crédit lui accordées par le Fonds monétaire international (FMI). Faute d’avoir obtenu suffisamment d’informations sur une cession de parts dans une entreprise minière appartenant au portefeuille de l’Etat congolais, le FMI a suspendu, le 30 novembre 2012, son programme triennal de « facilité de crédit » de173,2 millions d’euros restants de l’accord sur un total de 408,75 millions d’euros pour cause de manque de transparence des industries extractives qui pillent le coffre-fort géologique et le poumon économique du Congo avec la complicité de ses dirigeants depuis des décennies. Une situation qui amena la très éclectique revue diplomatique,  Le Monde – Hors série – Le Bilan du monde : Economie & Environnement, dans son édition annuelle de mars 2013 de titrer son article sur la RDC en se posant cette question existentielle prémonitoire : Et si la survie du régime de Joseph Kabila ne dépendait pas tant de la guerre avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, mais se jouait plutôt au siège d’une multinationale basée dans les paradis fiscal des îles vierges ?
Dans un contexte mondial de néolibéralisme de l’État prédateur(James Galbraith)  qui a créé une gouvernance mondiale où les organisations internationales dictent l’agenda mondial au profit des États militairement et économiquement puissants, via notamment leurs outils institutionnels que sont la BM, FMI, OMC, G8, G20, OTAN, UE… (Fweley D., Gouvernance Action Publique et démocratie participative, 2011), cette suspension des facilités financières à la RDC revêt davantage plus une portée politique qu’économique, car comme déclarait le Premier ministre Matata, la RDC peut se passer temporairement de l’aide du FMI. Mais cette symbolique signifie qu’un désinvestissement du FMI ou de la BM, comme cela s’est passé sous Mobutu durant les années 1990, s’accompagne très souvent d’une cessation de soutien politique et diplomatique au régime. C’est la grande explication qu’il faille lire derrière cette sanction du FMI qui agit plutôt comme un outil politique de répression (économique) que d’aide au développement. Ce qui est en plus marquant dans cette rupture de confiance des partenaires traditionnels du régime, c’est que depuis quelque temps, on assiste à un alignement stratégique des États-Unis et de la Chine sur le dossier RDC.
Rappelons en outre que le 9 février 2012, le  président de la Banque mondiale, Robert Zoellick avait annoncé que son institution n’allait plus contribuer au budget général de la  RDC par manque de contre-pouvoir dans ce pays. Au cours d’une conférence de presse à Pittsburgh (États-Unis), il a estimé que «les contrôles démocratiques lui semblent insuffisants en République Démocratique du Congo, raison pour laquelle, il faut stopper d’alimenter son budget », tout en qualifiant la RDC de « zone grise » au même titre que l’Afghanistan et l’Haïti. De plus, dans un démenti peu convaincant du désengagement de la BM du grand projet de barrage hydroélectrique Inga III en RD Congo,David Theis, le porte-parole de la BM a déclaré le 5 février à l’AFP que le conseil d’administration de la Banque a reporté sine die sa réunion prévue le 11 février qui devait valider un prêt de 73 millions de dollars US en faveur de ce projet situé sur le fleuve Congo.  «Nous avons reporté la présentation, devant notre conseil, du projet d’assistance technique lié à la conception du projet mais il n’a pas été annuléNotre engagement envers le projet Inga III reste inchangé », a-t-il-déclarésans préciser davantage les motifs de cette décision. Une déclaration qui sonne comme un refrain du déjà entendu sous la 2ème République de Mobutu.
