16 10 15 – De petits rappels pour comprendre ce qui se trame au Congo-Kinshasa Par Jean-Pierre Mbelu, analyste géopilitique
Dès que nous perdons de vue que la sous-région des Grands Lacs africains est en guerre depuis les années 1990, il peut devenir difficile dinterpréter certains faits et gestes de différents acteurs impliqués dans cette partie du continent africain.
Pourquoi y a-t-il eu cette guerre ? Qui la orchestré ?
Cette guerre de nature raciste vise lextermination des peuples habitant cet espace géographique, laccès aux matières premières stratégiques dont il regorge, le contrôle du marché de lAfrique de lest, le contrôle des terres, des mers et des océans. Les acteurs pléniers de cette guerre sont les anglo-saxons commis au service de leurs multinationales. Ils ont utilisés (et utilisent encore) des proxys ougandais, rwandais, burundais, congolais, etc. pour réaliser ces objectifs géopolitiques.
Ces anglo-saxons tiennent à réaliser le rêve de lun des leurs, Cecil Rhodes. Son rêve était de conquérir cette partie riche de lAfrique du Caire au Cap. Il jugeait indignes les peuples habitant cette partie du monde et estimait quils faisaient la honte de lhumanité.
Pour réaliser ce rêve, les anglo-saxons ont, à un certain moment, choisi de jouer dans lombre et de mettre sur le devant de la scène leurs ‘vassaux africains. Ils les ont aidés à étoffer des ‘idéologies religieuses et politiques pour mieux les instrumentaliser.
Souvent, dans lhistoire, ils se sont servis ou de la religion ou des minorités pour réaliser leurs objectifs.
Dans cette partie de lAfrique, ils aident certains ‘tutsi à comprendre quils sont ‘une race exceptionnelle, quils sont ‘les descendants du roi Salomon et quils ont une mission : « Soumettre les bantous majoritaires pour mieux construire leur ‘Tutsi power. » Cette instrumentalisation de ‘lethnie tutsi saccompagne de lexpansion des ‘églises de réveil à même de trouver des fondements bibliques à cette supercherie.
Créer des croyances religieuses fondamentalistes ancrées est une arme extraordinaire dans les guerres que les anglo-saxons mènent par proxys interposés.
Où se trouve la supercherie ?
Elle est dans la manipulation des minorités fragiles (soutenues en sous main) pour soumettre les majorités. Elle est dans la politique du diviser pour régner.
Cela dautant plus que les efforts déployés pour manipuler les minorités afin quelles soumettent les majorités finissent par produire de la haine et créer des murs infranchissables.
La sous-région des Grands Lacs est en là. Un groupe de Tutsi convaincu de ‘sa mission divine et de ‘sa supériorité raciale est prête à tout pour soumettre lOuganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, le Kenya et le Congo-Kinshasa.
Cette guerre raciale et religieuse instrumentalisée par les anglo-saxons se sert des élections, de la démocratie et du respect des droits de lhomme comme appâts. Les politicards divertis par ces ‘pièges-à-cons nont le temps ni de réfléchir aux véritables enjeux, ni celui des créer des grands mouvements transfrontaliers pour combattre la supercherie susmentionnée.
Nous ne le dirons jamais assez. Tant que les Africains du centre, du Sud, de lEst et de lOuest nauront pas compris que ‘lAfrique doit sunir (Nkrumah), tant quils ne sengageront pas dans des processus dintégration sécuritaire, politique, économique, culturel et environnemental, ils seront les jouets des ‘malins anglo-saxons et des autres.
Ne nous leurrons pas. La montée de la Chine et de la Russie sur léchiquier mondiale va corser la guerre à mort entre les grands blocs en dépit des apparences. Ils vont sopposer pour le partage du monde. (Pendant que les politicards congolais parlent des élections, de la démocratie et des droits de lhomme. Pitoyables !)
