14 05 15 – Massacres à répétition à Beni-Lubero: silence on tue.

 
      Les massacres au quotidien dans les territoires de Beni-Lubero
soulèvent désormais un certain nombre des questions suite à leur
 banalisation et à une certaine indifférence de la part du gouvernement
de Kinshasa. Depuis le mois d'octobre 2014, on dénombre officiellement
plus de 300 morts ,la plupart tuées à  coups de machette, sans compter
les disparus et autres victimes pas toujours recensées dans les milieux
les plus reculés. Paradoxe, la zone où l'on dénombre le plus des
victimes est curieusement celle qui est la plus militarisée de l'Est de
la République Démocratique du Congo. Il convient de rappeler que le gros
des troupes de la Monusco(18 000 hommes au total en RDCongo), se sont
concentrées dans cette partie du pays en partant de Goma vers l'extrême
Nord de la province du Nord-Kivu. Et pour le gouvernement de Kinshasa,
la région est classée zone d'opérations. Mais dans les faits,
l'impuissance du gouvernement inquiète.

 
         
 Ici, la population dénonce  une sorte de "laisser tuer" faute d'une
réaction rapide et énérgique de la part du gouvernement de Kinshasa. 
Certains n'hésitent plus de parler de complicité du gouvernement dans
cette situation tant sa réaction est d'une inquiétante mollesse. Bien
plus, sa rupture de coopération avec la Monusco dans la lutte contre
 les groupes armés étrangers, ougandais et rwandais qui sévissent dans
la région,  avec une armée congolaise démotivée, n'est pas de nature à
rassurer les populations de Beni-Lubero. A Butembo-Beni, on continue à
regretter plus qu'ailleurs, la disparition précoce du Colonel Mamadou
Ndala à Beni qui avait donné beaucoup d'espoir dans la lutte contre
l'insécurité dans cette partie de la République.  Sa détermination dans
le combat de ces vraies forces négatives contrairement aux "mai-mai" qui
portait ce qualificatif à tort, dans une certaine mesure, avait obtenu
des victoires symboliques sur ces ennemis. 
           C'est
dans ce contexte que certains observateurs dénoncent le minimum syndical
des membres du gouvernement. En commençant par le président Kabila  qui
avait effectué un passage furtif à Beni après les premiers massacres
d'octobre 2014, sans rien dire. Il en est de même de certains de ses
ministres , qui se complaisent  à descendre à Beni comme des touristes
après les massacres sans apporter des solutions efficaces au problème
qui dure depuis longtemps. Cela passe, aux yeux de certains observateurs
comme un fond de commerce politique pour le gouvernement de Kinshasa.
Malheureusement sur des cadavres.
           Insécurité, fonds de commerce politique: il est urgent de ne rien faire.
 