Kabila et ses alliés régionaux sont isolés par les Etats-Unis et la Chine

D’abord le choix de la Tanzanie comme seul pays régional (CIRGL) visité par Obama reste un signe annonciateur d’un glissement du centre de gravité régional de l’axe Kampala-Kigali vers Dar-es-Salam.  Cela augure sans doute une nouvelle ère dans le leadership géopolitique régional autrefois assuré par l’axe Kampala-Kigali avec Museveni et Kagame, mis actuellement au banc des accusés pour leurs rôles nocifs dans l’entretien de l’instabilité dans la sous-région et leur incapacité d’y insuffler un modèle développemental dynamique à l’instar des pays de l’Asie du Sud-Est. Le Président Barack Obama a justifié sa tournée africaine, notamment sa présence à Dar-es-Salam, en ces termes : « Je l’ai dit à travers l’Afrique, nous envisageons un nouveau modèle qui ne soit plus seulement basé sur l’aide et l’assistance mais sur le commerce et le partenariat… Le but ultime est que les Africains construisent l’Afrique, pour les Africains. Et notre travail est d’être un partenaire dans ce processus, et la Tanzanie a été un de nos meilleurs partenaires ». Des objectifs que ni Museveni ni Kagame, encore moins leur allié Kabila peinent à réaliser depuis qu’ils sont à la tête du pouvoir dans leurs pays respectifs. http://desc-wondo.org/kikwete-le-joker-des-grands-lacs-la-tanzanie-au-centre-de-gravite-geopolitique-de-la-region-des-grands-lacs-jean-jacques-wondo/ Des présidents dont les modes de gouvernance posent plus de problèmes à la communauté internationale en mettant à mal et en évidence leurs agendas cachés qui ne facilitent la résolution des crises ou dissimulent leurs projets géostratégiques dans la région. Et quand une équipe qui perd et continue de perdre des points après lui avoir octroyé une seconde chance, on la change. Mobutu, Kadhafi, Idi Amin ou plus récemment Bozizé l’ont appris à leurs dépens.
La non visite en RDC du président chinois, Xi Jinping, en tournée africaine, alors qu’il a séjourné en Tanzanie et tout à côté à Brazzaville, capitale géographiquement la plus rapprochée de Kinshasa met en lumière la problématique de la mise à l’écart de Kabila et ses alliées rwandais et ougandais par la diplomatie chinoise. Pourtant, la RDC a conclu avec la Chine le volume le plus important d’investissements en Afrique, particulièrement dans le secteur minier. Un camouflet pour Kinshasa qui se voit privé d’un soutien diplomatique à valeur psychologique de taille sur le plan international alors que la RDC occupe, stratégiquement et économiquement, « une position privilégiée dans les relations dites « Sinafrique ».
Un signe avant-coureur qui traduit la frustration de la diplomatie chinoise qui a horreur de l’improvisation, de mauvaises surprises et du non-respect des engagements ou de la parole donnée de ses partenaires bilatéraux.

Russ Feingold sur les traces de Bill Richardson : la même dialectique diplomatique fatale !

M. Russ Feingold, l’envoyé spécial de Barack Obama pour la région des Grands Lacs et la République démocratique du Congo, a récemment rappelé le soutien des États-Unis à l’Accord-Cadre signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba par les pays de la région et à la Déclaration de Nairobi. Parlant du processus électoral en RDC, M. Feingold a affirmé que les États-Unis ont exprimé leur enthousiasme concernant l’organisation des élections. « Nous croyons que cela va susciter l’espoir pour les Congolais de voir cette fois-ci des élections libres et démocratiques se tenir au pays« . Quant au point relatif  à une éventuelle modification de la constitution en vue de permettre au président Kabila de briguer un troisième mandat, le sénateur américain a déclaré avec force que les États-Unis ont toujours soutenu le respect de la constitution telle qu’elle est en RDC. « La constitution qui est la loi fondamentale du pays se portera encore mieux si elle est respectées par tous. Les États-Unis ont toujours encouragé les dirigeants africains à respecter leur mandat constitutionnel. Cela fait partie de la culture démocratique » prônée par l’administration américaine.
