28 05 14 Direct.cd – RDC: une hyper-militarisation suspecte de la Garde Présidentielle

Comme nous le mentionnions également dans une analyse sur
les personnalités politiques à tenir à l’œil en 2014 : l’impression générale
qui semble caractériser l’année 2014 est que sur les plans politique et
sécuritaire, la RD Congo
entre dans une période d’équilibre instable.

La période du cycle électoral 2014-2016 qui s’annonce sera
le levain qui fera monter la tension politique et le risque de la
généralisation des violences qui caractérisent toutes les élections au Congo.
DESC semble ne pas s’être trompée lorsque plusieurs sources proches des
services de la présidence de la
République
nous font état d’une militarisation anormale et
inquiétante de la
Garde Républicaine
(GR), la Garde prétorienne présidentielle. 

Cela rejoint également les inquiétudes émises récemment par
l’analyste Boniface Musavuli dans son analyse intitulée : « RD Congo
– 2016 : Cette élection vaut-elle la peine ? » L’analyste, sur base de
tristes expériences électorales passées, ironise : « On aimerait tellement que
2016 fasse exception, mais l’affaire est déjà mal engagée. Trop de paramètres
échappent au contrôle des électeurs…2016 va-t-il différer de 2006 ? Difficile
de se prononcer a priori. Tout ce qu’on sait est que le ciel a déjà commencé à
s’assombrir… Assuré d’avoir la haute main sur la violence d’Etat au Congo,
Kagamé est maintenant certain que le prochain Président congolais lui fera
allégeance (sinon ?…) ou que Kabila sera maintenu au pouvoir suivant le
scenario brutal de 2011 (on ne change pas une recette qui marche). »

En effet, c’est évidemment autour de l’argumentaire
sécuritaire que M. Musavuli partage son pessimisme sur l’avenir électoral du
Congo et c’est dans la même foulée que DESC entend apporter d’autres
informations convergentes à la thèse de Musavuli. 

Acquisition d’un lot important du matériel militaire pour la GR 

Des sources maritimes congolaises du port de Boma et de la Garde républicaine ont
signalé à DESC l’arrivée, depuis le 24/02/2014, d’un important premier lot de
50 véhicules blindés de marque russe Gaz-2330 Tigre sur un total de 200
véhicules achetés en Russie. Ces engins militaires sont actuellement stationnés
à Kibomango, où étaient déployés les éléments du 321ème bataillon de réaction
rapide formés par les instructeurs belges. Une unité qui, en 2011 et 2012, est
restée stationnée à Kinshasa pour protéger le président en cas de soulèvement
populaire au lieu d’être déployée à l’Est pour combattre le M23. Une équipe
d’instructeurs russes a été dépêchée sur les lieux pour former les unités de la GR, il s’agit précisément du
Régiment Sécurité et Honneur (RSH) qui est chargée de l’escorte présidentielle.

Cette unité, selon nos sources de la GR, est composée de trois
bataillons (Ndlr. entre 600 à 900 hommes par bataillon).

Six véhicules blindés de type Tigre sont déjà affectés à
l’escorte présidentielle. Ceux qui suivent les déplacements présidentiels ces
derniers temps à Kinshasa peuvent le constater. Les instructeurs Nord-Coréens
sont actuellement à Mbakana (dans la partie Est de Kinshasa vers le plateau des
Bateke) où ils recyclent le bataillon missiles de la GR. Un bataillon commandé
par le lieutenant-colonel Mpanga (un Mulubakat). Il s’agit d’une unité qui fait
partie du régiment d’artillerie de la
GR
et qui dispose dans son d’armement les missiles sol-sol
russe de type Scud-C et Frog-7. Ce bataillon de la garde présidentielle possède
également une panoplie de missiles sol-air Qam7/8/9/13/14 ainsi que des Buk-5
Thor.

La RDC
n’entretient pas de coopération militaire officielle avec la Corée du Nord et n’a pas une
mission militaire permanente nord coréenne en RDC. La présence des Nord-Coréens
à Kinshasa est par conséquent très discrète. Ils procèdent à de brefs modules
de formation des unités d’élite de la
GR
afin d’échapper à la vigilance des autres partenaires
militaires de la RDC.

Périodiquement, la
Corée
du Nord détache en RDC un peloton (environ 30 hommes)
de commandos spéciaux pour encadrer et conseiller le régiment sécurité et
honneur (RSH) de la GR.
Durant
leur séjour à Kinshasa, ils sont généralement logés
dans une concession présidentielle située à Ngaliema, autrefois connue sous
l’appellation de Camp Gulf, sur la route menant vers Matadi.  

