04 05 15 La crise au Burundi et lattaque de Goma : Vers la fin de la triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza ?
La
crise burundaise est dabord essentiellement politique, mais gare aux démons du
passé !
La
contestation populaire en cours au Burundi traduit une maturité de la population
burundaise (peut être aussi de la région?) Je constate néanmoins quil y a une
tendance, particulièrement dans les milieux occidentaux, à vouloir analyser
cette crise sous seule dimension ethno-communautaire. Cest ce qui ressort dans
plusieurs analyses traitant de la crise burundaise. Ce qui serait une erreur et
risquerait de produire un effet contreproductif de ce que lon recherche, par
effet de la prophétie auto-accomplissante : amener par exemple larmée rwandaise
à intervenir au Burundi au motif quune ethnie est en danger. Pourtant, jusquà
présent, ce sont les Hutus et les Tutsis qui sopposent à Nkurunziza. Cela me
fait penser à la campagne médiatique menée Bernard Henri Levy pour linvasion de
la Libye et aujourdhui, on voit dans quel état ce pays sombre.
Réduire
cette crise politique complexe à une seule dimension purement ethnique me semble
très dangereux. Cest en quelque sorte faire le jeu de certains lobbies de la
région avec laide de leurs relais internationaux, qui veulent orienter la crise
politique en une crise ethnique à des fins politiciennes personnelles.
Malheureusement, cette dimension de la maturité politique des Burundais ressort
très peu dans les analyses ou dans les actions menées ici et là.
La
posture complexe de Pierre Nkurunziza au centre de la crise
La
complexité de cette crise trouve une partie de sa racine dans la posture
particulière de la personne de « Nkurunziza ». Il est le fils des Hutu chassés
au pouvoir et contraints à lexil en Tanzanie en 1972 après le coup dEtat de
Micombero (Tutsi), sur la seule base de leur appartenance à lethnie Hutu. Les
rapports de lONU renseignent près de 400 000 morts. La particularité de
plusieurs de ces Hutus était davoir épousé des femmes Tutsi rwandais. Cest
cette génération de métis orphelins de pères, dont notamment le général
putschiste Godefroid Niyombaré, qui est actuellement au pouvoir au Burundi aux
côtés de Nkurunziza. Cest le premier degré de complexité de léquation
burundaise.
Pierre
Nkurunziza, qui aurait subi une double victimisation du fait de son métissage,
semble être lme plus affecté et traumatisé que ses camarades ayant eu les deux
parents Hutu. Certains analystes disent quil fait partie de la sous-catégorie
des exilés la plus inconsolable. Cest ce qui explique son adhésion à la
rébellion du CNDD/FDD, installée en RDC, contre les régimes Tutsi, à partir de
1995 après le putsch de 1993 de Pierre Buyoya et lassassinat de Ndadaye en 1995
par les Tutsi au Burundi.
Lautre
facteur de la complexité de cette crise est que, quoique politiquement contesté,
Nkurunziza reste tout de même populaire au Burundi, pour être parvenu à réaliser
des réformes, plutôt positives, dans le domaine socio-économique.
Pierre
Nkurunziza entretient une relation fusionnelle avec Joseph Kabila depuis 1998
quand Mzee Kabila avait chargé Joseph Kabila, alors chef détat-major de larmée
de terre et commandant des opérations au front de Pweto de ravitailler et
réorganiser les rebelles burundais du CNDD/FDD en armes, munitions, tenues
militaires, téléphones satellitaires, parfois en aide financière. Le quartier
général de CNDD/FDD était basé à Lubumbashi, plus précisément dans la résidence
privée de Joseph Kabila,au quartier Bel-air dans la commune de Lubumbashi,
avenue des Savonniers n° 28. A lépoque, cest ce Pierre Nkurunziza qui
soccupait de réceptionner toute laide extérieure destinée au CNDD/FDD pour
lacheminer clandestinement au Burundi par le Lac Tanganyika.
