26 10 15 – Le Dialogue est une diversion et une distraction! Par M. Martin M. FAYULU Président de l’ECiDé et Coordonnateur des FAC

Nous soutenions qu’en décidant d’ignorer la contre-proposition de calendrier faite par la Dynamique de l’opposition congolaise dans sa déclaration du 27 février 2015, il apparaissait clairement que la finalité de la démarche de la CENI était de bloquer la machine pour obtenir un glissement au-delà de décembre 2016 en faveur de Monsieur Kabila, via le dialogue.
 
Dans le même article, nous fustigions la défiance inutile de la CENI à travers la déclaration irresponsable de Monsieur Malumalu du 16 avril 2015 qui, revenu précipitamment au pays après trois mois d’absence, avait  déclaré :  "Ce n’est plus le moment de penser que la CENI va encore changer son calendrier. Nous allons tenir le calendrier. Il ne faut pas croire qu’il y aura une élection sacrifiée. Il n’y en aura pas. Nous allons organiser toutes les élections. S’il y a encore des personnes qui ne savent pas que le train des élections est en marche, et bien des signes avant-coureurs sont là. Nous avons tenu le pari qu’il n’y aura pas de changement de dates pour les candidatures ». 

Monsieur Malumalu a aujourd’hui démissionné  pour des raisons de santé, sans avoir organisé ses élections provinciales qui devraient avoir lieu hier 25 octobre 2015, conformément au calendrier global de la CENI du 12 février 2015. Dommage ! Il aurait dû déposer sa démission après la campagne de ‘’Sauvons la RDC‘’ ‘’Malumalu Dégage’’ qui avait réuni plus de 60.000 signatures. Aujourd’hui, après avoir menti au peuple congolais,  il laisse délibérément tout le processus dans l’impasse, avec toutes les conséquences que l‘on peut imaginer!
         
S’agissant du dialogue, nous avions décelé la supercherie au travers de la déclaration faite par le rapporteur de la CENI, Monsieur Jean-Pierre Kalamba, lors de sa conférence de presse du mardi 02 juin 2015, lorsqu’il avait notamment affirmé que ‘’la CENI ne pourrait revoir son calendrier que si les acteurs politiques de toutes les tendances se mettaient d’accord sur un document juridiquement valable et opposable à tous. Elle verra dans ce cas-là comment concilier son calendrier et celui que pourraient proposer les acteurs politiques’’ ! Il pensait certainement au dialogue que Monsieur Kabila avait en tête, ce qui traduit la complicité entre la CENI et le régime. Cela rappelle étrangement, la proposition de Monsieur Malumalu d’organiser les élections provinciales au suffrage indirect comme  Monsieur Kabila, avant lui, l’avait suggéré dans son allocution lors de la clôture des concertations nationales de triste mémoire.
Et voilà, Monsieur Kabila a sciemment bloqué la CENI pour obtenir son dialogue qui, en fait, n’est qu’une énième initiative sur la longue série des manœuvres dilatoires initiées par lui et qui violent la Constitution dans le sombre dessein d’éviter la tenue des élections nationales prévues en novembre 2016.
         
Parmi ces initiatives à la fois subtiles et frontales, il faut rappeler : 
* la publication du livre contesté de Monsieur Evariste Boshab, ‘’Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la Nation’’,
* la mise en place de l’Office National d’Identification de la Population de triste mémoire,
* la révision de la loi électorale en janvier 2015,
* la publication d’un calendrier électoral indigeste et intentionnellement surchargé,
* le dépôt au Bureau de l’Assemblée nationale du projet de loi portant révision constitutionnelle, puis retiré en catimini,
* la mise en place irréfléchie et précipitée des nouvelles provinces,
* l’instrumentalisation de la Cour Constitutionnelle,
* la proposition de nommer les Commissaires spéciaux en lieu et place des gouverneurs élus en violation de la Constitution,
* la proposition de loi portant organisation du référendum par deux députés de la mouvance Kabiliste,
* la création des zones de défenses gérées par des militaires sous son contrôle,
* le refus d’organiser un dialogue au sein de sa famille politique,
* la confiscation des médias publics,
* l’instrumentalisation de la CENI pour ne pas organiser l’enrôlement des électeurs et d’amender le calendrier électoral ,
* le harcèlement et les arrestations  des opposants,
* les violations répétées des droits fondamentaux et des libertés publiques,
* la répression du meeting de l’opposition du 15 septembre dernier ainsi que d’autres manifestations de l’opposition, etc….
         
Nous affirmons ici que le dialogue initié par Monsieur Kabila ne vise qu’une chose : neutraliser la Constitution de la République et ainsi réaliser un coup d’Etat constitutionnel.
Nous affirmons aussi que le dialogue prôné par Monsieur Kabila n’est pas le même que celui réclamé par l’UDPS.
De part et d’autre, la subtilité réside dans la présentation officielle de la question.
         
