Paul Kagamé : « Our Kind of Guy » Par Edward S. Herman, Professeur Emérite de Finance à la Wharton School, Université de Pennsylvanie. Economiste et analyste des médias et David Peterson

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                                                                                                                                                  Bill Clinton et « Our Kind of Guy », Paul Kagamé.

 En 1995, un haut responsable de
l’Administration Clinton utilisa au sujet du Président indonésien Suharto,
alors en visite officielle à Washington, l’expression « 
Our kind of guy » [1] [2]. Il
parlait d’un dictateur avide et brutal, auteur de deux génocides —un premier en
Indonésie même, le second au Timor Oriental— mais dont les exactions avaient en
l’occurrence débarrassé le pays de la menace gauchiste, qui avait aussi fait de
l’Indonésie un État client et un allié aligné militairement sur l’Occident, et
qui avait ouvert la porte aux investisseurs étrangers —si élevée qu’ait pu être
sa commission prélevée sur toutes leurs transactions—. La première phase de ce
double génocide (1965-1966) [
3]
servant merveilleusement les intérêts états-uniens dans la région, elle fut
naturellement saluée par l’establishment politique et médiatique US. Au
lendemain même du bain de sang, Robert McNamara appela cette transformation
drastique du pays « 
les dividendes » de l’investissement
militaire US dans la région [
4].
James Reston, du
New York Times, salua pour sa part dans l’ascension de
Suharto « 
une aura radieuse se levant sur l’Asie » [5].

Manifestement, le président rwandais Paul
Kagamé est lui aussi « Our kind of guy » : également
auteur d’un double génocide, à l’instar de Suharto, Kagamé a débarrassé le
Rwanda de toute menace sociale ou démocratique avant de l’aligner fermement sur
l’Occident, livrant lui aussi le pays aux investisseurs étrangers. Plus tard,
et pour plus de profits encore, Kagamé a facilité le pillage des ressources du
Zaïre voisin et ouvert des opportunités d’investissement pour ses propres
associés et les investisseurs nord-américains ou européens, dans cet immense
réservoir de ressources minières d’Afrique centrale rebaptisé République
Démocratique du Congo (RDC), en 1979, lors de la Première Guerre du
Congo (1996-1998).

Pendant des années, les médias occidentaux
ont fait de Kagamé le sauveur du Rwanda, celui qui aurait soi disant mis fin au
génocide de 1994 perpétré contre sa propre minorité ethnique, les tutsis, par
les hutus, majoritaires dans le pays [6].
Ses supporters et lui-même n’ont dès lors eu de cesse de présenter l’invasion
du Zaïre-RDC par les troupes du Front Patriotique Rwandais (FPR) comme la
légitime volonté de traquer sans relâche les génocidaires Hutus qui avaient fui
le Rwanda pendant le conflit, puis suite à la prise de pouvoir de Kagamé.
Depuis longtemps considérée comme fallacieuse par des dissidents marginalisés,
cette excuse est enfin publiquement mise en cause et jusqu’au sein même de
l’establishment, à la suite d’une fuite dans la presse [7],
puis de la vaste mise en circulation d’un pré rapport de l’ONU à l’attention du
Haut Commissariat aux Droits de l’Homme [8].

Non seulement ce pré rapport dresse
l’inventaire des exactions massives commises en RDC sur une période de dix ans,
mais c’est précisément au FPR qu’il attribue la responsabilité des plus graves
d’entre elles. « Nul ne saurait nier que des massacres ethniques aient
effectivement été perpétrés et que la majorité des victimes aient été des hutus
du Burundi, du Rwanda et du Zaïre » explique ce rapport, citant les
résultats d’une enquête de l’ONU de 1997
 (parag. 510). Et lorsqu’on en
fait le décompte, « l’échelle à laquelle ces crimes ont été commis et
le grand nombre des victimes », de même que « la nature systématique
des attaques contre les hutus qui ont été inventoriées… en particulier dans le
Nord Kivu et le Sud Kivu… suggèrent qu’il y a eu préméditation et qu’on y a
suivi une méthodologie précise
 » (parag. 514). Dans la section
consacrée au crime de génocide, le rapport conclut : « Les
attaques systématiques dans presque tout le pays… lesquelles visaient un très
grand nombre de réfugiés hutus du Rwanda et des membres des populations civiles
hutues, se traduisant par leur extermination, révèlent un grand nombre de
circonstances aggravantes qui, si elles devaient être prouvées devant une cour
compétente, pourraient alors être qualifiées de crimes de génocide
 »
(parag. 517) [9].
Comme l’expliquait Luc Cote, ancien investigateur et directeur du bureau légal
au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) : « Pour
moi, c’était ahurissant, je voyais au Congo une manière de procéder que j’avais
déjà observée au Rwanda. C’était la même chose. Il y a des dizaines et des
dizaines d’incidents où on retrouve la même manière de procéder. C’était fait
de façon systématique
 » [10].