Au
Katanga, Nkurunziza sest entouré des extrémistes Hutus purs et durs, avec
lesquels il a soutenu larmée congolaise de lépoque, les FAC en RDC, au Katanga
dans la guerre contre le RCD-Goma, soutenu par larmée patriotique rwandaise.
Lors de la fameuse bataille de Pweto en 2000 entre le RCD-Goma et larmée
loyaliste congolaise, les FAC, Nkurunziza a commandé un bataillon du CNDD/FDD
aligné en première ligne aux côtés des unités de FAC[1].
Cest avec ces milices, rentrées au Burundi et intégrées dans la Force de
défense nationale, que Nkurunziza sest appuyé pour former sa garde
présidentielle.
Larmée
Burundaise (Force de défense nationale) plus professionnelle que ses
voisines
Il
faut rappeler que de toutes les trois armées des pays de la CEPGL, cest larmée
burundaise qui est la plus professionnelle, la moins ethnicisée et la mieux
réformée (de la base au sommet) à partir 2004. Il sagit donc dune armée plutôt
républicaine qui évolue également sur le plan africain dans le cadre des
missions de maintien de la paix en Somalie et au Mali. Aujourdhui, les
effectifs burundais au sein de lAMISOM sélèvent à 5.430 sur un total de
17.731 hommes, alors que la taille de son armée est de 27.230, selon les
chiffres fournis par le ministère de la Défense national burundais en
2013.
Un
système de rotation annuelle assure la participation de tout le monde dans la
mission, sauf pour les corps spécialisés (artificiers, infirmiers, démineurs,
brancardiers, cuisiniers). Ce qui permet de créer lesprit de corps car les
anciens ennemis, se retrouvent derrière les mêmes tranchées après avoir passé 10
ans à se tirer dessus au Burundi et en RDC. Un bataillon de 850 hommes préparés
dans un premier temps pour être envoyés en Somalie. Un contingent de près de 500
hommes est prêt à être déployé au Mali
Le
Burundi, jadis dominé par les Tutsi, les accords dArusha ont permis une
répartition ethnique équitable entre les Tutsis et les Hutus dans
ladministration et les institutions nationales. En effet, au Burundi, aux
termes des accords dArusha, la représentativité ethnique entre les Hutus (85%
de la population) et les Tutsis (14% de la population) dans larmée et au sein
des forces de sécurité est de 50% de parts égales, tandis que 60% contre 40%
au niveau politique et administratif.
Ce
qui nest pas le cas au Rwanda où à proportion (« ethnique ») égale, les RDF
restent une armée monoethnique dominée par les Tutsi[2].
Il y a plus de 80% des officiers et sous-officiers Tutsi au sein des RDF,
larmée rwandaise. (Cfr les nominations de 2012 et suivantes). Or la
représentativité paritaire dans larmée burundaise pourrait inquiéter Kagame qui
craindrait quà la longue, on lui impose le même modèle de représentativité
socio(‘ethnique) dans larmée. Au Rwanda, par exemple, la référence à la
communauté ou à lethnie est proscrite dans la Constitution.
On
parle des Rwandais, il nexiste plus de couches sociales à base ethnique.
Paradoxalement, les autorités de Kigali recourent avec récurrence au concept de
« génocide des Tutsi » et continuent de stigmatiser (tous) les
Hutu comme des génocidaires, en obligeant même aux générations actuelles de
demander publiquement pardon pour les crimes commis par leurs
ascendants.
Paul
Kagame, dans une allocution tenue le 30 Juin 2013 devant la jeunesse Rwandaise
en kinyarwanda, sest publiquement prononcé sur la culpabilité des jeunes Hutu
du Rwanda quil tenait responsables des crimes commis par leurs parents[3].
Quant à larmée congolaise, les FARDC, sous babby-sitting international, elle
est à limage de son infiltration et lombre de son impuissance devant le drame
qui se déroule actuellement à Beni.