Les grands blocs vont sopposer pour le contrôle des terres, des mers, des océans et des terres. Depuis la nuit des temps, ‘la stratégie du chaos est liée à cette guerre géopolitique. (A ce point nommé, il serait souhaitable de lire M. COLLON et G. LALIEU, La stratégie du chaos. Impérialisme et islam. Entretiens avec Mohamed Hassan, InvestigAction, Bruxelles, 2011)
Les élections, la démocratie et les droits de lhomme sont, dans cette guerre géopolitique et géostratégique, considérés comme des ‘objectifs illusoires. La Chine et la Russie lont plus que compris. Elles ont travaillé à la conquête de leur souveraineté économique, politique, culturelle, sécuritaire et sociale sans trop se préoccuper des critiques hypocrites des ‘petites mains des ‘usurpateurs occidentaux.
Elles ont compris que le mot ‘démocratie a été tellement édulcoré quil a fini par signifier ‘soumission aux diktats du 1% des oligarques occidentaux.
Plusieurs politicards congolais ne semblent pas encore avoir déchiffré la véritable signification de ‘la démocratie du marché imposée par les urnes et financée par ‘la communauté internationale. Ils préfèrent, consciemment ou inconsciemment, jouer le rôle des ‘élites compradores au nom de ‘la démocratie trafiquée par ceux-là même qui ont réussi à neutraliser le suffrage universel dans plusieurs pays du Nord. La Grèce est un cas récent.
Qu'en est il de la RDC ?
Disons quau Congo-Kinshasa, le mythe de la démocratie et des élections ‘apaisées, libres et transparentes devient de plus en plus un problème de propagande, de croyance non soumise à la critique et du fanatisme. Il faut à tout prix faire comme les autres en oubliant les acteurs pléniers de la guerre raciste faite depuis les années 90 ou en les reconvertissant, pour des motifs de larbinisme, en ‘pompiers.
A quoi pourrait conduire cette foi aveugle et aveuglante en la démocratie ?
A une mascarade électorale au cours de laquelle ‘un dauphin du raïs ou ‘le raïs lui-même pourrait être élu et applaudi après quil aura promis, cette fois-ci, pour les cinq ans à venir, ‘une croissance inclusive après les plus de 80% de pauvres produits par ‘la croissance non-inclusive depuis plus de quinze ans.
Pourquoi est-ce que nous pensons à cette hypothèse ? Parce que ‘le raïs, selon ses ‘parrains, a très bien travaillé. Avec lappui des IFI, il a mis en œuvre un régime répressif. Celui-ci a permis aux transnationales exportatrices des matières premières de faire des profits mirobolants sans réinvestissement au Congo-Kinshasa. Il a permis un climat favorable à linvestissement privé et au rapatriement des profits. Ceci a permis un enrichissement de ces transnationales et un appauvrissement du Congo-Kinshasa. Et avec plus de 80% dappauvris, ‘le raïs a créé ‘une armée des Kulunas prête à faire la peau à tous les Congolais qui penseraient que ‘son ami na pas fait du bon travail. (Souvenons-nous que le 15 septembre 2015, certains Kulunas ont été achetés à 65 dollars pour sen prendre à leurs compatriotes en meeting à Ndjili.)
Créer ‘une armée de réserve de Kulunas présente un double avantage. Il permet de justifier la répression quand les promesses faites aux élections-pièges-à-cons ne sont pas tenues. Il permet aussi de monter cette ‘armée de réserve contre ceux qui, faisant allusion aux promesses non tenues, remettent en question ‘le pouvoir-os en place. Or, il est plus ou moins sûr que ‘lalternative politique naura pas lieu en 2016 au Congo-Kinshasa. Cela pour des raisons simples : ce pays est sous la tutelle de lONU ; ses ONG, son armée et sa police ainsi que plusieurs de ses institutions sont infiltrées par les proxys des anglo-saxons.
Doù viendra le salut ?