         L'insécurité dans les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu,
dure depuis bientôt 20 ans et aucune solution durable ne semble pour
l'heure, envisageable. Le problème, l'absence de volonté politique des
autorités congolaises. Comme si il était urgent de ne rien faire. Tout
simplement  parce que la situation arrangerait certains dirigeants
politiques de la région. Certains observateurs sont tentés de considérer
 que le gouvernement de Kinshasa ne s'empresse pas de mettre fin à la
situation car elle constitue un justificatif valable pour une bonne
partie de ses dépenses. Achat d'armes dans les pays de l'Est européen
 et dans les Balkans, surfacturation des coût des opérations"Sokola".
Ceux qui suivent l'actualité congolaise se souviendront que le général
Tango Fort dit Amisi, avait été suspendu alors qu'il était affecté sur
ce front de l'Est, pour trafic d'armes au profit de l'ennemi. Ce dernier
a été récemment réhabilité et a réintégré tout bonnement les rangs de
l'armée  congolaise sans aucune autre forme de procès. Sans doute pour
services rendus. Il est à noter qu'au sein de l'armée et dans les
services de renseignement congolais, l'on rivalise d'ardeur et
d'expertise pour une mutation ou une nomination au Kivu. Objectif,
s'enrichir à coup de trafics et autres primes. Et ne sont nommés au
Kivu, seuls qui seraient bien vus par le haut commandement
militaire.Signe particulier, la chaîne de commandement ainsi que les
services de renseignement dans cette région sont contrôlés par les
anciens rebelles du CNDP(Congrès National du Peuple), soutenu et si pas
créé par le Rwanda, que dirigeait Nkunda Laurent, qui se proclame
congolais selon ses intérêts ou ceux de ses commanditaires, et qui
depuis, vit librement au Rwanda après avoir endeuillé le Kivu entre 2006
et 2009.
            En outre, laisser pourrir
la situation au Kivu c'est aussi tendre la perche aux gouvernements
ougandais et rwandais pour qu'ils maintiennent une présence militaire
dans l'Est de la RDCongo. Le prétexte,  prévenir des incursions des
forces rebelles susceptibles de menacer leurs pouvoirs.Il convient de
rappeler que l'Ouganda et le Rwanda ont leurs rebelles sur le sol
congolais. ADF-Nalu(Alliance Defense Forces), LRA(Lord  Resistance Army)
contre le pouvoir de Kampala et les FDLR(Forces Démocratiques pour la
Libération du Rwanda) contre le pouvoir de Kigali. De bonnes raisons
apparentes pour justifier une présence ou à tout le moins une
coopération militaire renforcée. Mais c'est sans compter avec un certain
cynisme qui fait partie des dirigeants ayant pris le pouvoir par les
armes pour qui la vie des autres compte très peu. Sans oublier  surtout
les intérêts économiques liés à l'exploitation illégale des ressources
naturelles du Kivu: bois exotique, minerais de tout genre dont le coltan
avec l'appui du puissant bureau Congo érigé pour la cause à Kigali et
un autre à Kampala pour l'exploitation de certains carrés miniers dans
le Masisi et dans l'ituri sous la surveillance de leurs militaires. Pour
les gouvernements ougandais et rwandais, ils continueront à se payer
sur la bête RDCongolaise pour avoir chassé Mobutu et  installé les
Kabila à Kinshasa, tant qu'ils n'en seront pas empêchés par un pouvoir
sur lequel ils n'auront aucun contrôle.
             Une violence sous-traitée?
 
          A en croire les témoignages  de certains rescapés des
massacres, les assaillants qui tuent à la machette parlent Kinyarwanda.
Un mode opératoire de triste mémoire qui n'est pas sans rappeler le
génocide rwandais de 1994. Bien plus, certains de ces criminels arrêtés
qui feraient partie de ces hordes des tueurs, racontent qu'ils auraient
été envoyés du Rwanda combattre l'ennemi au Congo. Et certaines
indiscrétions au sein des FDLR confient tout simplement que le
gouvernement de Kigali aurait réussi à persuader une partie de leurs
membres, de rester en RDCongo contre la promesse de les aider à s'y
installer durablement en leur assurant la sécurité. A condition qu'ils
ne tentent plus de déstabiliser son pouvoir. Et donc pour s'installer,
il faut le faire par la force et la violence. L'objectif étant de
terroriser plus pour occuper plus de terrain. Seul un petit groupe
radical, continuerait à nourrir des ambitions de reconquérir le pouvoir à
Kigali un jour, soutenu par certains hutu de l'extérieur, anciens
militaires pour la plupart et caciques du régime Habyarimana.
 
         Il sied de rappeler que ces FDLR, ont érigé dans certaines
localités au sud de Lubero, des  zones de non droit où ils sont les
seuls maîtres. Elles ont mis en place des taxes de séjour
malheureusement contre les populations qu'elles ont trouvées sur place.
Ces présumés génocidaires, exigent de l'argent aux congolais pour
effectuer des récoltes dans leurs propres champs sous peine de
confiscation. Elles interdisent de communiquer par téléphone portable
avec l'extérieur de peur de dénoncer leurs méfaits. Sanctions, expulsion
du territoire ou alors peine de mort publique par fusillade. Le centre
d'encadrement administratif de Miriki, non loin de Luofu et ses
environs, sont des théâtres de ces humiliations à l'encontre des
congolais. Cette situation est connue des services de l'Etat congolais
mais aucune réaction. La gêne, c'est que certains éléments de ces FDLR
avaient combattu aux côtés des FARDC lors de la deuxième guerre du Congo
de 1998, dirigée contre Laurent Désiré Kabila après l'expulsion par lui
des militaires rwandais du FPR qui avaient pris goût au pouvoir à
Kinshasa et qui ne voulaient plus rentrer à Kigali. Avec à leur tête,
l'actuel ministre de la défense du Rwanda, ancien chef d'Eta-major de
l'armée congolaise sous Kabila Laurent en 1997, qui se faisait passer
pour un congolais.
                   La responsabilité des congolais.
 