Mais ce n’était pas la première fois qu’on
dénonçait à l’ONU les opérations génocidaires de Kagamé au Rwanda et en RDC.
Bien avant l’enquête de 1997 évoquée ci-dessus, l’exposé de Robert Gersony
devant l’ONU, en 1994, dont la version écrite a pu être conservée, faisait déjà
état de « massacres systématiques sur de longues périodes et de
persécutions des populations civiles Hutues par le [FPR]
 », dans le
Sud du Rwanda entre avril et août 1994, ainsi que de « massacres
indiscriminés à grande échelle, d’hommes, de femmes et d’enfants, malades et
vieillards compris…
 ». Dans ce rapport, Gersony estimait entre 5 000
et 10 000 le nombre de hutus exterminés chaque mois depuis avril 1994. « Il
apparaissait que la grande majorité des hommes, des femmes et des enfants qui
étaient tués dans ces opérations, ne l’étaient que parce que le hasard les
avait fait tomber entre les mains du [FPR.]
 » [11].
Il est important de souligner qu’à l’époque, les membres de cette commission
décidèrent de classer « Confidentiel » le témoignage et les
preuves qu’apportait le rapport Gersony, et ordonnèrent « qu’il ne
puisse être accessible qu’aux seuls membres de la Commission
 »,
lesquels s’empressèrent d’ailleurs d’en enterrer immédiatement les
conclusions [12]
—comme en témoigne la lettre de M. François Fouinat sur le HCR à
l’attention de Mme B. Molina-Abram de la Commission d’experts,
11 octobre 1994—.

Parmi les nombreux rapports de l’ONU sur la RDC, le second de la série de
rapports du Panel d’Experts des Nations Unies sur L’Exploitation illégale
des ressources naturelles et autres types de richesses en République
Démocratique du Congo
 est particulièrement intéressant. Les experts de
l’ONU y estimaient que, jusqu’à septembre 2002, on pouvait dénombrer quelques 3
millions et demi de morts en excès [par rapport à la normale en temps de paix]
dans les cinq provinces de l’Est du Congo, « conséquence directe de
l’occupation de la RDC
par le Rwanda et l’Ouganda
 » (parag. 96). Ce rapport rejetait en outre
l’excuse du régime de Kagamé selon laquelle le maintien d’une partie de ses
troupes à l’Est du Congo se trouvait justifié par la nécessité de défendre le Rwanda
contre des forces hutues qui terrorisaient les régions frontalières et
menaçaient de les envahir. En réalité, « l’objectif réel à long terme
est… d’y "sécuriser leurs conquêtes"
 », rétorquait le
rapport (parag 66) [13].
Malgré cela, et bien que personne n’ait jamais ordonné la suppression de ce
rapport, contrairement à celui de Gersony, les médias occidentaux l’occultèrent
totalement. Pourtant, ces 3 millions et demi de morts en trop dépassaient très
largement le nombre maximum de victimes imputables aux auteurs présumés du
« génocide du Rwanda » de 1994.

