11 08 15 – Le refus d’extrader Karake vers l’Espagne pourrait être un signal fort pour les plus amnésiques d’entre nous. Par Mbelu Babanya Kabudi, analyste

  ‘’Le génocide congolais’’ est une
œuvre anglo-saxonne. Si le documentaire intitulé ‘’Rwanda untold  story’’, plusieurs livres et documents ne font
plus mystère de ce secret de polichinelle. André Vltchek et Noam Chomsky y sont
revenus dans un petit ouvrage intitulé ‘’L’Occident terroriste. D’Hiroshima à
la guerre des drones’’.

Dans le documentaire susmentionné comme dans plusieurs documents consultables
aujourd’hui sur ‘’le génocide congolais’’, le coup d’Etat fait contre Miltone
Obote en Ouganda en 1986 et la guerre menée contre le Rwanda à partir des
années 1990 étaient des étapes à franchir pour faire main basse sur les terres
et les richesses du Congo-Kinshasa.

S’il est vrai que Londres refuse que Karake soit être extradé vers l’Espagne[1]
pour être jugé au sujet de l’assassinat des sujets espagnols présents dans la
sous-région des Grands Lacs Africains au cours de cette guerre raciste de
conquête des terres congolaises, cela ne pourra étonner que les plus amnésiques
d’entre nous. Souvent, plusieurs de ces compatriotes ne sont habités que par
une seule question : « Que faut-il faire » ? Ils refusent de discuter de ce
qu’il y a eu. Souvent, ils affirment que tout le monde sait ce qu’il y a eu. Et
quand Karake est arrêté en Grande-Bretagne, ils estiment que le temps de régler
ses comptes au FPR de Kagame est arrivé : ils apprêtent des documents en
oubliant que Kagame et Karake n’ont été que des exécutants des ordres des
acteurs pléniers ; qu’ils n’ont été et ne seront que des acteurs apparents.

Il est et sera toujours difficile de répondre à la question « que faire » sans
une bonne identification d’une part des enjeux et d’autre part des acteurs
(pléniers et apparents).

Cette identification nous semble être un préalable indispensable à la lutte
d’émancipation politique de la sous-région des Grands Lacs africains et de
l’Afrique.

Les luttes internes pour ‘’les élections’’ dans cette partie de l’Afrique nous
semblent être des signes manifestes qu’elle est loin de maîtriser les
véritables enjeux. A notre avis, plusieurs politiciens menant ces luttes
devraient (lire ou) relire ‘’Carnages[2]’’ et ‘’Paix et châtiment[3]’’.

L’enjeu majeur dans cette partie de l’Afrique, c’est la percée de la Chine. Et
il est important de savoir que ‘’la nation exceptionnelle’’ ou ‘’la nation
indispensable’’ (les USA) en sa qualité d’empire (finissant ?) n’acceptent pas
que les pays qu’elle considère comme étant ses rivaux aient accès aux ‘’biens
communs globaux’’ pouvant les rendre capables de lui contester sa place de la
‘’nation’’ la plus puissante du monde. A ce point nommé, il serait intéressant
de lire sa doctrine pour ‘’la sécurité nationale ‘’ de 2015.

Dans ce contexte, juger Karake à Londres ou à Madrid serait contreproductif
pour les anglo-saxons. Ils se tireraient une balle dans le pied. Le Rwanda et
son Cheval de Troie opérant à partir du Congo-Kinshasa sont encore
indispensables à ‘’la nation indispensable’’ et à ses alliés. Les Congolais(es)
tiennent tellement à leur souveraineté qu’il faudrait leur infliger une longue
guerre d’usure. Les derniers rencontres entre ‘’le raïs’’ et le M23 à l’Est du
pays ne sont pas des faits anodins.

Contrairement à ce que nous, Congolais(es), sommes incapables de faire, les
anglo-saxons travaillent sur une même question pendant plusieurs années et y
impliquent plusieurs générations. Ils lisent. Ils ont des think tanks. Ils
archivent. Ils n’ont pas par exemple renoncé au rêve de Cecil Rhodes de faire
de l’Afrique un marché autorégulé allant du Caire au Cap.

Le refus d’extradition de Karake en Espagne serait un signal fort. La guerre
d’usure pourrait se poursuivre dans la sous-région des Grands Lacs africains
sous plusieurs formes.

Que faut-il faire ? Les Congolais(es) ayant compris les enjeux refusent que
nous puissions mettre nos propositions sur Internet. Eux (elles) croient en
leur lutte d’émancipation politique et ont accepté d’y consacrer le temps
nécessaire. Désormais, ils sont prêts à passer le relais aux plus jeunes.

[1]
http://www.rfi.fr/contenu/ticker/justice-britannique-renonce-extrader-le-chef-services-secrets-rwandais-emmanuelkaren?ns_campaign=reseaux_sociaux&ns_source=twitter&ns_mchannel=social&ns_linkname=breaking&aef_campaign_ref=partage_user&aef_campaign_date=2015-08-10

[2] P. Péan, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique,
Paris, Fayard, 2010.

[3] F. Hartman, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de
la justice internationales, Paris, Flammarion,, 2007.

 

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