21 08 15 Le Phare – Alternance pacifique en RDC : « Ndoto ya baba» ou le rêve du sourd muet !

Chaque jour qui passe, je secoue tout mon corps et mon être
pour me convaincre que l’après élections 2015-2016 sera annonciateur de ce
grand soir que nous attendons tous. Chaque nuit, je ne rêve que de cet après
élections annonciateur de cette démocratie qui mettra fin aux hommes forts pour
inaugurer l’ère des institutions fortes, porteuses d’une démocratie qui, enfin,
placera l’homme et la femme congolaise au cœur de ses préoccupations.

 Mais, à chaque réveil, je me retrouve avec de
nombreuses questions qui me donnent froid au dos. En effet, comment penser à
une alternance pacifique avec des animateurs d’un pouvoir afdélien vieux de 18
ans et qui, tout au long de son règne est resté, dans son essence, un pouvoir
pris par les armes ? Comment croire à la possibilité d’une alternance
pacifique lorsque durant 18 ans, on a instauré une démocratie de façade sur
fond de stratégies de contrôle des instruments du pouvoir que sont l’armée, les
services de sécurité, la police, les médias, la justice et l’institution
organisatrice des élections ? Comment rêver d’une alternance pacifique avec un
régime qui a mis en place des mécanismes d’enrichissement donnant naissance à
des dirigeants immensément riches et une population odieusement pauvre sur une
terre riche ? Comment imaginer une quelconque alternance pacifique avec des
élections-théâtre de mauvais goût qui, après deux cycles, n’ont eu pour seul
but que de tenter, en vain, de « civilianiser » des militaires au pouvoir ?
Comment penser un seul instant à une alternance pacifique dans cet espace
d’Afrique centrale où le pouvoir a pour dénominateur commun des dirigeants des
régimes qui se soutiennent mutuellement pour rester éternellement au pouvoir?
Comment se convaincre d’une alternance pacifique boostée par des partenaires
extérieurs qui, dans un passé récent, et pour des intérêts égoïstes, n’ont
cessé d’offrir des métaphores mensongères pour soutenir des régimes complices
d’une exploitation honteuse de notre pays ? Comment songer même dans un songe à
une alternance pacifique avec des institutions transformées au fil des années
en espaces de théâtres avec des dramaturges, des metteurs en scènes et des
acteurs amateurs ? Comment promouvoir une alternance pacifique avec des partis
politiques de l’opposition et de la majorité qui, à chaque échéance électorale,
confondent multipartisme et « wegemania » ? Enfin, comment, comment invoquer
Dieu et nos ancêtres et que faire pour qu’ils entendent notre ardent désir
d’une alternance pacifique dans ce Congo brouhaha et brouillons ?

 Au regard de la multitude de questions que pose
l’alternance pacifique de la gouvernance en RD Congo, j’avoue sincèrement ne
pas avoir de réponses convaincantes. Dans les lignes qui suivent, je me propose
tout simplement de comprendre pourquoi l’alternance pacifique de la gouvernance
souhaitée, par tous, n’aura pas lieu et pourquoi, comme hier, les ténors du
régime actuel adoptent-ils une attitude suicidaire face à l’alternance
démocratique.

 Aux amoureux de la chronologie des faits, je présente
toutes mes excuses car les faits dont nous allons parler dans les lignes qui
suivent se déroulent dans une confusion chronologique qui est telle qu’on ne se
souvient plus de ce qui précède l’autre. En effet, ces derniers jours les faits
se font et se défont, se construisent et se déconstruisent le temps des
annonces et des tentatives de compréhension.

 1. Les signes avant coureurs du refus de quitter le
pouvoir

 Les évènements politiques qui se succèdent au cours de
cette année 2015 n’augurent rien qui puisse annoncer une transition pacifique
de la gouvernance dans notre pays. Chaque jour qui passe est annonciateur d’un
chaos aux conséquences insoupçonnables pour tous, dirigeants et dirigés. Pour
tous ceux qui refusent de m’accompagner dans mon pessimisme, je les invite à
lire et interpréter les faits et gestes que les ténors du régime posent
aujourd’hui et qui semblent  laisser tout un peuple dans un silence
qui donne froid au dos. 

