La RDC face à la stratégie du chaos.Louise Mushikiwabo était en Israël (suite et fin) Par Mbelu Babanya Kabudi, analyste géopolitique
Il est un peu curieux
que, pour que ''l'opposition politique, les forces sociales et la majorité
présidentielle congolaises'' puissent s'asseoir à une même table et discuter,
il y ait Agence et un instrument de sédition « made in USA » pour jouer les
médiations. Qu'est-ce que cela peut signifier ? Un besoin d'un arbitre
impartial ou d'une tutelle permanente ? Un syndrome du larbin poussé à son
extrême ? Un infantilisme qui ne peut se satisfaire que de l'intervention du
''pyromane-pompier'' : ou tout cela à la fois ?
L'histoire pourra
peut-être nous aider à répondre un jour à toutes ces questions. Il ne serait
pas exclu que ''la classe politique et sociale'' congolaise coachée par les
Agences et instruments de sédition « made in USA » participe de la stratégie du
''chaos constructeur'' anglo-saxon et de théâtraliser cela comme étant de la
politique. Pour preuve. Il n'a presque pas été question de politique au Sommet
USA-Afrique. Il y a été prioritairement question du business et de la guerre
contre le terrorisme. Les USA ont soutenu qu'ils voudraient investir 37
milliards de dollars en Afrique. Quelle rigolade ? Divisons cette somme par le
nombre de pays africains ayant participé à ce sommet. Rappelons que l'Afrique
compte 54 pays (si nous y ajoutons le Sud-Soudan). 37 milliards divisés par 54
égalent combien ? De la poudre aux yeux !
Il est aussi curieux
qu'Obama qui, à travers son discours au Ghana, avait juré de travailler avec
''les institutions fortes '' en Afrique et non ''avec les hommes forts'', en
ait accueilli et se soit fait photographier tout souriant avec eux ! Il y a là
une preuve que les discours de bonne intention américains n'engagent que ceux
qui y croient ! Même s'il n'appartient pas à Obama de créer des ''institutions
fortes'' en Afrique à la place des ''hommes forts''. Hélas ! Cette Afrique,
victime de la traite négrière et de la colonisation ''civilisatrice'', a du
connaître, à partir de la crise de sa dette des années 1980, les programmes
d'ajustement structurel imposés par la Banque mondiale et le FMI, ces ''tueurs
à gage économique made in USA'' pour rembourser, plusieurs fois, une dette
gravement odieuse, contractée par ''les hommes forts'', amis de Washington ou
partisans de la françafrique!
C'est-à-dire que
pendant toute cette période incluse dans ''la guerre froide'', des injonctions
faites par le FMI et la Banque mondiale et les diktats de la France ont conduit
à faire de l'Afrique la chasse gardée de ''la communauté occidentale'' au point
de la pousser à payer plusieurs fois sa dette odieuse extérieure. Les efforts
de certains de ses fils et de certaines de ses filles pour demander des comptes
aux dinosaures jouissant du soutien de ''la communauté occidentale'' à travers
''les conférences nationales souveraines'' ont été anéantis par ''la fin de
l'histoire''. A la chute du mur de Berlin, ''la communauté occidentale'', aidée
par ses têtes pensantes dont Francis Fukuyama, à décréter ''la fin de
l'histoire'' ; c'est-à-dire la fin du monde bipolaire et le règne sans partage
de ''la démocratie libérale''. Ce ''nouveau désordre mondial''[1] a produit
plusieurs guerres. Toujours au nom de la démocratie et de la liberté ! Au nom
de la démocratie et de la liberté, ''une seule guerre est menée sur tous les
continents''[2]. Et ''la communauté occidentale'' est soumise à un seule et
même acteur majeur sur le déclin ! Et se sachant à son crépuscule, il devient
très dangereux. Il est prêt à tous les coups pourvu qu'il diffère de quelques
mois ou de quelques années ce déclin. Dans ce contexte, il estime qu'il peut,
sous ''fausse bannière'', rouler toute l'Afrique dans la farine avec ses 37
milliards et sa guerre contre ''le terrorisme''!