En effet, dans le communiqué de l’UDPS du 19 octobre courant, on peut lire ce qui suit :
‘’L’UDPS rappelle à l’opinion que les objectifs recherchés au travers du dialogue demeurent :
1. L’élaboration d’un calendrier électoral réaliste et consensuel, qui tient compte des délais constitutionnels ;
2. L’organisation d’un processus électoral crédible et dans un climat apaisé ;
3. Le transfert pacifique du pouvoir, dans le respect de l’expression de notre peuple’’.
         
A première vue, ces objectifs sont nobles mais, en réalité, l’UDPS ne s’est pas départie de sa feuille de route du 14 février 2015, dans laquelle elle pose dans ses termes de référence la problématique de crise de légitimité ainsi que celle de la réforme de la CENI. Sauf que la formulation a cette fois-ci changé !
         
En fait, pour l’UDPS, le ‘’transfert pacifique du pouvoir, dans le respect de l’expression de notre peuple’’ n’est rien d’autre que sa conception de la résolution de la crise de légitimité née du hold-up électoral de novembre 2011. Il s’agira pour Monsieur Kabila de céder pacifiquement le pouvoir usurpé à son détenteur légitime et élu, le président Etienne Tshisekedi. Ce qui, assurément, n’est pas l’entendement de Monsieur Kabila.
S’agissant de la CENI, l’UDPS veut obtenir sa réforme lors du dialogue, c’est-à-dire en dehors du cadre institutionnel, donc en ignorant complètement la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI. Il ne pouvait en être autrement pour l’UDPS, car elle ne reconnaît aucune institution de la République.

Pour l’UDPS :
1. Monsieur Kabila a réalisé un hold-up électoral en novembre 2011, ce que nous soutenons du reste ;
2. Le 20 janvier 2012, le Président Tshisekedi avait dissout l’Assemblée nationale actuelle.
         
La question que l’on peut se poser est celle-ci : Comment l’UDPS, qui ne reconnaît aucune institution de la République, concilie-t-elle le point 1 de son communiqué 19 octobre dernier en rapport avec ‘’l’élaboration d’un calendrier électoral qui tient compte des délais constitutionnels avec le point 3 du même communiqué sur le ‘’transfert pacifique du pouvoir, dans le respect de l’expression de notre peuple’’ ? S’agirait-il d’un engagement de l’UDPS à organiser les élections dans les délais constitutionnels après que Monsieur Kabila lui aurait pacifiquement transféré le pouvoir ?
Ou, en lui accordant le bénéfice du doute, l’UDPS serait-elle en train de nous dire qu’elle a finalement vidé la question de crise de légitimité et qu’elle voudrait que les prochaines élections de 2016 se tiennent dans les délais constitutionnels ? Cela mérite une clarification, car en réalité il y a un flou!
         
Objectivement, on peut aussi observer que vouloir obtenir la réforme de la CENI en dehors du cadre institutionnel, dans un cadre informel non prévu par la Constitution, le dialogue, c’est aussi bousculer l’ordre constitutionnel.

Par contre, pour Monsieur Kabila, le dialogue doit porter sur :
1. Le calendrier électoral global des élections
2. Le budget des élections
3. L’enrôlement des ‘’anciens mineurs’’
4. La sécurisation des élections
         
Rien que sur les termes de références, on peut aisément se rendre compte que Monsieur Kabila et l’UDPS n’émettent pas sur la même longueur d’ondes.
Il est sincèrement malheureux de voir Monsieur Kabila se démener comme un diable dans un bénitier pour créer inutilement une diversion alors que les choses seraient plus simples pour lui s’il respectait les dispositions de l’alinéa premier de l’article 70, l’article 73 ainsi que l’article 220 de la Constitution.

Au demeurant, il est facile de repérer que Monsieur Kabila lui-même ne veut pas d’un dialogue. Ne trouve-t-on pas que s’il voulait réellement de l’apaisement au travers d’un dialogue sincère, sa mouvance ne se serait pas précipitée dans la désignation de manière cavalière de Monsieur Corneille Nangaa, après la démission de Monsieur MaluMalu ? N’est-ce pas que Monsieur Kabila aurait pu saisir cette opportunité pour libérer la CENI en laissant notamment les catholiques désigner son président ?
         
Non, trêve de plaisanterie ! Le dialogue de Sun-City, le dernier parmi tant d’autres, au-delà de ses faiblesses,  a au moins le mérite d’avoir non seulement identifié les causes profondes des différentes crises que notre pays a connues, mais aussi proposé la solution qui est reprise dans la Constitution actuelle adoptée par notre peuple lors du référendum de 2005 : La démocratie. Et les préoccupations qui ont présidé à l’organisation des institutions actuelles sont également connues. Il s’agit notamment d’éviter les conflits, d’instaurer un Etat de droit, de contrer toute tentative de dérive dictatoriale, de garantir  la bonne gouvernance et d’assurer l’alternance démocratique.
         