En effet, 2015 s’est ouvert avec l’audacieuse tentative de
révision de la Constitution afin de permettre un troisième mandat officiel à
l’actuel président. Les débats ou mieux ébats qui ont suivi entre politiciens
ont réveillé un peuple médusé qui,  jusqu’aujourd’hui, ne parvient
pas à comprendre pourquoi, dans cette démocratie tant vantée par les
Occidentaux, les hommes qu’ils ont placés au pouvoir par voie « démocratique »
refusent de respecter le jeu démocratique. Leur obstination comme celle de tous
ceux qui les accompagnent durant ces 18 années de pouvoir, se caractérisent,
aujourd’hui, par des stratagèmes d’une créativité sans aucune originalité parce
que faisant parties du déjà vu dans notre propre pays. C’est ce qui, sans
doute, explique le sourire malicieux que les observateurs avisés lisent sur les
visages des fils et filles de ce pays.

 La pilule « révision constitutionnelle » n’étant pas
passée, les stratèges de la conservation du pouvoir n’ont pas baissé les bras.
Ils repasseront à l’attaque avec la tentative maladroite de révision de la loi
électorale introduisant le recensement de la population comme préalable à
l’organisation des élections. C’est alors que le peuple volcan, jusqu’alors
éteint et silencieux, grondera et répondra au régime par les événements du 19,
20 et 21 janvier 2015.

 Face à des dirigeants qui ne comprennent que lorsque
des membres de la communauté nationale acceptent de verser de leur sang, le
peuple s’est levé pour dire « non » à cette loi électorale qui n’avait pour but
que de persister dans la volonté inconstitutionnelle de conserver le pouvoir.
La suite est connue. Des morts utiles, des sacrifices, préludes d’autres et
tous témoins de la volonté de ce peuple de payer le prix pour des lendemains
meilleurs!

 Ce projet de loi n’est pas passé! Et contrairement aux
tergiversations des rédacteurs de cette loi, le peuple ne retiendra de cet
épisode que la communication faite du haut de la tribune du Sénat et de
l’Assemblée Nationale. Pris de peur, et soucieux de se faire comprendre,
les  Présidents de ces deux institutions, ont, pour la première fois,
parlé en langues vernaculaires ! Que vive l’Esprit Saint !

 Après l’échec du projet de loi électorale, les
dirigeants en désarroi changent de fusil d’épaule. Ils poussent la CENI à
proposer un calendrier électoral global qui reprend le prochain cycle électoral
à partir des élections locales, municipales et urbaines. L’objectif reste le
même : maintenir le pouvoir en place par une stratégie à faire rire tout novice
en politique.

La CENI publie un calendrier « Ponce Pilate » avec des
préalables logistiques, politiques et financiers qui, manifestement, ne sont
pas réalisables dans le contexte temporel des prochaines élections. Même les
plus dupes d’entre nous voient venir la manœuvre : le régime propose un
séquençage qui conduira  à un glissement significatif et à la
prolongation du mandat du Président actuel. Ce peuple qui ne sait ni lire, ni
écrire ; sait voir, entendre et parler. Il comprend que la CENI ne pourra pas
organiser, en temps voulu, toutes les élections et particulièrement, l’élection
présidentielle.

 La thèse du « glissement » se met en route avec pour
objectif unique permettre de faire « glisser » l’échéance du second mandat de
Kabila et pour justificatif majeur, une interprétation pernicieuse d’un article
de la Constitution. D’ailleurs, cette situation de fait ou mieux d’illégitimité
ne sera pas une première dans cette démocratie du pays des bonobos. Il suffit
de se référer aux  Députés Provinciaux, Gouverneurs et autres
Sénateurs qui, par la volonté de la CENI et la complicité des concernés, se
tapent, en douce, un mandat de 10 ans dans « le silence-acceptation » d’un
peuple  préoccupé par d’autres priorités vitales.

 Depuis l’annonce de cette possibilité de glissement,
tous les prétextes sont envisagés et balancés sur la place publique comme des
ballons d’essai, tout en observant le peuple dans ses réactions vis-à-vis de
l’une ou l’autre astuce. Les dirigeants jouent au chat et à la souris avec leur
propre population.   Les têtes pensantes du régime envisagent
une impréparation délibérée des élections. Le comble, c’est que tout le monde
le sait ! C’est un secret de polichinelle, la CENI attendra longtemps la
matérialisation du budget destiné à l’organisation des prochaines élections et
aucune mesure concrète ne sera prise pour inscrire sur les listes électorales
plus de 5 millions de jeunes désormais en âge de voter depuis la dernière
élection nationale de 2011.

 Mais, malgré tous ces subterfuges, l’équation est de
plus en plus difficile pour les dirigeants qui tiennent mordicus au pouvoir.
Les plans deviennent de plus en plus compliqués et le silence du peuple de plus
en plus lourd. Il faut mettre en œuvre un autre plan. Eureka ! Les artistes ont
trouvé. Il faut démembrer les provinces et compter sur la soif de pouvoir des
Congolais. Ils vont certainement se précipiter vers les nouvelles provinces
dans le cadre d’une décentralisation des possibilités d’accès au pouvoir, à
l’avoir et au valoir !