De toute évidence, cette occultation tient
au fait que le régime de Kagamé est avant tout un régime client des USA, dont
les sanglantes opérations au Congo s’accordaient parfaitement à la politique
états-unienne d’ouverture en force du pays aux appétits des affairistes et du
secteur minier US et occidental. Interrogé sur les fuites de ce rapport, Philip
Crowley, assistant du secrétaire d’État US alla jusqu’à reconnaître :
« Nous avons effectivement un lien particulier avec le Rwanda, en
dehors de la tragique histoire du génocide et d’autres événements des années
1990. Le Rwanda a joué un rôle constructif dans la région récemment. Il a joué
un rôle important dans un grand nombre de missions de l’ONU. Il est dans notre
intérêt d’aider les forces armées à se professionnaliser. Et nous y mettons le
paquet dans différentes régions du monde. Nous y avons donc engagé le Rwanda
 » [14].
A l’époque, Crowley et compagnie n’avaient pas vraiment pris la peine de
chercher à jeter un œil sur ce pré rapport de l’ONU. Mais d’un autre côté, il y
avait tous les autres rapports de l’ONU concernant les massacres de civils par
Kagamé, au Rwanda comme en RDC, dont aucun n’avait jamais donné lieu à la
moindre réaction discernable de la part des USA ou de l’ONU (en dehors du
réflexe d’occultation évoqué ci-dessus). Se pourrait-il qu’on ait salué dans
ces massacres la conduite honorable de ces « forces armées
professionnalisées
 », comme cela avait été le cas pour les forces
professionnalisées de Suharto en Indonésie ou pour tant d’autres troupes
d’Amérique du Sud, formées aux USA et fraîchement sorties de l’Ecole des
Amériques
 ? Se pourrait-il que ces horreurs aussi n’aient été
que des « dividendes » et « une aura radieuse »
—en Afrique— ?

Il n’est pas inintéressant de souligner
ici que le premier article paru dans le New York Times au
sujet du pré rapport de l’ONU —signé Howard French— traitait principalement de
la difficulté qu’on rencontrait à le rendre public. Les premières fuites
avaient paru en France, dans Le Monde, et provenaient de personnels
de l’ONU qui craignaient que ses parties les plus critiques ne soient
supprimées avant sa parution. L’ONU avait déjà jugé nécessaire de soumettre
ledit pré rapport au gouvernement de Kagamé, afin qu’il donne son point de
vue [15],
et sa virulente dénonciation de ce document « outrageant »
tenait bien évidemment un paragraphe entier de l’article du New York
Times
. Comme l’expliquait French, depuis sept mois, des difficultés
empêchaient la publication de ce rapport, du fait d’objections d’un
gouvernement « qui bénéficie depuis longtemps du puissant soutien
diplomatique des USA et de la Grande-Bretagne
 » [16].

Sans doute les médias et le personnel de
l’ONU furent-ils aiguillonnés par le remarquable score de 93 % des votes
qui couronna la réélection de Kagamé le 9 août 2010, fort du soutien unanime
des hutus rwandais, dont il exterminait massivement les compatriotes ethniques
et cousins en RDC. Cette réélection bénéficia d’assez de battage médiatique pour
replacer le Rwanda à la une de la presse internationale, ne fut-ce que
brièvement. Même l’administration US se dit assez « préoccupée »
par « ce qui semble dénoter de la part du gouvernement rwandais, une
volonté de limiter la liberté d’expression
 » [17] ,
insistant sur l’urgence de réformes volontaires. Supposons qu’on découvre aux
Nations Unies quelque preuve tangible que le président du Venezuela, Hugo
Chavez, a fait massacrer dans un pays voisin des milliers d’hommes, de femmes
et d’enfants, sans épargner les vieillards et les blessés. Peut-on imaginer
l’ONU demandant alors à Chavez son opinion sur un pré-rapport dénonçant ses
activités, non sans l’assurer de son soutien pendant au moins sept mois, avant
qu’une fuite ne soit finalement publiée dans la presse ?

Soulignons au passage que Howard French et
les journalistes du Monde ou d’autres grands médias occidentaux
n’abordent jamais ce probable génocide en RDC sans le justifier tant soit peu
en l’inscrivant systématiquement dans le contexte du génocide rwandais de 1994,
où le prétendu sauveur providentiel, Kagamé, aurait mis fin aux hécatombes de
tutsis organisées par les hutus. Comme l’écrit French —conformément à la ligne
du parti occidental— « en 1994, plus de 800 000 personnes, pour la
plupart membres du groupe ethnique tutsi, avaient été massacrés par les hutus
 » [18]. Ici, comme dans la plupart des
reportages des grands médias occidentaux, il y a au départ un premier génocide,
celui des tutsis par les hutus, auquel semble désormais avoir répondu ensuite
un second génocide perpétré cette fois par les tutsis contre les hutus.

