10 05 16 Le Palmarès – Tshisekedi accepte enfin le principe d’une transition !

Terriblement
hostile à l’évocation du simple principe de transition après le 19
décembre 2016, l’Udps commence à revenir à la juste mesure. C’est dire
combien les évidences sont têtues. Félix Tshisekedi dit s’en remettre
aujourd’hui au rapport d’experts onusiens ainsi que ceux de l’OIF pour
déterminer si les élections peuvent encore se tenir dans les délais. Et
connaissant d’avance la réponse des experts sur la question, le
Secrétaire national de l’UDPS chargé des Relations extérieures avoue :
s’il était techniquement impossible d’organiser l’élection
présidentielle et les législatives dans les délais constitutionnels, il
faudra déterminer les responsabilités. Une transition doit être mise en
place après le 19 décembre prochain.

On vous croyait à
Kinshasa dans le cadre de la mise en place du comité préparatoire du
Dialogue politique “. Que faites-vous à Bruxelles?

Je suis venu
assister mon épouse qui a quelques ennuis de santé. J’ai profité de
l’occasion pour faire un rapport intermédiaire au Président de notre
parti par rapport à toutes les activités politiques et diplomatiques
auxquelles j’ai eu à prendre part au Congo.

 

Devrait-on dire que le “Dialogue” est dans l’impasse?

Pas
du tout ! Je dirai plutôt qu’il se recherche. Dès le départ, nous avons
déploré le fait que la désignation de M. Edem Kodjo comportait beaucoup
d’imperfections. Comme nous avons à faire avec un pouvoir qui se
caractérise par la mauvaise foi, il était judicieux de s’entourer d’un
maximum de garanties pour ne pas avoir un Dialogue “ à la sauce Kabila
“.

 

Quelles sont ces imperfections?

Il y a d’abord le
contexte dans lequel nous allons travailler. Nous avons été étonnés de
voir la Présidente de la commission de l’Union africaine désigner un
Facilitateur sans se référer à la Résolution 2277 du Conseil de sécurité
alors que l’UA est une émanation des Nations Unies. Il y a ensuite la
composition de ce qu’on a appelé l’Opposition”. L’opposition,
parlons-en. Depuis le début des années 90, il y a toujours eu une
opposition « fabriquée “ par le pouvoir. Nous sommes étonnés de voir le
pouvoir se mêler, à travers le Facilitateur, de la composition de
l’opposition. Dès qu’on a commencé à parler de Dialogue, des”
plateformes” ont commencé à naitre. Cette opposition est composée des
gens proches du pouvoir. Nous nous sommes dit que nous ne pouvons pas
composer avec ce genre de personnages. Ils vont contribuer à jeter le
discrédit sur l’opposition.

Steve Mbikayi, président du parti travailliste, a dénoncé l’hégémonie “de l’UDPS…

 

  1. Mbikayi
    devrait être reconnaissant. Il sait grâce au nom de qui il a été élu
    député national en 2011. Je le mets au défi de ne pas utiliser le nom
    d’Etienne Tshisekedi en 2016 pour voir s’il pourra rééditer le même
    exploit. Je n’ai pas envie de polémiquer avec lui. Je ne m’occupe pas de
    pseudo-opposants. Je préfère m’occuper de ceux qui les « fabriquent ».

 

Le
23 avril dernier, le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, a déclaré
que « même si les élections n’avaient pas lieu dans les délais
constitutionnels, le ciel ne nous tombera pas sur la tête “. Quelle est
votre réaction ?

C’est vrai que le ciel ne nous tombera jamais sur
la tête mais le peuple pourrait lui tomber sur la tête. Il ne doit pas
se moquer de tout le monde et tout le temps. Dans l’histoire récente de
notre pays, on a vu des gens afficher une telle arrogance avant de se
mordre les doigts. Il y a une Constitution qui existe. Elle doit être
respectée par tout le monde.

A Mbuji Mayi, le gouverneur Ngoy
Kasanji a enchainé, le lendemain, que “Joseph Kabila doit rester à son
poste jusqu’à l’organisation de l’élection présidentielle…

Je
crois qu’il ne comprend rien à rien. A l’en croire, Joseph Kabila
devrait rester à son poste même si l’élection présidentielle se tenait
dans dix ans. Ce gouverneur est totalement dans l’utopie.

 

Dans
le même registre, le ministre des Relations avec le Parlement avait
déclaré en aoûte 2015 que “rien ne sera fait sans Kabila ni contre lui
“. Qu’en dites-vous ?

 

  1. Kin-Kiey Mulumba nous a habitués à ce genre de « retournement de veste ».

Aujourd’hui, il est avec Kabila.

Personne
n’oublie que dans un passé récent, il était contre le même Kabila.
Avant cela, il était avec Mobutu. Demain, nul ne sait où il sera. C’est
le genre d’hommes politiques qu’il faudra bannir dans le Congo de demain
que nous voulons prospère et démocratique.