 Le plan compliqué consiste à éclater les provinces du
pays pour passer de 11 à 26. Cette nouvelle carte électorale permettra ipso
facto « le glissement » si l’on démarre les prochains scrutins par les élections
locales et provinciales.       Mais, encore
une fois, les arroseurs sont arrosés. Les dirigeants sont pris à leur propre
piège. Les élections annoncées dans les provinces « sans membres » risquent
d’être l’expression du rejet, à travers tout le pays, de tous les dirigeants de
cette « majorité-sangsue » qui, durant 18 ans, vident chaque corps de Congolais
de son sang. Un très mauvais augure pour les prochaines élections. Il faut donc
changer de tactique.

 A force de se ronger les méninges, les experts du «
laboratoire du glissement » n’ont plus que l’organisation d’un « Dialogue » de
la dernière chance pour négocier un « glissement collectif » ou mieux « un
suicide collectif » ! Génial, la nouvelle trouvaille ! Mais, manifestement,
elle ne convainc que le petit-fils de Kimpa Mvita, elle qui, dans sa tombe, se
demande certainement ce qui est arrivé à son descendant.  

 Après tous ces scénarii de l’ordre des manœuvres
politiques et devant leurs natures de mort-nées, il ne reste plus aux stratèges
civils que de quitter le labo pour laisser cet espace aux militaires. L’idée
est absurde. Mais, elle se présente comme un mal nécessaire : « On ne fait pas
des omelettes sans casser les œufs ». Il s’agit donc d’intensifier le conflit
armé dans l’Est du pays. C’est la seule chose qui rendra difficile
l’organisation d’élections réellement nationales et permettra, par conséquent,
le « glissement ».

  Armée : une réforme difficile

 Toutes les opérations successives d’intégration des
ex-rebelles au sein de nos forces armées s’inscrivent dans le cadre d’une
stratégie qui « achète  la paix au prix de la justice » et répondent
à cet objectif conscient de démembrer et fragiliser nos forces armées et la
nation. Les promotions clientélistes des officiers et autres cadres de l’armée
sur fond d’une division trompeuse Est vs Ouest viendront compléter ces
mécanismes qui déstructureront complètement l’armée. Le régime a ainsi fini par
créer des unités mono ethniques au sein de l’armée avec des militaires qui
refusent toute mutation dans une autre partie de la république sous prétexte de
protéger les leurs alors qu’ils ont une vocation nationale. Cette manière
d’organiser l’armée a fini par la démanteler en factions sans réelle unité de
commandement. 18 ans après et après deux cycles électoraux, notre armée demeure
un groupe hétérogène constitué d’anciens officiers aux backgrounds divers. Nous
sommes, donc, en face d’une armée non professionnelle et atypique, composée
d’un personnel de civils et d’ex-militaires.

Le décor à l’Est du pays prépare cette dernière séquence du
« glissement ». Les complices de ce « projet de la mort » sont, tous, à l’Est.
Tous, nationaux et internationaux, chacun au nom de ses intérêts et non de
ceux de la population souffrante de la RDC, attendent l’heure H pour finaliser,
de mains de maîtres, le longtemps rêvé projet de balkanisation de notre pays.
Il s’agit, entre autres des troupes de la MONUSCO souvent accusées de complices
du maintien du climat délétère qui persiste dans la partie Est du pays ; des
FDLR Hutus qui ont cessé de croire en un retour en toute sécurité au Rwanda ;
des M23 qui sont loin d’avoir dit leur dernier mot ; des Mayi-Mayi, ces
nombreux groupes congolais d’auto-défense ; des simples gangsters sociaux, une
génération fruit de la mal gouvernance, de la pauvreté et de l’exclusion ; et,
enfin de la branche LRA dans l’Ituri.

 2. Quelle rationalité derrière ce refus d’une
transition pacifique ?

 Pourquoi les ténors du régime veulent-ils conserver le
pouvoir et reste coûte que coûte en fonctions au-delà du délai constitutionnel?