Finalement, qu'est-ce
que cela signifie profondément ? L'Afrique va davantage servir de réservoir de
matières premières à ''la communauté occidentale'' avec la complicité de ses
fils et filles, ''les jeunes leaders de l'Afrique de demain formés à Washington
et aînés opérant à partir du continent et coptés par le NED, le NDI, l'USAID,
l'Open Society, etc. Ces négriers de service recrutés par ces Agences et instruments
de sédition « made in USA » vont, à leur retour dans leurs pays respectifs, à
quelques exceptions près, soutenir la guerre contre ''le terrorisme''. Ils vont
faire semblant d'oublier que ''ces terroristes'' sont nourris et armés par ''la
communauté occidentale'' qui a détruit l'Irak, l'Afghanistan, la Syrie, la
Libye, la Somalie et diviser le Soudan. Au nom de la guerre contre ''le
terrorisme'', ils vont soutenir le ''chaos constructeur''. C'est-à-dire ''la
destruction créatrice'' du ''nouveau désordre africain'' moyennant quelques
postes de ''pouvoir''. Ils seront des Présidents, des Ministres et des Députés
des Institutions tournant à vide. En d'autres mots, ils seront de simples
commissionnaires de ''chasseurs de matières premières''.
Le cas du Congo nous semble
gravissime. De Malumalu jusqu'aux derniers politiciens et acteurs de la société
civile qui sont passés dernièrement à Washington, tous ont été encadrés par le
NED travaillant en collaboration avec le NDI et l'USAID, des supplétifs de la
CIA. Nous pouvons nous tromper. Néanmoins, ''le théâtre'' organisé durant ces
derniers jours par le NED semble nous convaincre davantage qu'il n'y a pas
grand-chose à attendre de ces compatriotes. Leur retour au pays va assurer la
suite de ce ''théâtre'' : convaincre faussement les Congolais(es) qu'ils sont à
leur service.
Faux ! A quelques
rares exceptions, plusieurs sont au service de ''la communauté occidentale''
dont ''le mythe fondateur est la barbarie raciste''[3]. (Nous ne confondons pas
''la communauté occidentale et les peuples habitants les pays européens et américains.
''L'Occident'' est ici synonyme du 1% d'oligarques d'argent arrogant et niant
l'humanité des autres races.) Fort de ce mythe fondateur ce 1% détruit les
pays, les peuples et leurs cultures. Il soutient le sionisme sa guerre
d'extermination des Palestiniens comme il a soutenu Museveni et Kagame dans la
destruction des ''bantous'' en Afrique des Grands Lacs.
Tenez. Ce n'est pas un
hasard que Louise Mushikiwabo ait rendu visite à Israël pendant qu'il
travaillait à l'effacement de l'humanité des Palestiniens. Louis Mushikiwabo
comme Paul Kagame et Kaguta Museveni participent du projet de la création d'un
''Etat anglo-saxon off shore'' en Afrique de l'Est. Un livre publié il y a
quelques mois en témoigne. Il s'agit du livre de Noël Ndanyuzwe intitulé ''La guerre
mondiale africaine : la conspiration anglo-américaine pour un génocide au
Rwanda. Enquête dans les archives secrètes de l'armée nationale ougandaise''.
Cette enquête révèle que Museveni a accepté de jouer le rôle d'Hitler dans
cette guerre d'épuration raciste pour la conquête des ''mines du roi Salomon''
se situant dans ''le scandale géologique''. Il a servi et sert encore
l'idéologie de la judaïsation des tutsis pour des intérêts purement et
simplement économico-financiers : faire main basse sur les richesses
stratégiques des pays des Grands Lacs et de toute l'Afrique de l'Est ; arriver
à contrôler l'Océan Indien.
C'est symptomatique
qu'un petit pays de la corne de l'Afrique, l'Erythrée, essayant de résister à
ce projet, soit sous les feux croisés anglo-saxons. Mais cela ne l'a pas
empêché de comprendre, après 30 ans de résistance, qu'il est possible d'assurer
sa souveraineté politique et économique sans l'Occident.
Le livre susmentionné
peut être approfondi à la lecture d'un article récent retraçant l'histoire de
la naissance d'Israël et des USA[4]. Il révèle entre autre qu'avant de choisir
de l'implanter en Palestine, les créateurs d'Israël avaient pensé à le faire en
Ouganda ou Argentine. Ce dernier pays appartenait à ''l'arrière-cour'' US selon
la doctrine Monroé.
Petit à petit, avec
ses gouvernements progressistes, l'Amérique latine est en train de rompre avec
cette doctrine. Certaines pays asiatiques sur lequel ''l'empire global''
finissant comptait pour l'expansion de son ''Grand Domaine'' se rapprochent de
plus en plus de la Chine et de la Russie à travers l'Organisation de la
Coopération du Shanghai. L'Inde, le Pakistan, l'Iran et la Mongolie ont été
dernièrement acceptés comme observateurs de cette Organisation. Ils tiennent à
défendre leurs intérêts et leur souveraineté en échappant à la dureté de la
politique néolibérale atlantiste. L'ONU dominée par les intérêts US et ceux des
multinationales n'arrive presque pas à imposer le respect du droit
international. Ses casques bleus assurent ''la stabilité'' des zones où les
intérêts de ceux qui les paient sont en jeu. La Chine a compris le jeu et
essaie d'envoyer ses propres soldats pour qu'ils soient des casques bleus dans
ces zones au point de conduire certains analystes politiques à parler d'une
nouvelle ''guerre froide'' entre ''l'empire du milieu'' et le pays de l'Oncle
Sam en Afrique[5].