Les
raisons possibles de léchec du coup détat de Niyombaré
Comme
expliqué précédemment, larmée burundaise, quoique républicaine, est restée très
divisée entre la Brigade spéciale de protection des institutions, unité délite
de larmée assurant la garde présidentielle et le reste de larmée. La police
est restée globalement fidèle à Nkurunziza.
Absence
de soutien des leaders régionaux : une mauvaise lecture stratégique de la
situation de la part des putschistes qui nont pas suffisamment eu de soutiens
extérieurs
.
Les
Etats-Unis se sont ouvertement exprimé contre un troisième mandat de Nkurunziza
mais ont condamné le putsch. Car,
contrairement à ses prédécesseurs, Barack Obama, juriste de formation et de
pratique, reste un légaliste et non un va-t-en-guerre.
Jakaya
Kikwete,
le président Tanzanien sest trouvé dans une situation dembarras. Il a sans
doute dû peser de son poids pour faire échec à ce coup dEtat qui risquait de
discréditer la Tanzanie. Pour rappel, le président burundais Cyprien Ntaryamira
avait été tué en 1994 dans lattentat contre lavion de Juvénal Habyarimana
alors quil revenait dun sommet à Arusha, en Tanzanie. Si un deuxième président
burundais disparaissait de la scène politique à loccasion de sa visite en
Tanzanie, cela aurait terni limage de la Tanzanie.
En
effet, la Tanzanie bénéficie encore de lhéritage positif de la politique
panafricaine de lancien président « Mwalimu » Julius Nyerere, dont le
leadership moral très développé permettait à son pays de jouir dune influence
diplomatique appréciée partout en Afrique. Cela a permis à ses dirigeants
actuels dopérer une excellente relecture des enjeux géopolitiques de la région,
pour sortir leur pays du repli isolationniste[4] afin
quil reprenne son rayonnement diplomatique[5] et
de prendre le leadership régional, en devenant progressivement un Etat-pivot sur
lequel se rabat ladministration Obama dans sa politique régionale, au détriment
de lOuganda et du Rwanda, en perte de vitesse [6].
Par ailleurs, la Tanzanie qui a parrainé les accords dArusha, était dans
lobligation morale et diplomatique de sopposer à un règlement de la crise par
une voie autre que politique ou diplomatique.
Ce
qui se passe au Burundi pourrait également cacher, sur le
plan géostratégique, la guerre que se livre les Grandes puissances pour
leurs propres intérêts stratégiques.
1. Dernièrement,
la Russie sest opposée à lONU contre les sanctions du régime burundais suite à
lannonce de la candidature de Nkurunziza.
2. La
Chine aurait signé un contrat dexploitation (1 milliards de US $) du nickel
burundais. Les réserves du nickel burundais seraient estimées à 150 millions de
tonnes. Or le nickel fait parties des matières stratégiques convoitées par
toutes les puissances car essentiel à lindustrie de lacier.
3. Le
revirement des Etats-Unis vis à vis du régime Nkurunziza serait peut être le
résultat dun compromis – jeu à somme nulle – entre les Grands puissances qui se
seraient neutralisés sur une position commune à adopter.
Conséquences
(in)directes de la crise burundaise
Lafflux
des réfugiés risque damener dabord dautres tensions de cohabitation au sein
des pays daccueil. La chasse à lhomme dans larmée et dans les services de
renseignement, après léchec du coup détat, va pousser les exilés à se
réorganiser dans les pays daccueil, particulièrement en RDC, et créer des
alliances avec les groupes locaux et dautres rebelles dans une sorte de
solidarité et à agir de part et dautre de la frontière. On risque dassister à
des alliances et mésalliances des natures opportunistes qui vont se faire et se
défaire dans cette zone devenue un repaire des rebelles et milices sans
frontières.
Pour
la RDC, cela risque de compromettre ou influencer le processus électoral. Déjà
en 2011, il y avait des burundais qui ont traversé la frontière pour se faire
enrôler comme congolais. De son côté, le Rwanda, sil se sent menacé, pourrait
mener des actions militaires préventives au Burundi et même en RDC dans
lobjectif de contrer les menaces en amont.
