La RDC face à la question de sa souveraineté économique de sa souveraineté économique dans un monde multipolaire Par Mbelu Babanya Kabudi, analyste géopolitique
Quand certains pays latino-américains ont compris que les IFI étaient au service du capitalisme du désastre[1], ils ont organisé laudit sur leur dette extérieure, payé sa part non-odieuse avant de rompre leurs liens avec le FMI et la Banque mondiale. Le Venezuela, lEquateur, la Bolivie, etc. peuvent être cités en exemple. Cette démarche fut dictée par le souci de préserver leur souveraineté économique. Ils doivent avoir compris que la guerre économique imposée par ‘la corporatocratie (coalition de gouvernements, banques et entreprises) est aussi destructrice que celle menée militairement pour ‘vendre la démocratie et la liberté à coup de ‘bombes humanitaires.
John Perkins, dans ‘Confession dun assassin financier(2005), explique les mécanismes utilisés au cours de cette guerre économique et les dégâts sociaux quelle cause. « Il explique par exemple comment il a contribué à réaliser des plans secrets qui ont amené des pays du tiers-monde fortement endettés à se soumettre aux intérêts militaires, politiques et économiques de «lempire global» ou fait revenir des milliards de pétrodollars dArabie Saoudite dans léconomie des Etats-Unis. Il met au jour les mécanismes du contrôle impérial cachés derrière plusieurs événements dramatiques de lhistoire récente comme la chute du shah dIran, la mort du président de lEquateur Jaime Roldos, le 24 mai 1981, et du président du Panama Omar Torrijos, le 31 juillet 1981, les invasions, par les Etats-Unis, du Panama le 20 décembre 1989 et de lIrak durant les premiers mois de 1991. »[2] Souvent la guerre économique précède son expression militaire. Il arrive aussi que les deux –léconomique et la militaire- se mènent concomitamment.
Cette double guerre est nécessaire à lexercice de lhégémonie impériale par ‘lempire global. Elle le protège du paiement de sa dette interne en imposant le dollar comme monnaie de référence internationale. John Perkins estime (en 2005) que « nous ne sommes pas dans des conditions normales. Les Etats-Unis émettent des billets qui ne sont pas couverts par de lor. En fait, cette monnaie nest couverte que par la confiance internationale dans léconomie américaine et dans la capacité des Etats-Unis à gérer les forces et les ressources de lempire global – si nécessaire, par la force – de façon à ce quelles servent leurs intérêts. » Et il ajoute : «Tant que le monde acceptera le dollar comme monnaie internationale, lénorme dette publique des Etats-Unis ne posera aucun problème sérieux à la corporatocratie. »
Le recours à cet ex-assassin financier aide à comprendre les démarches entreprises par les pays latino-américains susmentionnés. En Afrique, lErythrée refuse les aides de la Banque mondiale et du FMI. Ses succès économiques le placent dans le collimateur de ‘lempire global. LAlgérie aussi. « En fait, il ne fait pas bon suivre sa propre voie… »[3] En RDC, Laurent-Désiré Kabila sétait engagé sur cette voie quand, pendant deux ans, il a gouverné le pays sans tendre la main aux IFI. Il fut assassiné. Le libyen a défié le FMI[4] en soutenant lidée du développement du « Fonds monétaire africain » (FMA) et sa fin fut tragique.
En rompant avec les IFI, « les Latinos ont lancé leur propre Banco Sur (Banque du Sud) pour contrer les chantages arrogants du FMI et décider eux-mêmes quels projets vraiment utiles ils veulent financer (…). »[5] Le FMA avait déjà recueilli 62% de son capital. 16 milliards de dollars lui avaient été octroyés par lAlgérie et 10 milliards par la Libye. Où est passé cet argent ? Lavenir nous le dira.
Après les Latinos, les pays composant les Brics sont prêts à créer leur propre banque[6] et pourraient faire leurs échanges économiques en leurs propres monnaies. Leur banque pourra lutter contre le déficit budgétaire en périodes de crises ; elle financera les projets économiques et sociaux sans imposer les mesures daustérité ou les programmes dajustement structurel chers à la Banque mondiale et au FMI. Il est plus ou moins sûr que cette souveraineté économique des Brics sera un appui sérieux à leur souveraineté politique. Elle pourra soutenir lorientation de leur politique extérieure de non-ingérence dans les affaires des pays tiers et de respect du principe dautodétermination des peuples.
Même sil nest pas exclu quune ‘guerre humanitaire vienne tout chambarder, il y a là de nouvelles orientations économiques constituant des opportunités à étudier. Un pays comme la RDC aurait intérêt à les étudier sérieusement pour voir, comment, petit à petit, intégrer un grand ensemble sous-régional pouvant la rapprocher des Brics en attendant que le FMA soit relancé.
Economiquement, culturellement et politiquement, le monde unipolaire est en train de mourir. Un autre monde est en train de naître[7]. Il est souhaitable de sy positionner utilement.
Le préalable pour la RDC serait son passage de lEtat manqué à lEtat national (ou plurinational) de droit démocratique, géré par un leadership collectif efficace, légitime et visionnaire. Cela pourrait lui permettre déchanger avec les autres dégal à égal. Il nest pas très sûr que cela se fasse sans casse. Pour cause. La RDC est ‘un intérêt permanent pour ‘lex-empire global. Faudrait-il quelle affine ses méthodes et ses stratégies pour éviter le pire sur le moyen terme ? Peut-être !
Pour lauteur de ‘Confession dun assassin financier, la domination de l ‘ex-empire global nest pas une fatalité. ‘Le problème, dit-il, cest nous. Nos croyances dans ‘le mythe de léconomie capitaliste bénéfique pour lhumanité ont mangé nos esprits et nos cœurs. Et voici ce quil prodigue comme conseil : « Ce quil nous faut, cest une révolution de léducation qui nous amène, nous et nos enfants, à penser de manière indépendante, à mettre en question les explications toutes faites et à oser sortir des chemins battus de la pensée et de laction pour nous mettre ensemble et créer des alternatives au système actuel. » Oui. Cest vrai. La conversion ou la re-conversion de croyances (et de paradigmes) passe (aussi) par léducation et la formation permanentes. Les connaissances partagées sont indispensables à linsurrection des consciences et à laction. A condition quelles soient conçues et assurées de manière souveraine ; sans ethnocentrisme.
[1] Lire N. Klein, La stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008.
[2] A. Mylaeus, Interview de lauteur, dans Horizons et débats, 37, juin 2006.
[3] M. Collon, Libye, Otan et médiamensonges. Manuel de contre-propagande, Bruxelles, InvestigAction, 2011, p. 54.
[4] Ibidem, p. 45
[5] Ibidem.
[6] http://french.ruvr.ru/2014_07_02/Brics-une-banque-pour-defier-la-domination-americaine-1571/
[7] B. Badie et D. Vidal (Sous la direction de), Puissances dhier et de demain. LEtat du monde en 2014, Paris, La découverte, 2013