En quelque sorte, en
dehors de l'Europe, cette politique n'a plus que l'Afrique dans sa ligne de
mire. Avoir un ''Etat Off shore'' anglo-saxon ferait son affaire.
A nos yeux, donc, la visite de
Louise Mushikiwabo en Israël est à prendre au sérieux pour la suite des
évènements en RDC. Déjà, ''les experts rwandais et congolais'' s'y rencontrent
pour plancher sur la révision des frontières héritées de la colonisation. La
Banque mondiale est prête à y financer les travaux d'électrification. Et le
dernier passage des acteurs politiques et sociaux à Washington n'est pas de
nature à apaiser les esprits. Du moins, le nôtre.
Il ne serait pas exclu
que la guerre contre les FDLR ou le Boko Haram (qui est déjà au Cameroun)
relance les hostilités en vue d'éradiquer ''le terrorisme''. C'est-à-dire de
créer un chaos permettant la poursuite de la prédation transnationale des
ressources stratégiques du pays et de toute la région.
Avoir tous ces scénarios
en tête pourrait aider à passer au crible de la critique le discours des
acteurs politiques et sociaux actuels au pays. A Washington, ils se sont parlé
en ''amis'' ; ils se sont rencontrés dans les couloirs du bâtiment du NED. Ils
ont présenté un front commun des agents du statu quo. Ils sont d'accord sur
l'alternance au pouvoir. Ils veulent qu'il y ait un changement cosmétique de
certains acteurs institutionnels dans un même système néolibéral géré par les
élites dominantes anglo-saxonnes et leurs négriers des temps modernes. Sous
peine de nous tromper, nous n'avons pas senti, dans les propos des uns et des
autres, un véritable désir de lutter pour l'émancipation politique et la
souveraineté du Congo. Il est possible qu'ils aient réservé ces questions-ci au
débat public au pays. Qui vivra verra. Au vu de ce spectacle, il serait
intéressant qu'un grand mouvement unifiant et résistant pouvant présenter une
alternative sociale, politique, économique, culturelle, spirituelle et
environnementale pense à se mettre d'urgence en place en RDC. Par mesure de
prudence. Cela étant, nous ne devrions pas tomber dans la paranoïa.
Si ''l'empire global''
sur le déclin a perdu son ''arrière-cour'' en Amérique latine ; s'il est en
train de perdre quelques pays asiatiques et même africains, c'est signe que se
soumettre à son expansion n'est pas une fatalité. L'Erythrée résiste[6]. Sa
résistance a pris plus ou moins 30 ans. Comme si, ce petit pays avait compris
après Mao qu'il pouvait aller de ''défaite en défaite jusqu'à la victoire
finale'' ! C'est vrai ! Il n'y a pas de fatalité. Une bonne et sérieuse analyse
des causes de la misère anthropologique congolaise menée par des ''minorités
organisées et agissantes'' en union avec des masses populaires peut conduire à
la mise sur pied de ce grand mouvement unifiant et résistant. Sur le moyen
terme. Un mouvement unifiant et résistant ayant une matrice organisationnelle
sociale (fondée sur la coopération et la solidarité), luttant contre toute
forme de haine donnant le blanc seing à la politique du ''diviser pour régner''
et ayant quelques mots d'ordre tels que la protection des terres congolaises,
la souveraineté politique et économique, le panafricanisme des peuples, le
respect de la dignité humaine, etc. Là où l'Erythrée a réussi, la RDC peut
aussi réussir.
Bruxelles, Vendredi
08 Août 2014
[1] Lire T. TODOROV, Le nouveau désordre mondial. Réflexions d'un Européen,
Paris, Robert Laffont, 2003. On peut aussi lire, du même auteur La peur des
barbares. Au-delà du choc des civilisations, Paris, Robert Laffont, 2008.
[2] http://www.voltairenet.org/article184983.html
[3] http://www.legrandsoir.info/l-ultime-retour-des-barbares.html
[4] http://www.voltairenet.org/article184968.html
[5] http://www.informationclearinghouse.info/article39293.htm
[6] Lire M. COLLON et G. LALIEU, La stratégie du chaos. Impérialisme et
islam. Entretiens avec Mohamed Hassan, Bruxelles, Investig'Action, 2011.