La
triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza au bord de
la
rupture
Nkurunziza
est en conflit quasi ouvert avec Paul Kagame.
Les
rapports entre les deux présidents, des amis dhier, sont exécrables. Les deux
hommes en sont même au stade de la confrontation militaire. En effet, dans le
discours de Nkurunziza en Kirundi (langue qui ressemble au kinyarwanda) ; il
désigne un instigateur (qui nest rien dautre que son voisin du nord, Kagame).
Et il dit que ce qui sest passé ne doit pas se reproduire. Il a même déclaré
que si le Rwanda ose menacer la Burundi, cest au Rwanda que va se dérouler la
guerre.
La
Tanzanie a demandé au Rwanda douvrir un espace de dialogue interne avec les
FDLR. Ce que le Rwanda a considéré comme un sacrilège. La Tanzanie a expulsé des
réfugiés rwandais au motif quils étaient des illégaux[7].
Sadressant
à la jeunesse rwandaise, Paul Kagame sest permis de sattaquer au President
Tanzanien, Kikwete, en ces mots dabord en Kinyarwanda : « Ces gens [le
président tanzanien Jakaya Kikwete] vous venez dentendre prendre langue avec
les Interahamwe et FDLR et exhortant des négociations … des négociations? Moi,
je nai même pas à discuter de ce sujet, parce que [sexprimant ensuite en
anglais pour que Kikwete le comprenne clairement] « je vais tattendre » [le
président tanzanien Jakaya Kikwete] à la bonne place et je vais te frapper! Il
[le président tanzanien Jakaya Kikwete] ne méritait pas ma réponse. Je ne perds
pas mon temps à lui répondre … cest bien connu. Il y a une ligne quil ne faut
jamais franchir. Cest impossible … » qui recommande au Rwanda de négocier
avec les FDLR.
La
réponse du berger à la bergère ne sest pas fait attendre, le président
tanzanien a réagi avec fermeté en swahili cette fois-ci [pour que Kagame le
comprenne bien et les analystes apprécieront cette rhétorique
diplomatico-belliqueuse] en prévenant Kagame quil « sera frappé comme un
gamin »[8].
La
Communauté de lAfrique de lEst (EAC) – qui regroupe lOuganda, le Kenya, le
Rwanda, la Tanzanie et le Burundi – est depuis 2013, cette organisation
régionale est au bord de la dislocation[9].
Le Rwanda et la Tanzanie se livrent à une bataille à distance par RDC interposée
du fait de lintervention des commandos tanzaniens en RDC contre le M23 soutenu
par le Rwanda / Ouganda.
En
Octobre 2014, le Rwanda, lOuganda et la Tanzanie ont organisé des rencontres
dans le cadre de lEAC sans inviter la Tanzanie et le Burundi. Ces derniers ont
émis lidée de créer une nouvelle organisation régionale à trois, avec la RDC et
menacé de quitter lEAC. Entre-temps, la Tanzanie sest rapprochée de lAfrique
du Sud au sein de la SADC.
Après
la défaite militaire de la coalition M23/RDF (armée rwandaise), ayant
expérimenté à ses dépens la puissance de feu des hélicoptères sud-africains
Rooivalk, le Rwanda sest doté des missiles sol-air chinois ; TL- 50, qui
peuvent attaquer des cibles entre 20 et 30 km à partir du sol avec une gamme
dattaque de 50 km.. En réaction, la Tanzanie a acquis des hélicoptères de
combat Fennec. Ces hélicoptères militaires légers et polyvalents sont considérés
par les experts du monde aéronautique comme étant les plus forts de leur
catégorie qui allient classe, puissance, discrétion, forte capacité de tir et
surtout une grande furtivité. Ils sont spécialement conçus pour voler dans les
cadres des missions aériennes de reconnaissance dans le but principal de
localiser et dattaquer des cibles dopportunité[10].