S’agissant de la cargaison maritime des armes ukrainiennes
vendues aux FARDC, DESC vient d’être informée, sauf changement de dernière
minute, que les navires accosteront à Boma le 17 mars 2014. Au niveau des
autorités militaires responsables de ce dossier à Kinshasa, les ordres de
mission sont déjà signés pour que les chauffeurs du corps logistique aillent
réceptionner le matériel à Boma pour les acheminer à Kinshasa. Une partie du
convoi sera transporté par route et l’autre atteindra la capitale par la voie
ferroviaire.

Une unité d’élite de la Garde présidentielle est chargée de leur escorte
jusqu’à la destination finale.

En analysant les missions légales de la GR, DESC s’inquiète de cette
militarisation qui présage un avenir sombre pour la RDC lorsqu’on compare la
manière dont cette unité s’est comportée en période électorale de 2011 ou
encore récemment lors des événements du 30 décembre 2013, à Kinshasa, Katanga
et Kindu. Une intervention de la GR,
qualifiée par plusieurs sources de massacre, qui ressemblait à une sorte
d’exercice de manœuvre synchronisé dans le but de semer la panique auprès de la
population. Car lors de ces événements, seuls les éléments de la GR sont intervenus
principalement, là où la loi exige l’intervention policière dans un premier
temps. En effet, l’article 114 de la loi organique portant organisation et
fonctionnement des FARDC prévoit : « La Garde Républicaine
est une unité des Forces armées ayant pour mission d’assurer : – la garde, la
protection du Président de la
République
et les hôtes de marque de la République ; – la
sécurité des installations présidentielles ; – les escortes et les honneurs à
l’échelon de la Présidence
de la République.
» Et pourtant dans un pays confronté à une insécurité quasi généralisée, malgré
la défaite du M23, on constate que la haute hiérarchie politique et militaire
préfère mieux équiper la GR
au détriment du reste de l’armée. Et pour assurer la sécurité dans plusieurs
coins du pays, c’est à la
MONUSCO
que les autorités continuent à faire appel. Cet
équipement inquiétant de la GR
contraste avec les images féodales et pathétiques des FARDC lors des
affrontements contre le M23 en 2013, où les troupes congolaises progressaient à
pied, en colonnes simples, sur des dizaines de kilomètres avec leurs armes et
bagages en mains.  

Exhiber ses muscles en 2014 pour amener tout le monde au pas
en 2016 ?  

C’est ce que DESC déduit des intentions du cercle présidentiel.
Une thèse confirmée par des sources proches du chef de l’État congolais qui
expliquent à DESC que l’intention du régime est de faire une démonstration de
force comme le 30 juin 2010 lors de l’impressionnant défilé militaire qui
marqua l’apothéose du cinquantenaire de l’indépendance du Congo.

Si avant le 30 juin 2010, les assassinats de Chebeya et
Bazana ont eu notamment pour signification de lancer un message clair aux
dissidents en vue des échéances électorales de 2011, les événements tragiques du
30 décembre 2013 et d’autres à venir s’inscrivent également dans la même
dynamique d’intimidation populaire dans une perspective de prolongation du
mandat présidentiel en 2016.

C’est ainsi que les matériels militaires ukrainiens,
commandés récemment et qui doivent arriver en fin de semaine du 8 mars, si
l’itinéraire et le chronogramme initiaux restent inchangés, seront exhibés lors
du grand défilé militaire prévu le 17 mai 2014. Un impressionnant défilé
militaire qui mobilisera 20.000 soldats. Selon les indiscrétions de l’entourage
présidentiel, « le boss promet d’effrayer la communauté internationale ainsi
que le peuple congolais, en exhibant publiquement le volume d’armement, même
des armes secrètes achetées en Russie est qui sont arrivées par avions cargo
gros porteur Antonov 124 Condor en pièces détachées. Il s’agit de missiles
sol-sol Scud-C et Frog -7 ainsi que des missiles sol-air Buk-5 Thor qui sont
montés sur place en RDC par des techniciens russes »  

Pour rappel, La
GR
dispose également des matériels militaires très
performants comme les chars de combats T-72/80 avec canons de 125 mm optimisés avec
télémètre laser et blindages millefeuilles donc résistants aux roquettes RPG-7.
Elle a également dans son dispositif de défense antichars des blindés BMP-3
équipés de canons de 73 mm
coaxial c’est-à-dire à capacité de tirs rapides électriques alors que les
autres unités de l’armée de terre ne disposent que des BMP-1 avec canons de 73 mm manuel. La GR dispose en outre des
véhicules blindés de fabrication tchèque M 53/59 de type Praga avec double
canons de 57 mm
de la GR. C’est
un type de véhicule blindé à roue tout terrain. Enfin, la GR dispose des pièces de
l’artillerie lourde mobile, des canons de 122 mm automoteurs 2s1 ainsi
que des canons de 203 mm
automoteurs 2s7 alors que les forces terrestres n’ont que de pièces
d’artillerie tractées donc statiques. Ce sont des instructeurs Nord-Coréens qui
forment les artilleurs de la GR
à Mura et à Kibomango.  