Ce qui est révélateur dans cette sortie médiatique non feutrée de M. Feingold est qu’en l’espace de deux semaines, l’envoyé spécial de la Maison-Blanche, a répété au moins à trois reprises ses propos susmentionnés. Il l’a déclaré d’abord à Washington avant de se rendre au sommet de la CIRGL. Il a répété la position de la Maison blanche à Luanda, en Angola. Il l’a enfin martelé lors de son passage à Kinshasa, au retour du Sommet de Luanda et d’une rencontre avec le président angolais, Edourado Dos Santos. Sans faux fuyants, Feingold a signifié à Aubin Minaku, le président de l’assemblée nationale la position intransigeante du président américain dont il est l’envoyé spécial. Il a enfin réitéré ses propos publiquement au cours d’une conférence de presse tenue à la résidence de l’ambassadeur des États-Unis, Swan Jim. Il a encore martelé cette position lors d’une interview accordée le 24 mars à la RFI : « Nous appellerons instamment la RDC et ses voisins à respecter leurs Constitutions et cela inclut les dispositions sur la limitation du nombre de mandats… Le président Obama a dit que ce dont l’Afrique avait besoin, ce n’était pas d’hommes forts, mais, d’institutions fortes. Je l’ai dit publiquement que dans la plus part de ces capitales, ce n’est pas une bonne pratique de modifier la constitution simplement pour le bénéfice de celui ou de ceux qui sont au pouvoir… Nous verrons comment  y répondre si cette situation se présentait. Mais, ce que j’espère, c’est que chacun de ces dirigeants va voir à quel point c’est important que leurs constitutions soient respectées. C’est ce qui va aussi conditionner la manière dont sera perçu leur héritage politique en tant que dirigeants de leurs pays respectifs. »
Il s’agit là des propos qui, dans un langage diplomatique non feutré, aux frontières des pratiques diplomatiques traditionnelles (principe de non ingérence et devoir de réserve), signifient que les temps des tripatouillages constitutionnels et électoraux sont révolus ; gare aux présumés tricheurs. Une position de fermeté qui rejoint les déclarations antérieures de l’émissaire d’Obama qui avait signifié aux autorités congolaises qu’aucun report électoral ne sera toléré pour l’échéance 2016. L’état d’esprit du président américain, par la voie de son envoyé spécial, se fait davantage transparaître lorsqu’au cours de la même conférence de presse, il n’est pas allé du dos de la cuillère en critiquant ouvertement et publiquement, sans devoir de réserve diplomatique, les élections générales du 28  novembre 2011. Pour M. Feingold, l’ancien président de la sous-commission Afrique du Sénat américain, « les élections de 2011 étaient viciées et ne répondaient pas aux normes de transparence et d’équité« . Une façon de reconnaître publiquement que Joseph Kabila, mal ou pas élu, est illégitime et d’exiger des élections crédibles et transparentes pour les prochaines échéances.
Il faut remonter deux décennies plus tôt pour comprendre la portée et la sémantique diplomatiques de ces mises en gardes à répétition ressemblant à celles adressées à Mobutu par l’administration Clinton, par son envoyé spécial interpose, Bill Richardson. Pour mieux saisir la teneur de ces avertissements, Il est intéressant ici de comprendre le poids et l’importance politiques qu’un président américain accorde à son envoyé spécial dont la fonction, en termes de préséance, dépasse celle d’un simple ambassadeur par le simple fait qu’il parle au nom du président des États-Unis, la plus grande puissance mondiale.L‘envoyé spécial du président américain traite directement avec le président (et non avec le secrétaire d’État américain,John Kerry).  Un président dont la Constitution du pays, confère pratiquement les pleins pouvoirs exécutifs (diplomatiques et militaires) à lui seul. Et lorsque M. Feingold parle d’un régime confronté à un problème de légitimité et de légalité, cela laisse entrevoir que les États-Unis pourraient fermer leurs yeux s’il arrivait qu’un tel régime soit renversé par les armes ou sur base de l’article 64 de la constitution congolaise compte tenu de son illégitimité et de son anti-constitutionnalité. C’est ce qu’ils firent exactement en 1996-1997 lorsque Washington a soutenu le renversement de Mobutu par es armes. A bon entendeur…
Une source de l’entourage présidentiel rapporte à DESC que ces déclarations ont créé une panique et ont fortement tempéré le jusqu’au boutisme de certains baroudeurs du sérail présidentiel.
