Liège: atelier-conférence sur les Belges et les Congolais (le 30 septembre)
AVEC
Gauthier Jacob – journaliste à la RTBF-¬‐Liège / Modérateur
Jean-¬‐Pierre Dozon (Anthropologue, Directeur d'études EHESS et directeur scientifique de la FMSH)
et Kalvin Soiresse Njall (Collectif Mémoire coloniale et Lutte contre la Discrimination)
Isidore NDaywel E Nziem (Historien, Unikin, Kinshasa) et
Marc Poncelet (Sociologue, ULg, programmes de coopération scientifique Nord-¬‐Sud
Jacinthe Mazzocchetti (Anthropologue, UCL, spécialiste des migrations africaines en Belgique, ) et
Marie-Jeanne Omari (Sociologue, coordinatrice pédagogique – l'Intégration des Personnes Etrangères)
Thierry Michel (Cinéaste et journaliste Mobutu Roi du Zaïre. Congo River, LHomme qui répare les femmes)
Colette Braeckman (Journaliste au Soir, spécialisée sur l'Afrique centrale et auteur de nombreux livres)
On le dit trop peu, limaginaire de la Belgique moderne a été très vite et très profondément envahi par la colonie, le Congo, lAfrique. Tandis quils avaient très peu accès à la métropole et aux autres colonies, les Congolais ont été confrontés pour leur part à une nationalisation (« belgicisation ») de lEtat « léopoldien » par ladministration coloniale, les congrégations, le peuplement blanc et dans une certaine mesure, par le business colonial. On sait combien le racisme, le paternalisme et la discrimination ont été fonctionnellement et durablement intégrés à lappareil colonial. On sait combien la décolonisation dite « ratée », la « congolisation » qui suivit, la décomposition du régime du MPR de Mobutu, les échecs de la coopération, les guerres, les avatars du dialogue politique belgo-¬‐congolais, la périlleuse reconstruction actuelle… ont entretenu en Belgique limage dune population congolaise impuissante, délites corrompues, dune coopération vaine, dun dialogue tronqué. On sait moins que ces perceptions sont peu partagées par les Congolais et quelles ne sont pas tout à fait celles des Belges qui fréquentent la RDC.
Le temps, la mondialisation, les migrations, léducation, la coopération, le travail interculturel …ont-¬‐ils renouvelé nos représentations héritées dune colonisation unique, singulière et courte qui commença et prit fin dans la controverse et la violence. La coopération au développement, la couverture médiatique, les discours sur limmigration ont-¬‐ils rompu avec le registre de la « civilisation », du misérabilisme, du paternalisme, des « ténèbres » ? La « première guerre mondiale africaine » du tournant du millénaire a-¬‐t-¬‐elle invalidé les images du Congo moderne, du Congo libéré, des nouvelles élites postcoloniales. Les avancées récentes de la globalisation, en Afrique en particulier, ont-¬‐ elles enseveli le passé, ses images, ses connivences, ses figures, ses stéréotypes, ses malentendus ?
Objectif : initier une réflexion partagée sur les principales représentations réciproques qui trament les relations entre Congolais et Belges, leurs ressorts et leurs dynamiques : lhistoire, les médias, la coopération, lécole, la globalisation, les migrations.
Identifier en particulier des configurations durables et contemporaines de ces représentations, leurs asymétries et leurs portées. Il sagit également de discuter de lintérêt den parler plus dun demi-¬‐siècle après lindépendance du Congo, alors que quelques dizaines de milliers de Congolais vivent en Belgique. Certes le rapport entre Congolais et Belges nest pas comparable à celui des Danois et des Zimbabwéens par exemple, mais sur quoi repose aujourdhui cet héritage commun certes, mais peu partagé ?
Bien des affirmations ont scandé cette relation historique tumultueuse et tendue entre Belges et Congolais : intimité historique, parenté symbolique (Noko, ou oncle),
quoffre aux uns et aux autres un tandem entre un petit pays européen et un grand pays africain…, ou à linverse, paternalisme indécrottable, deuil colonial mal assumé, nécessité de rompre définitivement le lien postcolonial (symbolisé par le débat sur le MRAC de Tervuren) en banalisant le Congo comme « simple » pays africain, les Congolais de Belgique comme migrants « tout-¬‐venant », la Belgique comme porte dentrée commode des Congolais en Europe ! Mais quelles quelles soient, ces affirmations ne sont que très rarement fondées sur des débats approfondis, sur des recherches. Elles sont encore moins soumises à l ‘épreuve dun examen commun entre des Belges et des Congolais.