Kagame
derrière lattaque de Goma, en représailles au soutien de Kabila à
Nkurunziza ?
Kabila
reste un allié politique opportuniste de Nkurunziza mais ce dernier sen méfie
du fait de sa proximité avec Kagame. Si la tension monte entre Nkurunziza et
Kagame, Joseph Kabila pourrait jouer soit au médiateur ou à larbitre. Dans ce
dernier cas, son choix déséquilibrerait et nuiraient gravement les rapports
triangulaires plutôt symétriques entre les trois présidents, alliés
opportunistes jusque-là.
Selon
une source militaire proche de Kabila, lattaque de laéroport de Goma serait
une action commando ponctuelle menée par le Rwanda qui naurait pas apprécié le
soutien de Kabila à Nkurunziza. Déjà, lors dune précédente analyse, DESC a fait
état dun possible soutien militaire de la Garde républicaine congolaise à la
police burundaise, restée loyale à Nkurunziza[11].
En
réalité, selon une autre source de la Garde républicaine, « le
soutien militaire apporté par Kabila à Nkurunziza était discret mais efficace.
Les troupes congolaises nont pas participé directement aux combats. Ils ont par
contre traversée la frontière afin de renforcer les éléments armés fidèles à
Pierre Nkurunziza qui gardaient la péninsule stratégique de Gatumba. Cest grâce
à ces troupes fidèles disponibles que Nkurunziza a pu résister au putsch et
défaire les mutins de fidèles à Godefroid Niyombare qui seront encerclé, isolé
et mis en déroute durant lattaque de la RTNB, la radio nationale burundaise. Ce
qui a causé leur défaite par manque de munitions et de troupes suffisantes pour
tenir les objectifs quils contrôlaient ou protéger leur QG« .
Nyombare
na pas intégré la donne Kabila lors de sont putsch manquer,ce vraiment un
apprentis -sorcier ou un débutant.
Cette
source de renseignement militaire FARDC nous livre les détails suivants à propos
de lattaque de laéroport de Goma : « Des hommes armés, venus du Rwanda,
infiltrés depuis la zone boisée frontalière de Murambi en territoire de
Nyrangongo, ont attaqué laéroport de Goma vers 1h jusquà 5h du matin avec
objectif de détruire les avions de combats sukhoi-25 k (6 exemplaires) et les
hélicoptères de combats Mi-24/35hind et Mi-8/17 hip (8 exemplaires), soit le 1/3
de la capacité de la forces aérienne congolaise. Leur deuxième cible était le
dépôt de munitions de la task-force de la Garde républicaine, situé dans la
partie sud de laéroport de Goma ». Mais les deux objectifs nont pas été
atteints. Grâce à la vigilance de la GR, les assaillants ont était repoussé et
ils sont en débandade. Il y a des opérations de ratissage menées par les FARDC
et la Garde républicaine à travers la ville de Goma pour retrouver les
fuyards ».
Et
la source de préciser : « Ce nest pas à proprement parlé une attaque
massive, mais plutôt une opération commando de sabotage dans le but daffaiblir
la capacité militaire congolaise car les avons de combat sukhoi-25[12],
basés à Goma peuvent frapper Kigali à tout moment, et le Rwanda na pas de
répondant car ses missiles sol-air sont encore en assemblage en Chine. Kagame
est très mécontent de président car ce dernier aurait donné un coup de pouce
discret à Nkunrunziza pour reprendre le pouvoir après le putsch de Niyombaré,
alors que
kagame veut absolument la tête de Nkurunziza ».
Comme
nous lavons démontré, le danger de linstrumentalisation des violences
ethniques ne viendrait pas du Burundi mais de lextérieur, probablement du
régime rwandais dont le modèle politique Burundais, à la belge,
inquiète.