Désavoué par sa propre majorité et dépouillé de sa base ethno-régionale
Les 600 résolutions issues des concertations nationales qu’il s’est taillées sur mesure en convoquant une majorité stalinienne des partisans du camp présidentiel, se présentent comme une couche supplémentaire de lasagne qui s’ajoute aux nombreux réquisitoires contre la gouvernance autocratique, kleptocratique et ethno-régionaliste du régime Kabila. A cela, il faut ajouter les guerres des clans qui amènent certains proches de Kabila à ne plus afficher publiquement leur loyauté au chef. Depuis, le président est pratiquement devenu un homme seul, invisible et renfermé sur lui-même, incapable d’assurer la cohésion interne de ses ouailles infidèles. Kabila est de plus en plus préoccupé, de manière paranoïaque, par sa sécurité et sa survie politique que par la gestion effective de l’Etat dont il veut paradoxalement être président au-delà de 2016, nous lâche un de ses proches collaborateurs. Combien devra-t-il débourser pour ramener la discipline dans ses rangs lorsqu’en 2011, il a dû débourser 20.000 $ USD pour corrompre individuellement la majorité des parlementaires (du pouvoir comme de l’opposition alimentaire) à fermer les yeux en faveur d’une modification de la Constitution qui a débouché au chaos électoral dont il paie aujourd’hui les frais ?
Après s’être fait tourner le dos par les deux Kivu où sa politique sécuritaire est très contestée, ce qui était prévisible au vu de sa connivence avec Kigali et Kampala, Kabila est en passe de perdre sa plus importante base ethno-régionale et électorale, le Katanga. Le général John Numbi, ce Mulubakat autrefois protégé et bras armé de Kabila, est désormais en disgrâce et en sédition en instrumentalisant les bakata-Katanga qui se sont permis récemment d’incendier les fermes présidentielles. Signe que le Katanga a ses propres chefs qui échappent à Kinshasa. C’est un indice qui montre que tout le Nord-Katanga, autrefois choyé par le raïs du temps du Mazarin Katumba Mwanke, qui se rebelle contre leur « Mutoto » (fils) car non content de la redistribution des postes opérés depuis 2012 en voyant la primature, les poste de conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, de commissaire général de la PNC leur échapper au profit des personnalités proches (par ascendance, alliance ou naissance) de l’ethnie Tutsi soutenu par Kagame depuis Kigali.
A cela, il faut rappeler que le Sud du Katanga, plus riche que le nord des Balubakat, n’a jamais accepté de servir de vache à lait du régime Kabila sans bénéficier des dividendes politiques et financiers à hauteur de ses richesses et est en opposition depuis belle lurette dans une guerre intra-provinciale entre les Lunda et les Bemba d’un côté et les Balubakat de l’autre. Il n’est pas exclus que dans une guerre déclarée contre non katangais, le Sud et le Nord Katanga unissent leurs efforts dans un sursaut nationaliste fédéraliste provincial et dans une alliance stratégique contre-nature pour faire face aux menaces extérieures venues des tutsi et du Maniema. Rien n’est exclus d’avance car en RDC, on a vu des alliances et des mésalliances, fussent-elles antinomiques, se tisser au gré des intérêts du moment. Désormais entre Kabila et le Katanga, c’est je t’aime moi non plus. Les Katangais ont vu les Tutsi vivant au Congo leur ravir les postes mielleux qu’ils convoitent.
