30 09 15 Les messages du Sud-Kivu poussent à relire l’histoire pour éviter la guerre perpétuelle. Par Jean-Pierre Mbelu, analyste géopolitique

Le dernier message des jeunes du Sud-Kivu livré à Martin Kobler   devrait être lu et partagé sur toute l’étendue du territoire congolais.  La guerre perpétuelle que les Anglo-saxons mènent aux Congolais(es) par des proxys interposés est en train de s’intensifier pendant qu’à Kinshasa les sujets du débat politique tournent  autour des ‘’rats sautant de leur bateau de la kabilie’’.
 
Les jeunes de la société civile du Sud-Kivu ont dit au revoir à Martin Kobler le 16 septembre 2016. Ils lui ont dit leur satisfaction pour le travail abattu par l’ONU dans cette partie du territoire congolais tout en exprimant  des inquiétudes  liées à l’inachèvement de ce même travail. Les camps de transit hébergeant les membres des FDLR à Walungu, à Kanyabayonga et à Kisangani  semblent se   transformer en camps définitifs.  Et puis, la Monusco n’est plus disposée à nourrir ceux et celles qui y habitent. Il en va de même du gouvernement fantoche de Kinshasa.  Le danger de voir ces FDLR  s’engager à chercher à manger et à boire en pillant les populations locales  et en recourant aux armes devient de plus en plus grand.
Ces jeunes sentent que le Rwanda et le gouvernement fantoche de Kinshasa sont en train de s’organiser pour que, pour la énième fois, ils s’engagent à traquer ces FDLR. Ils vont encore une fois se mobiliser  pour intensifier la guerre à l’est du pays pour torpiller le processus vicié et vicieux des élections pièges-à-cons et poursuivre le projet d’occupation et de balkanisation du Congo-Kinshasa à partir de sa partie orientale.
Ces jeunes ont aussi peur qu’une guerre  éclatant entre le Rwanda et le Burundi ne puisse embrasser, encore une fois, toute la sous-région des Grands Lacs africains.

En lisant le  texte de ces jeunes congolais, une chose saute aux yeux : ils ont une bonne maîtrise de  l’histoire du pays depuis les années. Ils en connaissent les acteurs. Néanmoins, ils semblent se limiter aux acteurs apparents et ne semblent pas lire, à certains moments, entre les lignes.
Pourquoi, la Monusco, après avoir travaillé à la création des camps de transit des FDLR, n’est pas allée jusqu’au bout de sa tâche ? Pourquoi n’a-t-elle pas rapatrié ces FDLR au Rwanda pour éviter qu’elles ne servent de prétexte à l’entretien de la guerre perpétuelle de prédation, d’occupation et de balkanisation du Congo-Kinshasa ? N’est-ce pas là signe qu’elle est complice de la descente de ce pays de Lumumba  en enfer ? Ses slogans sont utilisés par les acteurs pléniers de l’implosion et du pillage du Congo-Kinshasa  comme ‘’soft power’’ pour poursuivre leur sale besogne.

Ces jeunes épris du sens de l’histoire de leur pays devraient relire Frantz Fanon afin de mieux mener leur lutte en identifiant comme il se doit les différents acteurs qui y sont impliqués.
Ne sachant pas que l’ONU est un instrument aux mains des impérialistes, Lumumba l’avait invitée au Congo-Kinshasa  afin qu’elle vienne mettre fin aux guerres de sécession ; sans succès. Cela fut une erreur décriée par Frantz Fanon. Une faute commise par Lumumba et que commettent encore plusieurs Africains (et Congolais(es)) dans leur approche de l’ONU.
« Notre tort à nous, écrit Frantz Fanon, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend  jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité. »[1]

Nos jeunes devraient apprendre à identifier cet ‘’ennemi’’, ses stratégies et ses méthodes ; son instrumentalisation de la religion, de l’ethnie, du parti politique et des organisations dites internationales. A ce point de vue, il semble y avoir encore un peu de naïveté chez les jeunes comme chez les adultes.

Voilà que pendant que le gouvernement fantoche de Kinshasa travaille avec le Rwanda pour une énième infiltration des éléments rwandais et ougandais dans ‘’l’armée congolaise’’, à Kinshasa, les sujets d’échange tournent autour des ‘’rats sautant du bateau’’  pour un possible repositionnement  sur l’échiquier congolais des vassaux  au service de l’ordre néolibéral.

Ne serait-il pas réellement temps de constituer un grand mouvement anti-guerre au cœur  de l’Afrique ?  Ne serait-il pas réellement temps que  nos 400 partis politiques et nos centaines d’organisations de la société civile  comprennent que l’accès aux matières premières stratégiques des  grands blocs chinois, américain et européen  passe par une guerre perpétuelle facilitée par l’esprit partisan, tribal, ethnique et religieux  opposant les filles et les fils du Congo-Kinshasa ? 

Insistons.  Les usagers de la stratégie du chaos ne livrent pas des guerres racistes de prédation et de déstabilisation des pays pour y mettre après de la démocratie. Ils le disent à qui voudraient les entendre comme ils le font à travers l’un de leurs grands géopoliticiens, George Friedman[2].
Ils  ne changent pas de stratégie à tout moment. Ils tiennent à éviter l’union, la collusion entre les pays, les politiciens, les peuples, les religions, les ethnies, les organisations de la société civile qu’ils tiennent à vassaliser. Recourant à l’argent et  au terrorisme, ils tiennent à créer de la dépendance chez  leurs vassaux. Ils font tout pour les convaincre que c’est d’eux que dépende leur sécurité. Ils sont fidèles à la politique du ‘’diviser pour régner’’.
Peser dans les rapports de force qu’ils créent et imposent exige d’opposer à leur intelligence une intelligence historique avertie sans tomber dans leur piège de ‘’la fabrication des hommes providentiels’’ pour le Congo-Kinshasa de demain. D’où la nécessité de l’organisation d’un grand mouvement anti-guerre en conscience.

Nos jeunes du Sud-Kivu viennent de nous lancer un cri d’alarme. La politique de la carotte  et du bâton est en marche à partir de la partie orientale du pays. A Kinshasa et dans les autres provinces, la chasse aux sorcières est organisée pour brouiller les cartes. (à suivre)
 
Mbelu Babanya Kabudi
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[1] F. FANON, Œuvres, Paris, La Découverte, 2011, p. 877.
[2] G. Friedman "..c’est cynique, amoral, mais ça marche ». Extraits du discours.

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