27 04 16 – Reynders mettra-t-il Kabila en garde contre le risque d’un printemps congolais? Par Nadia Nsayi, chargée de mission Afrique centrale pour Broederlijk Delen et Pax Christi Flandre.

Le 27 novembre prochain, des élections sont censées se tenir au Congo. Ce scrutin mérite une attention particulière puisque la constitution interdit au président Joseph Kabila de se représenter.
Une passation démocratique des pouvoirs entre le président actuel et son successeur serait un événement historique : jamais encore une telle transition démocratique entre présidents n’a eu lieu au Congo. Aujourd’hui, hélas, ce scénario paraît trop beau pour être vrai.
Quelles sont les intentions de Kabila ? Le président n’a pas encore fait part de ses ambitions à la nation, mais certains signaux indiquent qu’il entend rester en place. Une révision de la constitution, comme au Rwanda voisin, n’est pas (encore) à l’ordre du jour. Pour garder le pouvoir, la majorité politique préfère poursuivre actuellement une autre stratégie : le report des élections. La commission électorale évoque des problèmes techniques et financiers. Le plus grand obstacle est toutefois le refus du gouvernement congolais d’organiser le scrutin.
Dans ce climat d’incertitude quant au processus électoral et à l’avenir du président, la tension monte sur la scène politique congolaise. 
Depuis l’an dernier, Kabila en appelle au dialogue entre la majorité, l’opposition et la société civile afin de débattre des élections. Son appel est appuyé par les partenaires internationaux du pays, y compris la Belgique.
Pour assurer le bon déroulement de ce dialogue, l’Union africaine a désigné un modérateur. Or, celui-ci n’a guère enregistré de résultats jusqu’à présent parce qu’à l’exception du leader historique de l’opposition Étienne Tshisekedi, la plupart des opposants importants ont refusé net de participer au dialogue. Ils y voient un piège visant à obtenir une nouvelle transition avec un partage politique des pouvoirs. Cela signifierait que les élections seront repoussées aux calendes grecques et que le président Kabila pourra de facto rester en place.
Front contre Kabila
De quel soutien le président bénéficie-t-il ? 
Joseph Kabila aura quarante-cinq ans en juin prochain. Il est l’un des plus jeunes chefs d’État africains. Il est arrivé à la tête du pays après l’assassinat de son père, voici quinze ans. Il est resté en place après les élections de 2006 mais a perdu une grande partie de sa légitimité après des élections contestées de 2011. De plus, des membres populaires de son parti ont changé de camp et rejoint l’opposition politique. C’est le cas de Vital Kamerhe, ancien président de la Chambre, ainsi que de l’ancien gouverneur Moïse Katumbi.
Depuis la fin 2015, le président Kabila a un nouveau rival. Des opposants importants, des organisations issues de la société civile et des mouvements de jeunesse ont fondé la plate-forme “Front Citoyen”, qui exige la passation de pouvoir entre Kabila et son successeur. Au cas où les élections seraient annulées, le Front Citoyen exige que le président quitte le pouvoir fin décembre 2016, au terme de son mandat. La majorité politique veut toutefois qu’il reste en place jusqu’à ce que son successeur soit élu. Et le peuple dans tout cela ?
Le peuple se révolte
Alors que le régime s’inspire du Burundi voisin, où le président a été maintenu au pouvoir par la violence, certains opposants prônent un “printemps congolais” ou un soulèvement populaire comme au Burkina Faso. On a longtemps cru les manifestations de rue impossibles au Congo. Jusqu’à janvier dernier, lorsque des jeunes ont manifesté dans la capitale Kinshasa contre une proposition de loi visant à conditionner l’organisation des élections à un recensement de la population.
Ce mouvement populaire était une mise en garde. Les citoyens sont descendus dans la rue pour protester contre une prolongation du mandat de Kabila et ont forcé le Parlement à adapter la proposition de loi. Plus de 40 personnes ont été tuées et plusieurs centaines arrêtées ou portées disparues. Depuis, le régime a intensifié la répression et renforcé son dispositif de sécurité pour étouffer la moindre velléité de protestation.
Mais pourra-t-il tenir ? Le Front Citoyen appelle à des manifestations pacifiques. Le terreau de la protestation est présent : il est fait de pauvreté, d’inégalité, de répression, de violence, d’impasse politique, de report électoral. On ne peut donc pas exclure que les citoyens redescendent dans la rue.
Le rôle de l’Angola
Si le président Joseph Kabila s’accroche au pouvoir, on risque d’assister à une confrontation violente entre le régime et ses opposants. Et une fois de plus, c’est la population congolaise qui trinquera. C’est pourquoi la Belgique doit soutenir, aux côtés d’autres partenaires internationaux et de manière inconditionnelle, l’organisation des élections, conformément à la constitution. Une prise de position claire et cohérente contre la prolongation de la présidence de Kabila est dès lors indispensable.
L’avenir du président congolais repose aussi entre les mains de certains pays voisins, parmi lesquels l’Angola. Le ministre Reynders aura l’occasion, à Luanda, d’encourager les autorités angolaises à soutenir la passation des pouvoirs au Congo. L’Angola peut influencer la situation à Kinshasa puisque grâce à sa force économique et militaire, ce pays est devenu un acteur diplomatique sur la scène africaine. De plus, il siège au Conseil de sécurité des Nations unies jusqu’au 31 décembre 2016.
Mais son président, José Eduardo Dos Santos, lui-même au pouvoir depuis 1979, est-il disposé à laisser tomber Kabila ? Oui, mais sans doute à condition que son confrère congolais représente une menace pour la stabilité et les intérêts de l’Angola. À Kinshasa et à Luanda, Didier Reynders pourra en tout cas souligner le risque réel d’un soulèvement populaire au Congo et les conséquences néfastes qu’un tel soulèvement peut avoir pour l’Angola et d’autres pays dans la région.

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