Mais ce prétendu contexte repose
entièrement sur un mensonge monumental de l’establishment au sujet du premier
génocide, et à y regarder de près, la prodigieuse difficulté qu’il y a
aujourd’hui à faire passer l’information concernant les massacres de masse qui
ont ensanglanté la RDC,
n’est manifestement pas sans rapport avec ce mensonge. En d’autres
termes : dès lors que Kagamé est au service des intérêts des USA et d’autres
puissances impériales occidentales, pour les responsables occidentaux et les
médias, la documentation concernant les crimes qui lui sont imputables ne
mérite absolument pas qu’on s’y attarde. La vérité qu’Howard French et consorts
ne peuvent reconnaître, c’est que le véritable génocide de 1994 était, lui
aussi, fondamentalement l’œuvre de Paul Kagamé, fort du soutien de Bill
Clinton, des Britanniques, des Belges, de l’ONU et des médias [19].

Bien qu’il se maintienne au pouvoir
principalement par la force, l’hégémonie régionale de Kagamé dépend
fondamentalement du mythe qui l’institue en sauveur du Rwanda [20].
Or il a d’ailleurs fait de la « négation de génocide » un
crime majeur. La version officielle du « génocide rwandais »
n’étant pas contestable au Rwanda, tous ceux qui mettent en cause son pouvoir
peuvent être aussitôt accusés de « négation de génocide » et
de « divisionnisme », et être poursuivis pour crimes contre
l’Etat du Rwanda. C’est sur cette base que l’avocat états-unien Peter Erlinder,
principal avocat de la défense au TPIR a été arrêté en mai 2010, dès son
arrivée au Rwanda où il venait défendre Victoire Ingabire Umuhoza, candidate
d’un parti d’opposition Hutu, elle aussi écrouée et interdite de se présenter
aux élections. Bien qu’Erlinder ait été libéré sous caution en juin, son
arrestation et la répression systématique des partis d’opposition et de leurs
candidats à la veille des élections du mois d’août étaient plutôt
embarrassantes pour les défenseurs de l’image consacrée du sauveur du
Rwanda [21].

Concernant le caractère mythique de cette
version officielle :

• Il est communément admis que ‘l’élément
déclencheur’ du premier génocide fut l’attentat qui détruisit en vol l’appareil
qui ramenait à Kigali les présidents hutus du Rwanda et du Burundi, Juvénal
Habyarimana et Cyprien Ntaryamira. Il y a pléthore de preuves attestant que cet
attentat a été organisé par Paul Kagamé. C’est précisément ce qu’en avait
conclu Michel Hourigan, investigateur commandité par le TPIR et qui enquêtait
sur le sujet en 1996 [22].
Mais le rapport d’enquête qu’il présenta à Louise Arbour fut laissé de côté
après consultation avec des émissaires des Etats-Unis, et pendant les treize
années qui suivirent, le TPIR se dispensa d’enquêter davantage sur cet ‘élément
déclencheur’. Pourquoi donc le TPIR, instance créée par un Conseil de Sécurité
largement dominé par les USA, aurait-il ainsi laissé tomber une telle affaire
si les preuves qu’apportait le dossier n’avaient directement mis en cause le
FPR et son leader, Paul Kagamé, client et serviteur des USA ?

• La conclusion d’une autre enquête,
encore plus détaillée et dirigée par le juge français Jean-Louis Bruguière sur
ce même ‘élément déclencheur’, est que Kagamé avait besoin de « l’élimination
physique
 » d’Habyarimana, pour s’emparer du pouvoir au Rwanda avant
les élections présidentielles qu’exigeaient les Accords d’Arusha. Ces
élections, Kagamé n’avait littéralement aucune chance de les remporter car son
groupe ethnique d’origine, les tutsis, était numériquement de très loin
inférieur à celui des hutus [23].
Bruguière souligna aussi qu’au Rwanda, en 1994, la seule force parfaitement
organisée et prête à frapper était le FPR. Politiquement faible mais
militairement fort, le FPR de Kagamé frappa d’ailleurs effectivement et, dans
les deux heures qui suivirent l’assassinat d’Habyarimana, son attaque générale
contre le gouvernement du Rwanda fut déclenchée dans tout le pays. On peut donc
en déduire que les dirigeants du FPR savaient d’avance ce qui allait se passer
et se tenaient prêts à agir, leur réaction ayant été planifiée et organisée à
l’avance. Inversement, il semble que les planificateurs hutus de la version
mythique que l’establishment donne de ces événements étaient plutôt
désorganisés, dépassés et furent rapidement surpassés. En moins de cent jours,
Kagamé et le RPF avaient pris le contrôle du Rwanda. A supposer que l’attentat
fut effectivement la pièce maîtresse du vaste plan de conquête et de génocide
du Hutu Power, la suite des événements aurait demandé aux hutus un
prodige d’incompétence. Tout devient en revanche infiniment plus logique si
l’attentat a été perpétré par les hommes de Kagamé dans le cadre de leur
stratégie de prise du pouvoir.