Du dépassement des ‘egos surdimentionnés, de la mobilisation des jeunes, des mamans et des masses paysannes autour de la protection de nos terres, de nos eaux, de nos forêts au nom de la souveraineté populaire. Le reste, cest du blabla.
Les enjeux politiques, géopolitiques et géostratégiques du Congo-Kinshasa sont là : la protection des terres et des eaux ; la protection des vies, des savanes et des forêts.
Qui aborde ces thèmes au jour daujourdhui en en indiquant le lien avec la guerre raciste de prédation livrée au Congo-Kinshasa depuis les années 90 ? Qui dit aux Congolais(es) clairement que si nous ne nous mettons pas ensemble pour protéger nos vies, nos savanes, nos forêts et nos eaux, nous risquons dêtre des ‘sans terre, sans patrie demain ? Qui le dit ?
Pourtant, nous nous rendons compte que notre mort en tant que peuple est bien programmé. Et les tueurs à gages économiques soufflent le chaud et le froid. Le FMI dit que la pauvreté a dépassé plus de 80% au Congo-Kinshasa et la Banque mondiale débourse de largent pour construire un marché à Kalemie. Cest-à-dire dans un pays où la croissance économique est chiffrée à plus de 7%. Naïvement, nous applaudissons le FMI en oubliant ce quil vient de faire à la Grèce, en oubliant les programmes dajustement structurels imposés au Congo/Zaïre depuis les années 1980 et lInitiative des pays pauvres très endettés imposée à ‘la kabilie depuis les années 2000. Le voleur-tueur crie au voleur et nous regardons ‘le doigt au lieu de voir la lune. Terrible !
Il nous semble important de revisiter régulièrement notre histoire immédiate telle que nous sommes en train de la réécrire pour mieux baliser le chemin de notre devenir collectif. Lamnésie nous gagne rapidement. Les bourreaux de notre peuple, de notre économie, les conquérants de nos terres, de nos forêts, de nos eaux et de nos savanes nous dribblent facilement sur le terrain de la démocratie, des élections et des droits de lhomme dans lesquels ils ne croient pas. Par larbinisme, nous en faisons bêtement et rapidement ‘nos pompiers.
Il y a là ou un esclavage volontaire, une cécité voulue, une cupidité entretenue pour la mangeoire quel que soit le moyen dy accéder, une ignorance crasse de la géopolitique et de la géostratégie mondiale, une politique de lautruche ou tout cela à la fois.
Les élites organiques et structurantes devraient, à travers leurs débats et leurs écrits, à travers leurs mobilisations de la jeunesse et des masses paysannes, aborder ces enjeux essentiels pour le bien de notre devenir collectif.
Répéter ces choses, revenir sur les mêmes sujets, cela est important pour des pans entiers de nos populations ‘envoûtés par la musique, les églises de réveil et une certaine école-université.
Pour le moment par exemple, nous estimons que la question essentielle pour le pays est (entre autres) celle de mettre hors détat dagir les alliés des proxys travaillant avec ‘le Tutsi power ; avec beaucoup dintelligence et de sagesse. Et en évitant de donner aux usagers des conflits loccasion dexacerber le chaos au cœur de lAfrique.
Et nous ny arriverons pas avec plus de 400 partis politiques et plus de 600 ONG. Jamais. A moins dun miracle de la part des élites structurantes et agissantes, ces partis et ONG sont le symbole de la division ayant gagné nos cœurs et nos esprits. Or, ‘une maison divisée contre elle-même est vouée à sa perte. Si nous nous perdons davantage, la faute ne sera pas à mettre sur le dos des autres. Cest nous qui naurons pas compris quà un certain moment, pour une cause qui nous dépasse, nous devons mourir à nos egos pour la défense de cette cause. Nous devrions être capables de reconnaître notre responsabilité collective dans notre possible descente collective en enfer. Si nous ne résolvons pas intelligemment et sagement, le plus tôt, la question de la direction patriotique du pays par une mobilisation citoyenne conséquente, nous aurons encore, pour longtemps, nos yeux pour pleurer.