         Il est important de rappeler que l'instabilité au Nord et au
Sud Kivu, tire ses origines de l'épopée de l'AFDL(Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo) de 1996,  une création
rwando-ougandaise . Et tout ce qu'il y a d'autorités à Kinshasa en est
une émanation. En commençant par le président lui-même. Sans oublier les
ministres importants du gouvernement de Kinshasa. Mende Omalanga,
Kin-Kiey Mulumba, Thambwe Mwamba pour ne citer que ceux là et autres
chefs de la police et de la sécurité, la plupart  anciens du RCD-Goma.
Une autre création du Rwanda.Déjà le fait qu'ils se soient tous enrôlés
sous les différents RCD(RCD-Goma, RCD-KML, RCD-KISANGANI,
RCD-National,…), qu'ils ne contrôlaient pas, cela montre qu'ils
manquaient d'imagination. Alors qu'ils pouvaient prévoir la fin du
régime Mobutu qui était déjà malade, en créant une force alternative. En
réalité, à Kinshasa, tout le monde sait, beaucoup plus les
intellectuels qui entourent Joseph Kabila, de quel côté bat le coeur de
leur "autorité morale", et les intérêts de ses mentors à qui il doit son
pouvoir. Le fait qu'ils gardent le silence devant la violence du Kivu
dont ils connaissent les acteurs et qu'ils s'y accomodent voire qu'ils
en profitent, les décrédibilisent davantage. Le fait qu'ils se
déculottent devant Kabila Joseph, sans qu'il ne leur demande rien, à
travers les slogans du genre, " Kabila désir", Kabila totondi yo naino
te( Kabila on a encore besoin de toi), ne peut que lui inspirer moquerie
et mépris à leur égard.
           Plus encore, les congolais
du Sud et du Nord-Kivu, ont encore frais dans leur mémoire, le gros
mensonge des autorités de l'AFDL dont Kabila Joseph est issu et du
gouvernement rwandais, pour avoir imposé James Kabarebe, le tout
puissant ministre rwandais de la Défense comme chef d'Etat-major de
l'armée congolaise en 1997. Cet événement historique a eu une double
conséquence, dans l'imaginaire populaire des congolais du Kivu. D'abord
le fait qu'à l'ouest de la RDCongo, il y avait une ignorance de la
problématique du Kivu dans ses rapports avec les pays voisins notamment
le Rwanda et l'Ouganda.En deuxième lieu, que pour le pouvoir, certains
congolais étaient prêts à brader le pays pour une promesse de postes et
une poignée de dollars. Car il convient de noter que les rares congolais
dit" Baswahili"( les locuteurs de la langue swahili), qui vivaient à
Kinshasa, la plupart originaires du Kivu lors de l'entrée de l'AFDL, et
qui dénonçaient la présence de Kabarebe à la tête de l'armée congolaise,
étaient accusés auprès des services de sécurité par certains de leurs
compatriotes de l'Ouest. D'où l'exil forcé d'un certain nombre d'entre
eux.
        Depuis, les Rwandais et Ougandais ont compris
qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient en RDCongo sans rencontrer
aucune résistance. Surtout avec les armes puisque le slogan était, déjà
en 1997, lors de l'entrée de l'AFDL à Kinshasa:"tuta watawala kwa
silaha"(= nous vous dominerons par les armes). Et rares sont les
compatriotes congolais qui comprenaient ce que cela voulait dire. Ceci
pour dire que ce qui se passe en RDCongo aujourd'hui n'est pas un fait
du hasard.
                 La balkanisation, un agenda caché.
 