 Kagamé a été formé à Fort
Leavenworth, au Kansas [24].
Il a ensuite constamment bénéficié d’un soutien diplomatique et matériel des
USA, depuis le jour où il a pris le commandement du FPR, au lendemain de
l’invasion du Rwanda par l’Ouganda et le FPR, en octobre 1990 [25]
—un acte d’agression caractérisée qui resta néanmoins un incident mineur aux
yeux du Conseil de Sécurité de l’ONU— jusqu’à l’assaut final contre l’Etat
Rwandais, qui commença le 6 avril 1994. Au cours de cet assaut, alors que le
« génocide » était supposé avoir commencé depuis longtemps,
les membres restants du gouvernement rwandais pressèrent l’ONU d’envoyer
davantage de Casques Bleus au Rwanda pour contenir les violences. Mais Paul
Kagamé, voyant sa victoire assurée, ne tenait pas spécialement à voir davantage
de Casques Bleus au Rwanda et —Surprise !— les Etats-Unis s’opposèrent
fermement à l’envoi de troupes onusiennes supplémentaires. Le Conseil de
Sécurité réduisit même drastiquement le contingent de Casques Bleus au Rwanda
—ce qui, en fait, ne colle pas vraiment avec la version officielle, selon
laquelle la principale responsabilité de ces 100 jours de massacres est
imputable au Hutu Power et à son extermination planifiée—. Les
excuses de Bill Clinton, en 1998, au nom de la « communauté
internationale
 » pour « n’avoir pas agi assez rapidement après
le début des massacres
 » [26]
sont d’une hypocrisie absolument inqualifiable. Loin d’avoir failli à un
prétendu objectif humanitaire, qu’elle n’a jamais eu, l’administration Clinton
a au contraire facilité la conquête du Rwanda par Kagamé, et partage pleinement
avec lui la responsabilité des exactions commises au Rwanda et de celles dont
le FPR s’est si férocement couvert en RDC pendant tant d’années.

• Pour ce qui est des preuves des massacres,
il n’y a bien sûr pas le moindre doute que de très nombreux tutsis ont été
tués, quoique manifestement dans des poussées de violence sporadiques,
localisées et vengeresses, plutôt que dans l’exécution méthodique d’une
opération planifiée par les dirigeants hutus. En réalité, seules les forces de
Kagamé semblent avoir exterminé de façon systématique et planifiée. Mais l’ONU
et les Etats-Unis ont tout fait pour minorer ces tueries. Non seulement le
rapport Gersony, de 1994, sur les massacres de Hutus fut envoyé aux oubliettes
par l’ONU, mais un mémorandum interne du secrétariat d’Etat US daté de
septembre 1994, et qui faisait clairement état de « quelque 10 000
civils hutus par mois, voire davantage
 » exterminés par les forces
tutsies, serait lui aussi définitivement passé à la trappe si Peter Erlinder ne
l’avait exhumé et produit comme pièce à conviction devant le TPIR [27].
Lorsque les universitaires américains Christian Davenport et Allan Stam,
initialement chargés par le TPIR de documenter les massacres commis au Rwanda
en 1994, arrivèrent à la conclusion que « la majorité des victimes
étaient hutues et non tutsies
 », on s’empressa de les congédier.
« Les massacres dans les zones contrôlées par les FAR [Forces Armées
Rwandaises] semblaient augmenter à mesure que le [FPR] s’enfonçait dans le pays
et annexait davantage de territoires
 », écrivent-ils, résumant ce
qu’ils considèrent comme « les résultats les plus choquants »
de leur recherche. « Lorsque [le FPR] avançait, les massacres de masse
augmentaient. Lorsqu’il s’arrêtait, les massacres de masse diminuaient considérablement
 » [28].