A la question de DESC de savoir pourquoi vouloir intimider
la communauté internationale, qu’est ce qui se cache derrière tout ça ? Une de
nos sources, bien introduites dans les secrets des dieux avance : Le boss vise
la prolongation de son mandat en 2016. A défaut de modifier la Constitution, il joue
sur la prolongation. D’où, il veut déjà faire passer le message au préalable de
sorte à avertir que « …toute personne qui oserait s’opposer, par la voie
pacifique ou militaire, à ce coup de force, sera écrasée sans ménagement. »

Pour notre source, le président Kabila n’osera sans doute
pas modifier l’article 220 de la constitution, c’est trop risquant pour lui sur
le plan diplomatique. Mais il compte sur le soutien de quelques politiciens de
l’opposition républicaine pour lui permettre de reporter les élections de 2016
à 2018. » Voilà toute une série d’éléments qui mettent en lumière l’intention
du régime qui tient absolument à garder la main au-delà de 2016. 

Multiplier les stratagèmes pour pervertir la Constitution d’ici à
2016 ?  

C’est ce qu’on peut constater dans les manœuvres décelées
récemment dans le chef du président de la CENI, l’abbé Apollinaire Malumalu, qui
rentreraient dans ce schéma de dévoyer le processus électoral de son cadre
constitutionnel et légal actuel dans le seul but d’empêcher une alternance
démocratique crédible et transparente au pouvoir en 2016.

C’est également dans la même stratégie du maintien au
pouvoir de Kabila au-delà de 2016 que d’autres sources signalent la nomination
prochaine des caciques du Kabilisme, le Secrétaire général du parti
présidentiel, le PPRD, le constitutionnaliste Evariste Boshabu ou le sénateur
kabiliste Christophe Lutundula Apala, le démineur juridique des verrous
constitutionnels en faveur du régime, à la tête de la Cour constitutionnelle. Une
institution, qui est appelée à connaitre et trancher notamment des questions
liées à l’interprétation de la constitution, au contentieux électoral
(présidentielle et législatives), de juger le Président de la République, ainsi que
du référendum etc. (Articles 160 à 169).  

Cette Cour, selon Maître Laurent Mutambayi, est également
compétente pour le contrôle de constitutionnalité de certains actes après leur
adoption , par exemple, les recours en interprétation de la Constitution à
l’initiative du Président de la
République
, du Gouvernement, du Président du Sénat, du
Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des
chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des présidents des
Assemblées provinciales.  

La Cour
est le juge de l’exception d’inconstitutionnalité.   

A propos de la
Cour
constitutionnelle et de la violation du droit en RDC,
Maître Marcel Yabili s’étonne qu’ « un pays qui est redevable au droit ne le
respecte pas. Les abus, dictatures, guerres, anarchie, insécurité, impunité,…
indiquent davantage un «État sauvage ». Même ceux qui profitent de la loi de la
jungle finissent par s’en lasser. Tous souhaitent l’instauration d’un « État de
droit ». Jusqu’ici, la volonté politique manque et les critiques restent
emprisonnées par l’évocation de principes abstraits. En réalité, dans un aussi
vaste territoire aux populations aussi diversifiées et sans liens de
prédominance ou d’assujettissement, les dirigeants du pays sont contraints à
organiser leur « légitimation » en recourant à des constitutions sur mesure, à
des élections sur mesure, à des lois sur mesure. Tout leur pouvoir est basé
directement et uniquement sur des lois : c’est un acte juridique qui nomme un
policier, un magistrat, un ministre ; ce sont des lois qui indiquent la nature
et l’ étendue de l’ exercice de leurs pouvoirs. Sans ces cadres juridiques, le
policier, le magistrat ou le ministre est un individu quelconque même dans un
système d’autocrates et d’apprentis dictateurs. Désormais, on peut dire au
pouvoir : « vous êtes des créatures de la loi », « la loi est votre père et
votre mère », « respectez donc le père », « ne violez pas la mère » !  

D’ailleurs pour DESC, penser que Kabila quittera le pouvoir
par la voie démocratique est illusoire. Il suffit de voir comment il est arrivé
au pouvoir. C’est de la même manière qu’il pourra effectivement en sortir et
DESC en est convaincu à 100%. Qu’une certaine classe politique de l’opposition
et l’opinion politique congolaises cessent de rêver que l’alternance au pouvoir
en RDC viendra au bout des élections. On n’organise pas les élections pour les
perdre, dixit Omar Bongo Ondimba. 

 Jean-Jacques Wondo/Exclusivité DESC

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