Par
ailleurs, le Rwanda est bien conscient que sil franchit la ligne rouge, il
risque de rencontrer la Tanzanie (Jakaya Kikwete) sur son chemin. Il y a des
signes de fissure au sein de lEAC (Rwanda, Ouganda, Kenya) vs (Tanzanie et
Ouganda). On risque davoir un remake de la Guerre à distance entre le Rwanda et
la Tanzanie qui se délocaliserait de la RDC (M23), vers le Burundi, pourquoi pas
vers le Rwanda comme la déclaré Nkurunziza en Kirundi.
Conclusion
Le
dénouement de la crise au Burundi et dans la région dépendra en premier lieu de
la maturité des Africains et en particuliers des Hutus et des Tutsi (car cest
eux qui sont concernés dans le cas présent). Ils ne doivent pas tomber dans le
piège du principe de Cesar « diviser pour le régner » que
pourraient leur tendre les dirigeants de la région.
La
crise burundaise aura un impact positif ou négatif dans la sous-région suivant
son dénouement :
1. Si
Nkurunziza parvient à se maintenir au pouvoir cela pourrait conforter les
présidents de la région de lAfrique médiane (Rwanda quoique opposé à
Nkurunziza, RDC, Ougande, Congo Brazza…).
2. Nkurunziza
retire sans candidature, ce qui reste encore possible si la communauté
internationale fait pression sur lui, mais difficile et que les élections libres
et démocratiques aient eu lieu au Burundi, cela va compliquer les équations des
présidents voisins qui tenteront de se maintenir au pouvoir.
Le
dénouement de cette crise dépend de la maturité du peuple Burundais et de
limplication positive des puissances régionales. En effet, comme pour la
résolution de la crise congolaise avec le M23, face à lhésitation de la
communauté internationale au sein de laquelle les Grandes puissances jouent
chacune à son agenda personnel, je pense que la position des puissances
régionales (RSA, Tanzanie, …) pourra être déterminante dans la résolution de
cette crise. Par le passé, lAfrique du Sud sous Mandela et la Tanzanie ont
été très actives dans la résolution de la crise burundaise. Leur
implication pourrait influencer lissue de cette crise.
Autant
le 21 Octobre 1993, lassassinat, par larmée à prédominance tutsie,
de Melchior Ndadaye, premier président Hutu démocratiquement élu au
Burundi avait été le déclencheur de la crise des Grands-Lacs et modifié la donne
géopolitique régionale. De même, 20 ans plus tard, lépilogue de la crise
burundaise pourrait impulser une nouvelle dynamique démocratique (alternance
pacifique au pouvoir) dans la région ou entrainer la région dans un nouveau
cycle dinstabilité qui risque de détruire tous les efforts de stabilisation
consentis par la communauté internationale. En ce sens, le Burundi est le
pays-pilote ou le microcosme des enjeux régionaux à venir et mérite lattention
soutenue de la communauté internationale.
Une
leçon positive à tirer dans ces contestations au Burundi est la maturité du
peuple burundais, qui nest pas encore tombé dans le piège ethno-communautariste
de 1993 car il sagit dune contestation citoyenne. Et il appartient aux à la
société civile, à la presse, aux médias, aux ONG et autres acteurs
internationaux dencourager et de sensibiliser le peuple burundais à tenir bon
et à éviter dêtre rattrapé par ses démons du passé, par la tentation de
basculer dans un conflit ethnique qui aura des effets dévastateurs pour les
régions de la CEPGL et de lEAC! Car les actions et la mobilisation ne doivent
pas se limiter uniquement à faire la pression sur le régime, amis à accompagner
le peuple burundais dans sa résistance.
La
question cest de savoir jusquà quand Nkurunziza va résister à la contestation
populaire et à la pression internationale. Sa chute, inéluctable, aura
inévitablement des répercussions dans la région de lAfrique médiane, mais dans
un sens dont il est difficile de prédire à ce stade, avec précisions. Tout reste
possible dans cette juxtaposition de conjonctures opportunistes aux variables
multiples. Il suffit que les événements évoluent dans un sens ou dans lautre
pour entraîner la crise dans lenlisement ou dans la résolution. Une chose est
certaine, Nkurunziza ne jouit plus suffisamment de légitimité et son départ
(pacifique) pourrrait amorcer un début de changement positif dans la région.