Avec des éléments ci-haut décrits, Kabila ne pourra plus compter que sur le Maniema. Une province géopolitiquement moins stratégique (enclavée, faible démographiquement et avec un apport  économique marginal). Mais là aussi, rien n’est gagné d’avance car il y règne une guerre intra-provinciale entre le clan des Bangu-Bangu autour de Matata Ponyo, proche de Mama Sifa Mahanya et celui des Kusu rangés derrière Pierre Lumbi Okongo (‘le spécial’ en matière de sécurité) et le général Olenga, (le chef de l’armée de terre).

Radicalisation du discours politique et traque des opposants et potentiels concurrents 

C’est un des signes prémonitoires de fin des régimes
autocratiques. Lesquels régimes, face à la panique d’un effondrement
inéluctable en vue et dans un réflexe désespéré d’instinct de survie,
pratiquent la politique de la terre brulée d’instrumentalisation d’un appareil
judiciaire caporalisé pour neutraliser ses plus farouches opposants, à l’instar
de Kagame dont Kabila imite les pratiques. C’est ce qu’on peut constater par
les acharnements judiciaires sur le député Diomi Ndongala et depuis
peu sur Vital Kamerhe qui a eu droit à une sortie médiatique pathétique et
puérile du ministre des médias, Lambert Mende, tout en faisant en même temps l’objet
de procès éhontés visant à neutraliser politiquement. C’est de bonne
guerre dans les démocraties bananières. Par ailleurs, alors que le régime se
targuait de bénéficier de l’appui de la communauté internationale pour
compenser le déficit de légitimité dont il souffre en RDC, ces derniers temps,
la rhétorique a changé : « Nous ne travaillons pas pour exécuter les
ordres de la communauté internationale », martèlent Kabila et son
porte-voix Mende, chaque fois cette même communauté internationale qui a
légitimé Kabila en 2011 presse le régime à se conformer à l’accord-cadre. La
dernière en date concerne les propos tenus par Kabila à Kingakati le 20 mars où
il a utilisé un style déjà entendu sous Mobutu durant les années 1990.

Quatre scenarii possibles des réactions de Kabila face à sa chute imminente
  1. Soit Kabila s’enferme davantage en usant la même logique que Mobutu qu’il clone depuis qu’il s’est fait entouré des mobutistes qui n’ont jamais tiré les leçons du passé. Et c’est par la voie armée ou d’un coup d’état militaire qu’il sera chassé du pouvoir. Et lorsque Feingold déclare dans un langage diplomatique crû que le régime congolais est illégal et illégitime, cela signifie que les Etats-Unis ne condamneraient pas une alternance au pouvoir par des voies non démocratiques par application de l’article 64 de la Constitution congolaise. Ils pourraient même être prêts à la soutenir comme ils le firent en 1996-1997 en armant l’AFDL
  2. Soit Kabila accepte d’ouvrir largement le jeu politique dans le sens de l’accord-cadre et de la résolution 2098 dont on ne cesse de lui rappeler ces derniers temps, (Robinson, Kobler, Feingold…) leur mise en œuvre effective dans leur intégralité. L’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2098 enjoignent au gouvernement congolais d’organiser un dialogue inclusif en vue de trouver une solution durable à la crise congolaise et de promouvoir les objectifs de réconciliation nationale, de tolérance, et de démocratisation ».  Il s’agit d’un désaveu de Kabila par la communauté internationale des concertations nationales organisées par Kabila, pour laquelle les efforts que le régime congolais pense avoir consentis sur cette voie sont loin de rencontrer les engagements pris à Addis-Abeba et les prescrits de la résolution 2098. Or, en voulant s’y conformer, le régime se confectionnera le goulot de son propre étranglement par le fait qu’une large ouverture politique sous forme d’une transition politique, avec un véritable gouvernement d’union nationale représentatif de tous les courants politiques et sociétaux de la RDC, le dépouillerait des marges de manœuvre politiques et de l’essentiel de ses pouvoirs présidentiels qui ne tiennent plus que par le recours à la répression et aux intimidations politico-judiciaires pour se maintenir.