 • Régime AFDL= régime militaire

 A mon avis, la première explication qui justifie cette
attitude suicidaire est le caractère militaire du régime AFDL. En effet,
lorsque l’AFDL arrive au pouvoir en 1997, elle conquiert le pouvoir par la
force des armes et non par voie démocratique. Par essence, cette « libération »
repose sur un pouvoir qui se définit comme militaire et qui, progressivement et
astucieusement, se structurera autour du contrôle de l’armée, de la police, des
services de sécurité, des institutions démocratiques (Sénat, Assemblées
nationales et provinciales, justice et CENI), de la corruption comme seul moyen
de rétribution de ceux qui animent et protègent le régime, de
l’impunité-immunité qui tétanise tout l’appareil judiciaire du pays,
transformant volontairement cet espace en Far-West sans Shérif et d’une fausse
promesse de réformer les institutions et de démocratiser le régime.

 Le pouvoir afdélien n’a jamais été un pouvoir civil ni
cherché à le devenir. Et contrairement aux fausses impressions d’une volonté de
se « civilianiser » à travers les élections, les réformes annoncées de l’armée,
de la police, des services de sécurité, de la justice, etc., le pouvoir
afdélien a savamment caché son refus permanent de promouvoir un pouvoir civil
comme alternative à son pouvoir militaire.

 D’ailleurs, dans le milieu profond du monde du pouvoir
afdélien, le slogan reste : « tozuaki yango na mbuma, bakozua yango na mbuma »,
entendez, « nous l’avons conquis par la force du canon ; on ne nous le
reprendra que par la force du canon » ! Les rêveurs sont tous ceux qui,
nationaux comme étrangers, parlent de « transition pacifique de la gouvernance
» dans ce contexte!

 • La peur de tout perdre

 La deuxième explication du refus de quitter le pouvoir
est celle la protection des fortunes amassées par les ténors du régime au courant
de ces 18 ans de pouvoir. Quitter le pouvoir ; c’est mettre en péril les avoirs
accumulés durant ces années de règne. Ceci n’est pas seulement vrai pour le
Président et sa famille. Cette situation préoccupe aussi tous ceux qui, autour
de  lui, sont arrivés au pouvoir  les mains vides et en
ressortent les poches pleines au détriment de toute la nation. La peur de la
renaissance de l’Office des Biens Mal Acquis  (OBEMA) est réelle
comme pour dire que ça n’arrive pas qu’aux autres.

 A cette crainte de se faire déposséder de tous ses
avoirs, il faut ajouter la permanente angoisse causée par les futures enquêtes
qui jalonnent ce pouvoir irrespectueux des droits de l’homme.  Dans
ce monde global où les victimes connaissent leurs droits et peuvent se battre
durant plusieurs années pour que justice soit rendue, les immunités
parlementaires sont bien faibles face au pénal.

 Comme hier, du temps de Mobutu, durant ces derniers
moments de pouvoir, les nuits de ceux qui doivent quitter le pouvoir sont
hantées par les ombres de crimes contre l’humanité, de nombreux trafics
illicites d’armes et de matières premières, d’ignobles assassinats de
journalistes et autres activistes des droits humains, d’inacceptables actes de
corruptions, de détournements, de viols qui désacralisent la femme porteuse de
vie de nos futures générations, etc.  C’est du reste en ce moment
particulier que l’Etat, les victimes de nombreuses atrocités et la justice
redonnent des visages aux nombreuses affaires qui ont émaillé ces années
tumultueuses au pouvoir.

 • La colère contre les parrains de tous ordres et de
toutes origines

 L’effort à ce stade de la présente réflexion est de
faire comme au théâtre : entrer dans la tête de ceux qui doivent tout abandonner
pour vivre une nouvelle vie dont personne ne détermine clairement les contours.
Dans tous les discours du moment, ceux qui quittent le pouvoir ne lisent que
d’hypothétiques titres affabulateurs et promesses : « Père de la démocratie »,
« être rare et qui n’apparaît que tous les 25 ans », « statut de vieux sage
politique comme Mandela et tant d’autres», « immunités parlementaires » ; « il
existe une vie après la présidence », etc. Mais personne ne définit les
contours de cette vie. Personne ne vous dit que cette vie ressemble à celle
d’après la mort. En effet, le ciel comme la vie politique apaisée d’après
mandat sont tributaires de la vie que nous avons menée ici-bas ou pendant notre
mandat à la tête de l’Etat ! Le Ciel se mérite ! Aussi, mettons-nous à leur
place : qui peut quitter 18 ans de pouvoir juteux avec comme garanties des
métaphores mensongères de ceux à qui l’on a livré son pays et sacrifié toute sa
jeunesse ?