Cependant, une chose est certaine, si la région bascule dans violence, ce seront
encore les populations civiles de la région qui vont payer le prix. Cest
pourquoi elles doivent refuser dêtre les dindons de la farce de leurs
dirigeants.
Jean-Jacques
Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
[1] http://desc-wondo.org/loccupation-duvira-par-larmee-burundaise-a-quoi-jouent-kabila-nkurunziza-et-la-monusco-jj-wondo/.
[2] http://desc-wondo.org/le-vrai-visage-du-fpr-l-armee-sans-frontieres-de-kagame-desc/.
[3] http://desc-wondo.org/desempare-le-m23-veut-pousser-le-rwanda-et-la-tanzanie-a-lescalade-militaire/.
[4] Le
passage réussi du président Jakaya Kikwete à la tête de lUnion africaine en
2008 a permis doeuvrer pour la promotion de la paix et de la stabilité en
Afrique. Il a contribué aux règlements de la crise électorale au Kenya et réduit
les tensions rwando-congolaises en 2009. On lui doit aussi le débarquement
militaire réussi des troupes tanzaniennes en mars 2008 à Anjouan aux Comores
contre le colonel Mohamed Bacar, le rétablissement de létat de droit en
Mauritanie, son implication au dialogue inter-burundais ayant désamorcé à temps
la tension politique ainsi que son soutien à la mise en place de la MINUAD au
Darfour où participe un contingent tanzanien depuis 2009. La Tanzanie sest
enfin montrée active sur les crises en RDC et à Madagascar ainsi que sur le
dossier zimbabwéen.
[5] Charles
Onyangbo-Obbo, « Pourquoi la Tanzanie est sexy », Courriel International, 30
juin 2013.
[6] «
Kikwete, le joker des américains : la Tanzanie au centre de gravité géopolitique
des Grands Lacs? » DESC-WONDO,
22 juin 2013. http://desc-wondo.org/kikwete-le-joker-des-grands-lacs-la-tanzanie-au-centre-de-gravite-geopolitique-de-la-region-des-grands-lacs-jean-jacques-wondo/.
[7] http://desc-wondo.org/guerre-au-kivu-ca-vole-tres-bas-entre-dar-es-salam-et-kigali/.
[8] http://desc-wondo.org/desempare-le-m23-veut-pousser-le-rwanda-et-la-tanzanie-a-lescalade-militaire/.
[9] Le
Burundi et la Tanzanie soupçonnent les trois autres membres de lEAC davoir un
agenda caché et de les isoler. Les présidents du Rwanda, de lOuganda et du
Kenya sétaient réunis à plusieurs reprises en octobre et début novembre 2013 en
labsence de leurs homologues tanzanien et burundais pour accélérer la
construction de vastes infrastructures régionales, dont un chemin de fer et un
oléoduc reliant leurs trois capitales. http://www.dailymaverick.co.za/article/2013-11-05-analysis-how-did-tanzania-become-the-loneliest-kid-on-the-east-african-bloc/#.VW7AE1K3G7Q :
How did Tanzania become the loneliest kid on the East African bloc?, Daily
Maverick, 05 Nov 2013.
[10] http://desc-wondo.org/guerre-imminente-dans-les-grands-lacs-une-inquietante-course-aux-armements-dans-la-region-jj-wondo/.
[11] http://desc-wondo.org/burundi-vers-le-retour-imprevisible-de-buyoya-au-pouvoir-joseph-kabila-inquiet-jj-wondo/.
[12] Ces
avions, comme nous lavions mentionné dans notre r ouvrage,
Les armées au Congo-Kinshasa…, p.287,
peuvent opérer avec autonomie dans un rayon daction de 500 Km.