N’aurait-il pas été invraisemblable que
les forces tutsies de Kagamé, les seules forces armées réellement organisées à
l’intérieur du Rwanda en 1994, dont les avancées s’accompagnaient
systématiquement de vagues de massacres et qui furent capables de conquérir le
Rwanda en une centaine de jours à peine, aient été incapables d’empêcher que le
nombre de tutsis massacrés ne dépasse très largement le nombre de hutus tués,
comme le revendique la version officielle du « génocide rwandais » ?
C’est effectivement incroyable et ce devrait d’ailleurs être clairement reconnu
comme un pur mythe de propagande.

• D’ailleurs, ce mythe n’est pas
compatible non plus avec les proportions réelles de la population rwandaise.
Nous nous bornerons à reprendre ici textuellement ce que nous avons déjà
démontré ailleurs [29],
selon le recensement national officiel de 1991, peu avant le génocide la population
du Rwanda était composée à 91 % de Hutus, à 8,4 % de tutsis, à
0,4 % de twa et à 0,1 % de représentants d’autres groupes ethniques.
De sorte que sur un total de 7 099 844 habitants en 1991, la minorité tutsie ne
représentait au Rwanda que 596 387 personnes, pour une population hutue de 6
467 958 habitants. En outre, comme le soulignent Davenport et Stam dans leur
article du Miller-McCune, l’organisation IBUKA des survivants
tutsis du génocide estime à environ 300 000 le nombre de tutsis ayant survécu
aux massacres de 1994. Ce qui signifie que « sur 800 000 à un million
de victimes supposées du génocide, plus de la moitié étaient hutus
 ».
Et il semble même extrêmement probable que ce soit largement plus de la moitié
des personnes massacrées au Rwanda entre avril et juillet 1994, qui étaient en
réalité des hutus [30]. Et bien évidemment, après la prise de
pouvoir du FPR, en juillet 1994, les massacres de hutus à l’intérieur même du
Rwanda comme en RDC continuèrent de plus belle pour une décennie et demi de
plus.

Conclusion

Les politiques états-uniennes dans le
Tiers-monde font montre d’une remarquable continuité, hélas ! De sorte
qu’un représentant de l’administration Clinton pouvait bien appeler « Our
kind of guy
 » un véritable boucher comme Suharto, qui n’en bénéficia
pas moins d’un soutien indéfectible des USA pendant 33 longues années, sous les
présidences successives de Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan et Clinton,
jusqu’à la chute de son régime, en 1998, en pleine crise asiatique. Dans un
contexte plus récent et qui s’étend de 1990 à nos jours, Paul Kagamé, un
criminel de guerre bien plus impitoyable encore, fut assuré du soutien de George
Bush 1er, de Bill Clinton, de George Bush II, puis à présent de Barack Obama
(dont le secrétaire d’Etat adjoint n’a même pas pris la peine de jeter un œil
au pré-rapport de l’ONU mettant en cause Kagamé pour les massacres de masse
commis en RDC). De même, il n’est pas inintéressant d’observer le traitement si
aimable que les médias occidentaux continuent de réserver à cet autre « Our
kind of guy
 ». Réputé de gauche, Philip Gourevitch, du New
Yorker
, allait même jusqu’à le comparer à Abraham Lincoln (dans son ouvrage
de 1998 : Nous souhaitons vous informer que demain nous serons
tués avec nos familles
.), et Stephen Kinzer publia, lui, une véritable
hagiographie de cet épouvantable agent de la puissance américaine (Les Mille
Collines : La renaissance du Rwanda et l’homme qui l’a rêvée
[2008]).

Cette affaire de fuite d’un rapport de
l’ONU et la très mauvaise publicité qu’aura valu à Kagamé son simulacre de
réélection, en août 2010, imposeront-ils aux médias occidentaux de se montrer
un peu plus honnêtement critiques à l’égard de cet exterminateur made in
USA ? Rien n’est moins sûr, vu les précieux services qu’il rend à la
super-puissance US en Afrique, et vu combien l’establishment US semble
profondément attaché à une version officielle qui pendant tant d’années a
protégé et même sanctifié l’homme qui rêvait…

 

 

 

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