  3. Soit Kabila fait une fausse ouverture en s’alignant derrière la voie de ses concertations et en s’ouvrant à quelques « opposants du ventre creux » qui ne représentent que leur propre famille biologique et eux-mêmes, juste pour gagner du temps. Une stratégie qui ne changera pas foncièrement les choses sur le terrain politique car elle accentuera davantage la crise de légitimité tout en mécontentant des partisans de la majorité présidentielle qui se feront débarquer de la barque financière du Gouvernement.
  4. Soit Kabila maintient une ligne dure en perpétrant un coup de force constitutionnel pour se maintenir au pouvoir, notamment en avançant les élections en 2015. Dans ce cas, souffrant déjà d’une grave légitimité qui plombe son action politique de son dernier mandat constitutionnel, il risque de rendre le pays ingouvernable. Non seulement cette option n’est  acceptée ni par l’opposition ni par la majorité de la population, mais aussi plusieurs cadres de sa majorité, qui attendent dans les coulisses leur heure, ont manifesté ouvertement leur opposition à une éventuelle prolongation du mandat présidentiel au-delà de 2016. Ils sont prêts à se rallier aux autres contestataires de Kabila pour élargir le front anti-Kabila. Là où la messe de Kingakati-Buene devrait cimenter la cohésion autour du chef, c’est davantage aux règlements de comptes et aux contradictions d’un régime essoufflé auquel on a insisté.
Ainsi, la majorité présidentielle sort de Kingakati-Buene plus divisée qu’unie et certains se sentent même trahis. Pour le journaliste du quotidien Le Phare Kambale Mutogherwa: « la réunion de la Majorité présidentielle tenue à Kingakati a été à la limite une véritable pétaudière au point de ne pas être en mesure de réunir l’unanimité autour des options levées à la sauvette par les participants ! » Il n’est pas exclu, selon certaines indiscrétions parvenues au DESC, que cet échec de cohésion interne pousse certains téméraires du régime à privilégier l’option d’une révolution de palais. Ce ne sont pas de baroudeurs qui manquent dans la MP.
Une chute inéluctable prévisible, précipitée par la fraude électorale de 2011 ?

Les irrégularités et la falsification électorales de 2011 ont été le point de non retour de la chute annoncée du régime Kabila. A quelque chose malheur est bon et cette citation semble se confirmer pour le cas du Congo. Depuis le chaos électoral de 2011, un équilibre – politique et sécuritaire –  instable sur fond de crises de légitimité et de régime[1] s’est confortablement installé en RDC et a développé une incertitude permanente quant à l’avenir proche (2016) du pays. En effet, les élections de 2011 marquent le début d’une sorte de guerre civile  (politique et non armée) entre le régime et la population, la société civile, l’église catholique, une frange de l’opposition politique et la diaspora congolaises qui n’ont jamais accepté le hold up électoral opéré par le régime et qui se battent pour un changement effectif en RDC.
Jour après jour, on constate que le régime Kabila s’essouffle, panique et personne ne sait que faire dans son entourage. Chaque pas supplémentaire que fait le régime(concertations nationales, massacres du 30 décembre 2013, assassinat du colonel Ndala, faux procès judiciaires et arrestations des opposants alors que Kabila se fait l’avocat du M23 responsable d’horribles tueries à l’est de la RDC…) est un pas en direction de sa chute. Les élections de 2011 n’ont pas mécontenté que l’opposition, elles ont également fissuré la fragile cohésion au sein de la MP, tant des règlements des comptes entre, par exemple le PPRD et le MSR de Lumbi Okongo (qui aurait eu plus de députés que le PPRD de Boshab sans le tripatouillage opérés par Mulunda, sur ordres de Katumba Mwanke, Boshan et Lumuna). Le Palu non plus n’est plus satisfait de sa position actuelle au sein de la MP.