Un dialogue de plus, dans le sens de reprendre à zéro et de toujours recommencer nous paraît irresponsable. Il est plus que temps aujourd’hui pour nous de consolider notre jeune démocratie par le respect par tous de la Constitution de la République, afin de nous consacrer désormais à la tâche la plus noble qui vaille la peine en politique, à savoir le développement de notre pays et le bien-être du peuple congolais.
         
Voilà pourquoi, après avoir rencontré le Président Etienne Tshisekedi récemment à Bruxelles, nous exprimons notre réserve que ce dernier ait donné un quelconque quitus à tous ceux qui, à l’UDPS, agitent l’éventail du dialogue.
         
Nous demeurons convaincus qu’il y a des gens dans l’entourage du Président Tshisekedi qui veulent profiter de sa convalescence pour négocier, derrière son dos, le partage du pouvoir avec Monsieur Kabila, en embouchant la trompette du dialogue, afin de permettre à Monsieur Kabila de réaliser un glissement de mandat.
         
Et même, dans l’absurde hypothèse de la convocation de ce dialogue, qui va-t-on inviter et pour le compte de quel ‘’camp’’ ?
Dans quel ‘’camp’’ mettrait-on les ‘’Partisans des Négociations Républicaines’’ de Monsieur Kengo, Monsieur Thomas Luhaka qui est aujourd’hui Vice-Premier Ministre ainsi que d’autres acteurs politiques qui, hier, étaient dans l’opposition et qui chancèlent aujourd’hui ?
Par ailleurs,  supposons, qu’il faille assurer ‘’l’inclusivité’’ de ce dialogue en l’élargissant jusqu’à la société civile dans sa pluralité, comment s’y prendrait-on?
Quelle est finalement cette crise majeure que l’on vit dans notre pays et qui nécessite que toutes les forces vives de la Nation se mettent une fois de plus autour d’une table pour reconsidérer l’ordre constitutionnel ?
         
Pourtant, au lendemain des élections chaotiques du 28 novembre 2011, nous avions exigé un dialogue mais la mouvance Kabiliste nous avait rétorqué que les institutions de la République fonctionnaient normalement et qu’il n’y avait pas une crise qui pouvait justifier un dialogue.
L’opinion nationale et internationale se rappellera aussi de la réunion organisée par le National Democratic Institute, NDI, en mars 2012 entre l’opposition et la mouvance Kabiliste au Grand Hôtel Kinshasa afin de jeter les bases d’un dialogue devant résoudre les problèmes nés de ces élections. L’on se souviendra aussi de l’attitude négative de Monsieur Kabila après les tables rondes organisées par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies, Monsieur Martin Köbler, entre la mouvance Kabiliste et l’Opposition, tables rondes auxquelles Monsieur Malumalu avait également pris part. C’est Monsieur Kabila qui avait arrêté cet élan au motif qu’il n’y avait pas crise en RDC qui pouvait justifier un dialogue.
         
Aujourd’hui, pour nous, la Constitution de la République doit être respectée. Le dialogue de Monsieur Kabila est inopportun et toutes les questions en rapport avec les élections doivent être discutées au niveau de la CENI recomposée et dans le cadre de la tripartite CENI-POUVOIR-OPPOSITION où nous allons aborder la problématique de la neutralité de la CENI, de l’élaboration d’un calendrier électoral consensuel, de l’enrôlement de tous les électeurs ainsi que de l’organisation des élections présidentielle et législatives dans les délais constitutionnels.
         
S’agissant de la recomposition de la CENI, il sied simplement de laisser à l’église catholique le soin de désigner le Président de la CENI ; aux partis et organisations qui ont des membres au Bureau et à la plénière de la CENI la possibilité de les changer et à la Communauté internationale de pouvoir aider la CENI en apportant une expertise africaine et internationale afin de crédibiliser le processus. Dans ce cadre, Messieurs ATTAHURI JEGA du Nigeria (INEC) et le Général SIAKA SANGARE sont des références que l’on peut approcher.
Autrement, tout n’est que diversion et distraction qui, à termes, risquent de rattraper leurs initiateurs. Car, le peuple congolais est vigilant et  n’a pas encore dit son dernier mot !
         
En attendant, nous continuerons à mobiliser la population pour qu’il n’y ait pas de coup d’Etat constitutionnel dans notre pays et que le 20 décembre 2016, à l’issue des élections nationales du 27 novembre 2016, le Président élu puisse prêter serment devant Dieu et devant la Nation. Ainsi la démocratie vaincra.

Que Dieu bénisse la RDC et son peuple.

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