Que sait-¬‐on finalement de ce que pensent les Congolais de ces affirmations? Les Congolais ont-¬‐ils encore une image distinctive des Belges et vice-¬‐versa ? Des idées très différentes ne coexistent-¬‐elles pas de part et dautre ? Les rapports à la colonisation, construits par léducation, transmis ou imaginés, ont évolué de manières très différentes en Belgique et en RDC. Quiconque fréquente régulièrement le Congo sait combien les représentations qui choquent ou révoltent sont rarement celles que lon dénonce en Europe. En Belgique comme en RDC, il semble que bien des malentendus (au sens propre et figuré) et des non-¬‐dits sous-¬‐tendent encore cette relation dite « particulière » !
Public visé : grand public culturel, mouvance associative du secteur de la diversité et du secteur socio-¬‐culturel, institutions et mouvements de la coopération internationale, enseignants, activistes et étudiants.
Problématique générale : quelques balises
Après avoir été sous la souveraineté personnelle de Léopold II, le Congo, aujourdhui lun des plus grands pays africains (130 millions dhabitants attendus en 2050) a été la seule colonie belge, une colonie qui se voulait moderne, un haut lieu de la globalisation du capitalisme et un objet précoce de la propagande moderne. Entre 1876 et 1905, le Congo a envahi limaginaire collectif des Belges. Trois ans plus tard le Congo devient une colonie du Royaume. La Belgique a envahi le Congo et le bilan de cette histoire coloniale demeure controversé. Quen faire aujourdhui ?
Lobjectif de cet atelier est de contribuer à une réflexion en Belgique (et pourquoi pas en RDC ?) sur la nature, les lieux sociaux, les transformations, les asymétries et lactualité de ces représentations réciproques. Quelques questions baliseront nos réflexions.
-¬‐ En quoi cette notion de « représentation » est-¬‐elle pertinente pour saisir les relations postcoloniales dans le monde global, mobile et liquide? Est-¬‐elle réductible à celle de stéréotype ? Comment mesurer et objectiver les
« représentations » ?
-¬‐ Les représentations coloniales de lAfrique sont étudiées, disséquées, discutées depuis un quart de siècle au moins, y compris dans leurs dimensions postcoloniales. Les représentations africaines de la colonisation commencent elles aussi à être étudiées. Les représentations réciproques des Belges et des Congolais ont-¬‐elles quelques originalités et particularités ? Si oui, quelles sont-¬‐ elles et à quoi renvoient-¬‐elles ?
-¬‐ Quels sont les moments, les inflexions, les oppositions et les figures les plus
saillantes de la construction de ces représentations et leurs évolutions ?
linégal pouvoir, du fait des silences et non-¬‐dits coloniaux (et postcoloniaux), du fait également des bassins de diffusion différents, ont-¬‐elles néanmoins des marqueurs communs, des éléments convergents, des connivences, des références implicites, des faux semblants partagés ?
-¬‐ Quels ont été les vecteurs de ces représentations en RDC et en Belgique : la presse
et les médias au sens large, les institutions de coopération, les réseaux daffinités, limmigration très tardive et finalement limitée de Congolais en Belgique et parallèle à la réduction drastique du nombre de Belges en RDC ?
-¬‐ Ces représentations ou certaines de leurs formules particulières sont-¬‐elles produites dans des milieux sociaux singuliers : réseaux confessionnels, réseaux politiques, milieux de la coopération au développement, institutions savantes doutre-¬‐mer, institutions sociales de traitement des questions dimmigration ?
-¬‐ Ces représentations ont-¬‐elle contribué à construire la position des Congolais en
Belgique face aux « autochtones » et dans la diversité de limmigration ? Limpression simpose que le « migrant » congolais qui correspond assez mal à la figure encore misérabiliste de « limmigré » échappe (ou séchappe) du traitement institutionnalisé de limmigration.
-¬‐ Quelle est lactualité de ces représentations dans les relations entre Belges et
Congolais en Belgique et en Afrique, dans la vie des communautés congolaises en Belgique et en Europe, dans les médias belges et les autres producteurs de représentations contemporaines de lAfrique et de lAfrique centrale en particulier ?
-¬‐ Finalement, quel pourrait lintérêt de mettre ces représentations et cette relation
postcoloniales sur le métier de la recherche et de lenseignement en Belgique et en RDC ? Biens que les critiques africaines et autocritiques coloniales et postcoloniales nont pas manqué, quels pourraient être les matériaux et méthodes dun tel chantier ?
Un atelier conférence
Cet atelier donnera la parole à des chercheurs, des professionnels, des experts mais aussi aux participants, chercheurs et experts eux aussi, en particulier aux jeunes gens et aux professionnels de léducation.