              Terroriser, massacrer plus pour mieux balkaniser. La
situation à l'Est de la République démocratique du Congo est d'une telle
complexité qu'elle peut être malencontreusement exploitée par des
leaders locaux en mal de pouvoir et qui n'ont pas les moyens de leurs
ambitions. Si jusque là la balkanisation de l'Est de la RDCongo n'as pas
été ouvertement évoquée par certains politiciens congolais, hormis le
Katangais Kyungu wa Kumwanza, l'idée n'est pas sans sommeiller dans
l'esprit de certains d'entre eux. De ce fait, ceux qui ont intérêt à
contrôler la région avec ses richesses, ont déjà eu à proposer un
certain nombre des scénarios. Notamment celui d'annexer les parties
utiles de l'extrême  nord du Nord-Kivu dit Grand Nord, occupé
essentiellement par les dynamiques Nande à l'Ouganda, avec une partie de
l'Ituri. Et de l'autre,la frontière sud du Nord-Kivu notamment le
Masisi et ses dépendances en passant  par Goma, au Rwanda. Vues de
l'esprit, peut-être. Mais ces propositions sont à la fois vieilles et
actuelles qui sont souvent soufflées aux oreilles de certains leaders
locaux politiquement fragiles pas toujours très populaires, en faveur
des  événements. Pour preuve,  les dernières révélations de Wikileaks,
avaient montré que la balkanisation de la RDCongo était un thème bien
présent  dans les canaux diplomatiques en fonction des intérêts
économiques de la région.L'obstacle majeure à la balkanisation de la
RDCongo a été jusque là pour une  part, la résistance locale à travers
les groupes armés locaux dont les mai-mai qui ont toujours défendu la
terre de leurs ancêtres contre le projet de remplacement porté par la
minorité tutsi, qui figurait en bonne place dans le projet du M23, une
des rebellions soutenues contre la RDCongo par le  Rwanda en faveur de
ses pseudo réfugiés dont il a toujours exigé le retour. De l'autre,
l'opinion publique locale dont l'appartenance à un grand Congo uni, n'a
pas de prix. Cette résistance est renforcée par par le travail de
sensibilisation de la société civile contre l'asservissement et une
forme de colonisation prêtée aux visées hégémoniques du Rwanda et de
l'Ouganda.
              Sortir de la crise
 
 
            Il sera toujours difficile de trouver une solution rapide
et durable au problème de la RDCongo en passant par le  Kivu en général
et de Beni-Lubero en particulier. Le problème qui se pose à ce pays est
d'abord culturel car il n'est pas nécessairement politique moins encore
économique tant ce pays est naturellement riche. Les congolais doivent
d'abord travailler sur leur état d'esprit qui doit mettre en relief un
certain nombre des valeurs dont la fierté d'être congolais. Le travail,
qui suppose un minimum de sacrifice et d'effort pour lutter contre la
facilité et l'oisiveté. Car si les rwandais et les ougandais ont un
mépris vis-à-vis des congolais, il est en premier lieu celui de la peur
et de l'oisiveté. Il est aussi important de construire et de préparer un
nouveau leadership local. Surtout au Sud et au Nord-Kivu.  Si à Beni ,
il y avait un leader digne de ce nom, écouté et dont la voix porte au
loin pour défendre sa population, pour  la mobiliser parfois pour se
défendre, il y aurait moins de massacre.
           Il faudra
aussi consolider un dauphinat important, vivier des leaders de demain
pour combler le vide créé par les trente deux ans de distraction
politique du régime Mobutu. Ce qui permettra de consolider la confiance
 chez les jeunes pour qu'ils s'engagent en politique et ne pas toujours
laisser la place aux mêmes potentats locaux qui lorsqu'ils sont en
difficulté, ils laissent un vide préjudiciable pour le plus grand
nombre. Ceci permettra de lutter contre un certain complexe qui
caractérise certaines autorités congolaises qui, pour avoir le pouvoir
dans leur propre pays doivent passer par Kampala ou Kigali voire Paris
ou Bruxelles, pour trouver des solutions aux besoins primaires de leurs
populations dont l'alimentation. Ridicule. Alors qu'ils n'ont pas besoin
d'arroser leurs champs pour se nourrir
        . Les
congolais devront aussi savoir se faire respecter comme des partenaires
valables et non comme des dominés vis-à-vis de leurs voisins  en faisant
preuve d'une certaine rigueur dans la connaissance des dossiers et la
maîtrise des événements. Dans la région, les congolais devront savoir
ménager leurs intérêts en tenant aussi compte de ceux de leurs voisins.
Dans une logique de gagnant-gagnant. Car si le Kivu est quelque peu
enclavé, certains de ses produits doivent emprunter les routes
rwandaises et ougandaises vers les marchés extérieurs. D'où la nécessité
de mettre en place des groupes de contact et de coopération, en dehors
de la grande diplomatie parfois lourde pour les causes de ce genre.
Juste  pour vivre en bon entente sans se faire marcher sur les pieds.
 
       Quant à la société internationale, elle devra faire preuve de
moins d'hypocrisie en désignant clairement les violateurs du droit
international et des droits de l'homme dans la région des grands lacs
africains et en réfléchissant sur des solutions qui tiennent compte des
réalités locales. 
         Une autre République Démocratique
du Congo avec une grande province du Nord- Kivu sécurisée et en paix est
possible.                                                              
                                                                       
                                             

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