A mesure que 2016 s’approche, avec des prétendants et dauphins du régime qui ne cachent plus leurs intentions (Moïse Katumbi, Jean-Claude Mulongo, John Numbi et d’autres qui s’annonceront d’ici peu) et face à la pression tous azimuts contre la prolongation du mandat de Kabila après 2016, la majorité présidentielle se rend compte qu’elle va devoir sacrifier Kabila. D’ailleurs, depuis peu, plusieurs cadres de la MP et hauts officiers du régime, prêts à lâcher Kabila, ont multiplié des contacts discrets avec les décideurs occidentaux pour s’assurer de leur part un maintien et un soutien dans le sérail du futur pouvoir une fois qu’ils abandonnent leur maître devenu encombrant.
Ainsi, à l’instar de Mobutu qui a vu plusieurs officiers le trahir lors de la guerre de l’AFDL, l’on croit assister à un début de sauve qui peut dans les rangs du régime et aux premiers actes de déloyauté de la part de certains cadres civils ou sécuritaires du régime.
Pour ceux qui ont l’habitude de suivre nos interventions publiques, nous ne cessons de rappeler en prédisant que 2011 est, à un ou deux ans près, pour Kabila ce que fut l’année 1990 pour Mobutu. A chacun de faire ses propres calculs pour estimer quand le fruit mûr (régime) Kabila va tomber. La question qui préoccupe les analystes est d’estimer le temps qui reste encore à Kabila pour s’accrocher désespérément au pouvoir d’ici à 2016 ? 
Ainsi sonne le glas, Kabila, le compte à rebours a commencé ?
Jean-Jacques Wondo / Exclusivité DESC

[1]   En sociologie politique (ou science politique), une crise politique est un moment important, grave et parfois décisif dans la vie d’un Etat ou d’une institution. Elle reflète l’inadéquation apparente entre le fonctionnement d’un Etat, l’organisation d’une institution politique ou publique et la réalité sociopolitique sur le terrain. Exemple : Une crise (ante et post)-électorale lors du renouvellement des animateurs des institutions de la République, qui peut naître de la période préélectorale jusqu’à la mise en place effective des institutions susmentionnées,voire au-delà comme c’est le cas actuellement en RDC. Une crise politique peut provoquer des manifestations de contestation, des grèves, des mouvements sociaux, des émeutes (Congo-Belge: Jan 1959 ; Zaïre : Pillages 1991, 1993), des rébellions (RDC : 1960-1964 1977, 1978, 1984, 1996-1997, 1998-2004, depuis 2007. . .) voire une révolte populaire (Mars 2008 : Bundu dia Kongo ; Enyele 2010), des mouvements de débordement ou carrément une révolution (Printemps arabe en Tunisie et en Egypte) ou encore un coup d’Etat en RDC : Sept. 1960, Nov. 1965, Jan. 2001 ; Niger : Le coup d’Etat du 18 février 2010 mené par le commandant Salou Djibo qui a renversé leprésident Mamadou Tandja à la suite d’une crise institutionnelle de 9 mois qui a vu la dissolution de l’Assemblée nationale, un référendum pour une modification de la Constitution, une annulation du référendum par la Cour constitutionnelle, et enfin une dissolution de la Cour constitutionnelle par le président déchu qui voulait briguer un troisième mandat non constitutionnel ). On distingue la crise institutionnelle pouvant déboucher sur une nouvelle forme de régime politique comme cela fut le cas à partir de 1990, à la suite de la Conférence Nationale Souveraine qui consacra le multipartisme et a conduit à la modification de la Constitution de la IIème République, de la  crise de régime pouvant provoquer un effondrement d’un régime avec une alternance dans la direction du pays à l’instar celle qui est actuellement en cours dans les pays du « Printemps arabe ». (inLes Armées au Congo-Kinshasa…, JJ Wondo, 2013)

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