Latelier sera animé Par Gauthier Jacob, journaliste à la RTBF-¬‐Liège qui réalisé de nombreux reportages en Afrique pour les émissions Dunia et Planète en question (magazines des relations Nord-¬‐Sud de la RTBF), spécialisé aujourdhui dans les émissions de sensibilisation des enfants aux problématiques de développement.
Latelier sera organisé sous la forme de 3 interventions thématiques en dialogue. Chacune sera « discutée » par le Prof. Jean-¬‐Pierre Dozon (Anthropologue, Directeur d'études EHESS et directeur scientifique de la FMSH (Fondation Maison des sciences de l'Homme, spécialiste en outre des relations entre la France et lAfrique) et par Kalvin Soiresse Njall (Enseignant, responsable du Collectif Mémoire coloniale et Lutte contre la Discrimination, Bruxelles)
Thème 1
La production des représentations : histoire et sociologie dune relation singulière
Les Professeurs Isidore NDaywel E Nziem (Historien, Unikin, Kinshasa, auteur des ouvrages de référence sur lhistoire du Congo, Commissaire de lexposition du Cinquantenaire de lindépendance) et Marc Poncelet (Sociologue, ULg, auteur de Linvention des sciences coloniales belges et responsable de programmes de coopération scientifique Nord-¬‐Sud) mettront en perspective historique et sociologique les moments, les inflexions, les réseaux, les acteurs, les oppositions et les figures les plus saillantes de la construction de ces représentations réciproques et leurs évolutions.
Thème 2
Les représentations vécues dans les communautés en Belgique
La Professeure Jacinthe Mazzocchetti (Anthropologue, UCL, spécialiste des migrations africaines en Belgique, a dirigé louvrage Migrations subsahariennes et condition noire en Belgique) et Mme Marie-¬‐Jeanne Omari (Sociologue, coordinatrice pédagogique au Centre Régional pour l'Intégration des Personnes Etrangères ou d'Origine étrangère de Liège) traiteront de lexpression de ces représentations dans la vie des communautés congolaises et africaines en Belgique, dans leurs relations avec les autres composantes de la population et avec les institutions. Comment leurs recherches et leurs interventions dans les communautés africaines les ont-¬‐elles confrontées avec ces représentations ? Quels sont les Belges des Congolais de Belgique ? Comment leur exclusivité coloniale, leurs profils et leurs trajectoires migratoires singulières contribuent-¬‐ils à leurs représentations de la Belgique, à leur stratégie et leur sentiment d ‘intégration ou de discrimination ? Des identités nouvelles (« Belges noirs », « Belges dorigine africaine », « Congolais en diaspora », « Afropéens », « Seconde génération »,
« jeunes issus de la migration » etc.) sont-¬‐elles en travail aujourdhui ? Comment caractériser les rapports des Congolais de Belgique ou Belges dorigine congolaise aux institutions publiques belges ? Quelles différences de représentation saffirment selon les statuts socio-¬‐professionnels, le genre, la génération ? Comment sexpriment les rapports au pays dorigine et à son passé colonial et postcolonial.
Thème 3
Les représentions travaillées par les médias
Thierry Michel (Réalisateur de plusieurs reportages de référence sur le Congo, dont Mobutu Roi du Zaïre, Lirrésistible ascension de Moïse Katumbi, La colère dHippocrate. LHomme qui répare les femmes) et Colette Braeckman (Journaliste au Soir, spécialisée sur l'Afrique centrale et auteur de nombreux livres sur la région des Grands lacs dont "Le dinosaure, le Zaïre de Mobutu" et "'Rwanda histoire d'un génocide", co-¬‐auteur du film " La colère dHippocrate. L'Homme qui répare les femmes".
Ces deux auteurs ont une expérience sans pareille du Congo depuis plus de 25 ans et une expérience tout aussi incomparable des relations entre le Congo et la Belgique. Comment ont-¬‐ils rencontré les représentations dont il est question ? Comment ont-¬‐ils contribué à les façonner, à les infléchir, à les enrichir ? Comment leurs recherches, leurs réalisations, leurs publications ont-¬‐elle été perçues en Belgique et au Congo ? Quels regards jettent-¬‐ils sur lactualité des relations belgo-¬‐congolaises ?
Conclusions : un chantier à ouvrir ? : I. NDaywel E Nziem, J.P. Dozon, M. Poncelet
L'atelier-conférence se poursuivra par la visite de l'exposition "Notre Congo, La propagande coloniale belge dévoilée" conçue et réalisée par CEC (coopération par lEducation et La Culture) et présentée au Point Culture de Liège (Îlot Saint-Michel, Place Saint Lambert).
Point Culture, programme Colonies, héritages et tabous, octobre-décembre 2105
http://pointculture.be/thema/colonies/