La révision constitutionnelle au Congo est un débat mal engagé. Par Dieudonné Wamu Oyatambwe Politologue, auteur de “Les mots de la démocratie au Congo-Zaïre”, L’harmattan, 2006.

Pour commencer, la loi sur la
nationalité (une et exclusive) ne correspond plus à la réalité
socio-démographique actuelle, marquée par les fortes migrations des
années 80-90 et par un nombre sans cesse croissant de sujets
congolais disposant d’une autre nationalité que celle d’origine.
Ainsi, c’est par un simple moratoire (déjà dépassé) qu’il a
été mis fin aux nombreuses contestations (postélectorales) de
certains élus, depuis les scrutins de 2007, pour cause de “double
nationalité” !

Ensuite, on peut citer de nombreux
exemples de dispositions saugrenues ou sujettes à caution, et qui
font que sur plusieurs plans la gestion du pays se fait dans
l’illégalité si l’on s’en tient stricto sensu aux termes de
sa Constitution actuelle. C’est notamment le cas de la forme du
régime, voulu “semi-présidentiel”, mais qui fonctionne comme un
régime présidentiel pur et simple. De même, le type de
décentralisation prôné, avec augmentation du nombre de provinces
et un mode de saisie de recettes fiscales à la base, s’avère
irréaliste et inadapté.

Déjà lors du référendum
constitutionnel de 2006, de nombreux acteurs politiques et de la
société civile avaient appelé soit au rejet de cette Constitution
(considérée comme une sorte de prime aux belligérants ou centrée
autour d’une personne et de ses protagonistes de l’époque), soit
à l’amender le plus vite possible après la période de
transition.

Malheureusement, la manière dont la
majorité au pouvoir a lancé ce débat vient fausser la donne. Car
au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes posés par ladite
Constitution, de chercher à améliorer la gouvernance démocratique,
ou de renforcer les droits et libertés des citoyens, la majorité
semble privilégier sa révision dans le seul sens du renforcement ou
de la conservation du pouvoir. Déjà en 2011, une première
modification fut hâtivement adoptée par le Congrès : celle-ci
renforça les pouvoirs du président de la République et réduisit
l’indépendance du pouvoir judiciaire; mais surtout, elle ramena à
un seul tour le scrutin de l’élection présidentielle, afin
d’éviter que le président sortant ne soit confronté à une
coalition de l’opposition regroupée dans un éventuel second tour.

Dans le débat actuel, la majorité
semble viser surtout la suppression ou la modification d’une
disposition verrouillée dans la Constitution (art. 220) pour
permettre à Joseph Kabila de rempiler pour un nombre illimité de
mandats présidentiels !

Ce type de débat a cours non seulement
en RDC, mais aussi ailleurs en Afrique. Pourquoi alors inscrire dans
des constitutions des dispositions verrouillées dont on sait à
l’avance qu’on ne les respectera pas ? Au Congo, Mobutu modifiait
la Constitution très régulièrement selon les besoins de son
pouvoir et presque suivant ses sautes d’humeur; Laurent-Désiré
Kabila, père de l’actuel président, gouvernait par décrets,
affichant ainsi clairement la nature autocratique de son pouvoir;
Joseph Kabila, qui déclare prôner une “révolution de la
modernité”, tend à emprunter au mobutisme des pratiques d’un
autre temps, mais dissimulées sous les oripeaux d’une démocratie
de façade !

Après la fin (quasi simultanée) des
“partis uniques” dans les années 90, certains chefs d’Etat
africains reviennent donc avec une nouvelle “spécificité” pour
s’éterniser au pouvoir au nom d’une soi-disant “volonté”
populaire. Il y a bien sûr des pays africains qui ont atteint un
point de non-retour en termes de maturité démocratique. Mais au
regard de nombreuses pesanteurs et lenteurs qui affectent les
trajectoires politiques de nombreux autres pays, l’Afrique a encore
un long chemin à parcourir vers la démocratie, la RDC donnant
souvent à cet effet l’exemple parfait de ce qu’il ne faudrait
pas faire.

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.