 Au sortir de ce règne, il y a comme un arrière-goût de
trahison, d’abandon et de désir de vengeance. Il y a un refus de mourir seul
parce que c’est ensemble que nous avons gouverné sans élégance et c’est
ensemble, que, sans élégance, nous quitterons ce pouvoir. Il y a comme un  refus
de porter seul la croix d’une démocratie de façade au service des puissances
prédatrices extérieures et qui l’ont progressivement érigé en homme fort au
lieu de l’aider à construire une démocratie respectueuse des humains et bâtie
sur des institutions fortes.

 Enfin, au sortir de ce régime, il y a comme une envie
de sanctionner toute cette hypocrisie à travers un acte de suicide qui, comme
une pièce de domino fera tomber d’autres et dévoilera aux futures marionnettes
en quête de pouvoir, la méprise qui accompagne cette démocratie de façade qui
crée des dirigeants esclaves et les jettent à la poubelle telles des oranges
sucées jusqu’à leur dernière goute de jus.

 • La peur de l’Exil

 Aujourd’hui, plus qu’hier, l’exil en fin de règne
devient hypothétique surtout en terre africaine, euro-américaine et demain
partout où des Congolais de la Diaspora risquent de se mobiliser comme les
premiers à traquer les membres du régime pour les déférer devant les cours et
tribunaux internationaux. Le monde n’est plus le même et le droit à l’exil
politique répond à une éthique de respect de l’humanité que le monde global met
en place pour tous et partout.

 Aucun Etat, aujourd’hui, n’a envie d’héberger un ex
dirigeant d’un régime à problème dans son territoire.  Sa société
civile ne le lui permettra pas au nom du principe plus que jamais opérationnel
de la solidarité des victimes de violences et injustices de par le monde. Aucun
Etat n’a envie de perdre des privilèges économiques dans un pays partenaire en
protégeant des ex dirigeants auxquels ces nations reprochent des faits qui
réclament justice.

 Visiblement, les marges de manœuvre se rétrécissent
pour les demandeurs d’asile politique en fin de démocratie de façade. Ils
seront traités comme les dictateurs d’hier, eux à qui on a pourtant fait porter
la robe de démocrates.

 3. Des dirigeants entre le marteau et l’enclume

 Pour tous les observateurs de la scène politique congolaise
et pour le peuple congolais, il est difficile d’imaginer comment n’importe
lequel des scénarios du glissement évoqués ci-dessus, pourrait offrir un
nouveau mandat au Président Kabila. Tous pensent que la conservation du pouvoir
n’apportera rien de solide. Bien au contraire, elle déclenchera une réaction en
chaîne violente et émaillée d’abus, une spirale de protestations et de
répressions violentes à travers tout le pays. Elle donnera au président sortant
l’image d’un homme qui aura présidé à l’intensification des brutalités à
l’égard de la population.

 Il ne faut pas que l’actuel président se fie à
l’impression de puissance et de contrôle de la situation que de nombreux
thuriféraires connus et opportunistes tentent de donner pour le convaincre de
rester. En réalité, tous ces discours et stratagèmes n’offrent qu’une marge de
manœuvre hypothétique. Comme par le passé, le renard ne vit qu’aux dépends de
celui qui l’écoute. Et en fin de règne, quoi de plus rentable que le métier de
courtisans.  Et comme toujours, tels des rats, tous ces renards sont
les premiers à quitter le navire en cas de naufrage. Suivez mon regard !

  Aujourd’hui, il n’y a plus de doute. Un large
consensus s’est formé dans le pays et au sein de la communauté des Nations pour
considérer qu’un troisième mandat présidentiel officiel est
constitutionnellement impossible ! L’actuel président n’a pas de choix. Il doit
passer la main. Les fins politiciens qui l’ont compris au sein de sa majorité
se tournent, chacun en ce qui le concerne, vers son propre futur
politique. 

 Il faut donc quitter le pouvoir et demain dépendra du
comment l’on quitte ce pouvoir. Dans ce contexte, l’annonce officielle de sa
volonté de ne pas briguer un troisième mandat sera un acte de courage. Sa
transparence sera favorablement accueillie par le peuple congolais et
contribuera à sauvegarder le semblant de  stabilité que connaît le
pays, du moins dans sa partie occidentale. Il pourrait, ainsi, compter sur la
clémence de la justice et du peuple congolais et sur le soutien éventuel d’un
successeur bien disposé à son égard. Mais, il est irréaliste de penser que l’on
peut quitter le pouvoir, aujourd’hui, et avoir des immunités de l’ordre du
pénal. Etat de droit oblige !  

(PAR THIERRY NLANDU MAYAMBA, FACULTÉ DES LETTRES/UNIVERSITÉ
DE KINSHASA)

 

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