07 07 15 A quand une banque nationale en RDC?

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Augustin Dokolo et Pascal Kinduelo…ces noms ne vous diront peut-être
rien. Pourtant, il s’agit bel et bien des deux derniers ressortissants
de la RDC à avoir été actionnaires majoritaires d’un établissement
bancaire situé sur le territoire national. Le premier a connu ses heures
de gloire dans les années 70 – 80, le deuxième n’a fait qu’un passage
éphémère dans le paysage financier local, vendant ses parts au sein de
la B.I.C (la cinquième banque du pays en termes de total du bilan) en
2009.

Un constat sans appel

L’essor que connaît le secteur bancaire congolais, depuis le début
des années 2000, ne souffre d’aucune contestation possible, comme en
attestent, par exemple, le triplement du nombre de banques commerciales
implantées sur le territoire ou bien encore le fait que le nombre de
comptes ouverts soit passé de moins de 50 000 à plus de deux millions en
un peu plus d’une décennie.

Malheureusement, et c’est le moins que l’on puisse dire, les investisseurs nationaux n’en ont que très peu bénéficié.

Ainsi, les cinq premières banques de la place kinoise, en termes de
total du bilan, et qui représentent environ 70% de parts de marché à
elles seules aussi bien sur les dépôts clients que sur les crédits
accordés à l’économie, sont détenues et contrôlées par des non-nationaux
: la famille Rawji pour la Rawbank, le groupe Forrest pour la BCDC,
Robert Levi pour la TMB, le groupe Blattner pour la BIAC et les
nigérians de la First Bank pour la FBNBank.

Par ailleurs, le potentiel du marché domestique a généré l’arrivée
récente de groupes bancaires à capitaux «panafricains» tels que Ecobank,
Standard bank, la BGFI ou Afriland first bank et provoquera également
la prochaine venue, comme annoncée par leurs soins, du kenyan Equity
bank et du tanzanien CRDB Bank.

Si l’on peut, bien entendu, se féliciter d’un tel succès, qui ne fait
que confirmer la nouvelle attractivité de la RD Congo aux yeux des
investisseurs étrangers, l’absence des capitaux nationaux dans le
secteur bancaire local ne peut être que constatée et déplorée !

L’état doit-il prendre des participations majoritaires au capital d’une banque ?

Non. La réponse est catégorique.

Clairement, l’état congolais devra se concentrer sur le pilotage de
chantiers stratégiques, en vue de l’émergence économique planifiée en
2030, en particulier dans le domaine social.

La prise en charge des organes de gouvernance d’une banque et le fait
d’en devenir actionnaire principal ne sont pas donc pas à inscrire sur
l’agenda des pouvoirs publics.

Même si la stabilisation du cadre macro-économique enregistrée depuis
2010 (le FMI prévoit une croissance de 9,2 % pour l’année 2015) est à
mettre au crédit des autorités locales, de nombreux défis, dont le
caractère vital est incontestable, attendent ce pays dans les prochaines
décennies,essentiellement sur le plan démographique et urbain.

En effet, avec un taux de croissance supérieur à 3%, la population
congolaise augmente de plus de deux millions d’habitants chaque année.
Les projections les plus objectives font de la RD Congo un pays peuplé
de près de 100 millions d’âmes à l’horizon 2025.

Par ailleurs, l’urbanisation croît à une vitesse exponentielle et
conduira plus de 50% de la population locale à vivre en zone urbaine à
partir de 2030 (contre moins de 35% à date) et fera de Kinshasa à
l’horizon 2035, selon toute vraisemblance, la douzième ville la plus
peuplée de la planète (avec une population estimée entre 15 et 20
millions d’habitants).

Certes, ces évolutions démographiques ne devraient pas constituer un
handicap, bien au contraire, pour un territoire vaste comme 80 fois la
Belgique et où la densité de population est inférieure à 35 habitants au
Km2 (quatre fois moins qu’en Ouganda et 12 fois moins qu’au Rwanda, les
voisins de l’est).

Néanmoins, on comprend aisément que des solutions devront rapidement être trouvées par l’état en particulier en termes :

• de création d’emplois (le taux de chômage avoisine officiellement les 80 %).

• d’accès aux soins (la mortalité infantile dépasse les 100 pour mille).

• de sécurité du territoire (près de 2,7 millions de personnes sont
déplacées, selon l’ONU, fuyant les exactions des groupes armés qui
sévissent au Katanga ou dans l’est du pays).

• d’amélioration des transports publics (moins de 5% des routes sont asphaltées).

Enfin, le métier de banquier a toujours reposé, en tout temps et sous
tous les cieux, sur la notion de confiance. Force est de constater, et
ce n’est pas spécifique à la RD Congo, que les populations d’Afrique
subsaharienne éprouvent bien souvent une méfiance endémique pour tout ce
qui émane de «la chose publique»…

En conséquence, il n’est pas du tout évident qu’une banque à capitaux
majoritairement détenus par l’état puisse, spontanément et durablement,
générer un capital sympathie dans un pays ou la perception de la
corruption est encore très tenace (la RDC figure en 154ème position du
classement 2014 de l’ONG Transparency international).

Le centre de décision des banques commerciales doit se trouver impérativement en RD Congo

De ce qui précède, il est possible d’affirmer que le «salut» ne peut provenir que d’initiatives privées.

Alors que l’économie congolaise accumulent les bonnes nouvelles
(inflation revenue à des niveaux acceptables, stabilisation du taux de
change, fonctionnaires payés en temps et en heure et percevant la
totalité de leur salaire etc …), la population a besoin d’un signal
fort, pouvant restaurer sa confiance dans l’intermédiation financière du
pays et susceptible de lui démontrer que des nationaux sont tout aussi
capables, grâce à leur initiative, de tirer profit de l’amélioration de
l’environnement macro-économique.

Comme précisé précédemment, l’état ne peut se substituer aux
initiatives privées. Néanmoins, il peut les encourager et les faciliter,
par exemple en octroyant le bénéfice du code des investissements, et de
ses avantages fiscaux conséquents, au secteur bancaire ou en finalisant
aussi rapidement que possible la mise en place d’un véritable marché
des capitaux (projet piloté, à ce jour, par la Banque centrale).

Au-delà de la nationalité des actionnaires, il est également fondamental
que les banques recentrent rapidement leurs centres de décision
localement, que ce soit en termes de stratégie commerciale, de contrôle
des risques, de politique RH ou de gestion financière.

En effet, les spécificités du marché congolais, ô combien nombreuses et
quelquefois très complexes à cerner, ne peuvent être correctement
appréhendées que par des décisionnaires ayant une proximité géographique
et culturelle digne de ce nom avec la clientèle locale…

En conclusion, je me permets d’appeler de mes vœux la création d’une
banque à capitaux congolais, délibérément orientée vers les particuliers
et les PME-PMI, faisant la fierté de la population de par sa fiabilité
et son professionnalisme, et au sein de laquelle congolais «de sol» et
de la diaspora pourraient s’épanouir et mettre à profit leurs
compétences et leurs expériences, afin de contribuer à ramener le taux
de bancarisation de la RD Congo à des niveaux plus conformes au
potentiel gigantesque de ce pays.

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