26 01 16 Dialogue en RDC: Et si on passait à côté de lessentiel ?
Faut-il y participer ou pas ? De quoi va-t-on discuter ? Quels seront
son format et sa durée ? Qui est habilité à le convoquer ? Quelle base
juridique pour les décisions qui vont en sortir ? Quels sont les
objectifs inavoués ? Doit-il déboucher ou non sur une nouvelle
transition ? Bref, plusieurs questions qui divisent aujourdhui la
classe politique entre pro et anti-Dialogue.
Points de convergence et de divergence
Lensemble de parties prenantes est daccord sur linapplicabilité du
calendrier électoral global de la CENI et la nécessité dobtenir un
large consensus pour un nouveau calendrier. Lenrôlement dans le fichier
électoral des « nouveaux majeurs » semble également faire
lunanimité. Selon les déclarations des uns et des autres, il faut à
tout prix éviter en 2016 les violences électorales de 2006 et 2011.
Les grandes divergences tournent surtout autour du nombre délections
à organiser ainsi que leur financement, la composition de la CENI, la
nécessité davoir ou non une médiation internationale, et lopportunité
même dorganiser un Dialogue alors que des échanges peuvent se tenir au
sein des institutions. Quant à lenrôlement des Congolais de létranger,
les positions sont fluctuantes.
A quelques mois de la deadline…
Le processus électoral est bloqué. LOpposition, qui ne jure que par
lalternance démocratique, accuse la Majorité de faire trainer les
choses. Elle craint que la Majorité ne se serve du Dialogue et autres
subterfuges pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2016, alors que la
Majorité invite les autres parties prenantes à ne pas avoir de « fixisme »
sur les dates, mais à discuter d un compromis sur le processus
électoral. Le déficit de confiance entre les acteurs est criant et les
manifestations prévues dans les prochaines semaines par chaque camp
politique crispent davantage la situation.
Selon la Constitution, la passation de pouvoir entre Joseph Kabila et
son successeur doit se tenir le 19 décembre 2016. À onze mois de
léchéance et en considérant les différents préalables, je ne vois
objectivement pas comment les délais peuvent encore être respectés.
Toutes les parties prenantes portent une part de responsabilité et
chaque jour qui passe consacre un peu plus le « glissement » tant décrié.
Cest probablement parce quils en sont conscients que les leaders
de lOpposition semble de plus en plus caresser lidée dun soulèvement
populaire qui emporterait le régime Kabila. La Majorité affirme pour sa
part quelle maintiendra lordre public à tout prix. Le décor pour un
affrontement est planté, même si lEglise catholique et les partenaires
tentent depuis quelques semaines de jouer lapaisement en invitant
toutes les parties à dialoguer.
Je suis convaincu que les affrontements de rue ne peuvent pas
conduire à une solution durable. Ils peuvent tout au plus permettre à
certains acteurs darriver renforcés à la table des négociations. Ma
conviction est quun Dialogue, peu importe le nom et le format quil
prendra, aura lieu tôt ou tard.
Et si le Dialogue passait à côté de lessentiel?
Si le Dialogue absorbe toutes les énergies depuis plus dune année,
cest parce quil est le seul moyen pacifique de relever le défi qui se
pose aujourdhui à la RDC. Plus que lorganisation délections crédibles
et transparentes dans un climat apaisé, lenjeu est de réussir le
premier transfert pacifique du pouvoir de lhistoire du pays. En
dautres termes, organiser le départ en douceur de Joseph Kabila de la
présidence de la république.
Ne traiter que des questions électorales lors du Dialogue
équivaudrait à considérer que Joseph Kabila tire son pouvoir des urnes,
et ce serait une erreur. Comme je lai soutenu dans mon dernier article,
Joseph Kabila, à linstar de plusieurs de ses homologues de la région,
tire son pouvoir de la force des armes. Dailleurs, son opposition
laccuse souvent de gouverner par la violence et par défi. Un Dialogue
qui vise à organiser son départ pacifique du pouvoir, doit donc
également traiter et aboutir à un compromis sur les questions militaires
et des forces de sécurité.
Il ne peut yavoir dalternance pacifique sans dispositions
transitoires sur lappareil sécuritaire. Cest un élément essentiel que
les parties prenantes, qui se retrouveront tôt ou tard autour dune
table, devrait rajouter à leur cahier des charges.