 

Des
observateurs croient de moins en moins en la possibilité de tenir
l’élection présidentielle et les législatives dans les délais légaux.
Dans une intervention à Radio okapi le 28 avril, vous avez déclaré
notamment qu’il faudra « qu’une expertise vienne établir la possibilité
d’organiser ou pas les élections dans le délai constitutionnel “.
Pouvez-vous expliciter votre pensée?

 

Vous savez autant que
moi qu’un Dialogue va avoir lieu. Au’ même moment, il y a déjà des
experts des Nations unies qui travaillent au Congo en collaboration avec
la Commission électorale nationale indépendante. Il y a également des
experts de l’Organisation de la francophonie qui se penchent sur la même
situation. Nous attendons les résultats de leur travail pour savoir
dans quelle mesure il y a lieu d’organiser les élections. Nous pensons
qu’il s’agit d’une expertise fiable. Les experts dé l’opposition et ceux
du pouvoir vont vérifier ces conclusions. S’il s’avérait que
l’organisation des élections est impossible dans les délais
constitutionnels, il faudra qu’on détermine les responsabilités.

 

C’est-à-dire?

Il
faut que ceux qui ont gouverné ce pays depuis cinq ans sans pouvoir
organiser les élections puissent rendre compte. Dans cette hypothèse, on
sera obligé de constater lors du Dialogue qu’il ne sera pas possible
d’organiser les élections. Il faudra ouvrir une période de transition et
mettre entre parenthèse la Constitution. Cette phase doit être conduite
par d’autres autorités que celles qui sont reconnues coupables.

 

Voulez-vous dire que le gouvernement actuellement en exercice devrait démissionner ?

Oui,
après le 19 décembre prochain. Ce gouvernement doit laisser la place à
un Exécutif de transition qui amènera le pays vers des élections
démocratiques et transparentes.

 

Qui va diriger cette transition ?

A l’UDPS, nous proposons Etienne Tshisekedi.

 

Lors
de l’émission “Deux sons de cloche “, qui opposait Michel Eboma et
Guillaume Manjolo – qui est proche du ministre Raymond Tshibanda -, ce
dernier a estimé que “le Dialogue a pour but de trouver un consensus sur
le processus électoral. Qu’en dites-vous?

Il y a du vrai
là-dedans dans la mesure où il faudrait déjà qu’on se mettre d’accord
sur le déroulement des élections. Si nous voulons rester dans les
délais, il sera impossible de prendre en compte les élections locales,
municipales et urbaines. Nous devrions avoir des, précisions par rapport
aux provinciales qui accoucheront indirectement les sénatoriales.
L’élection présidentielle et les législatives doivent être les
priorités. On doit en discuter pour arrêter un accord. M. Manjolo a
raison sauf si, par consensus, il entend une transition concertée “dans
le but de positionner leurs candidats, note réponse est : “ Niet “.

 

Comment
expliquez-vous le silence de l’UDPS après la répression de la
manifestation organisée le 24 avril à Lubumbashi par le G7…

Notre
parti préfère laisser cette mission aux organisations de défense des
Droits de l’Homme. Nous agissons en privé avec des diplomates. C’est
plus efficace.

 

Revenons à Michel Eboma. Il a déclaré au
cours de l’émission précitée que le Dialogue doit mettre en place un
« décor démocratique ». Pouvez-vous expliciter ce concept ?

 

Je crois qu’il voulait parler d’un “ contexte démocratique ».

Il a fait allusion à des arrestations…


encore, il a parfaitement raison. Lorsqu’on vit dans un contexte
démocratique, on n’assiste pas’ à des arrestations arbitraires ou des
violations des Droits de l’Homme. Lors de deux rounds que nous avons eus
avec les émissaires de M. Kabila à Venise et à Ibiza, nous avons
insisté sur un climat libéral qu’il fallait favoriser avant l’entame du
Dialogue. Cela suppose la libération de tous les prisonniers politiques
de la garantie de toutes ses libertés. Nous avons des compatriotes qui
redoutent de fouler le sol congolais. C’est le cas de ceux qui devraient
participer au Dialogue. Au risque de me répéter, un environnement
démocratique est très important avant le démarrage de ce forum.

 

Peut-on, selon vous, envisager une transition sans un “Joseph Kabila “.qui contrôle la force publique?

Cette
force publique ne lui appartient pas. Vous dites bien “ publique “ et
non “ Kabilienne “. La force publique sera toujours dirigée par celui
qui sera désigné. M. Kabila est, par ses fonctions, garant d’une
Constitution qu’il a promulguée. La moindre de chose sera de respecter
celle-ci. Cette Constitution lui a accordé deux mandats. Le deuxième et
dernier mandat est vraiment controversé. Nous avons dû avaler des
couleuvres au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Il ne faudrait
surtout pas qu’il pousse la provocation plus loin en foulant au pied
cette loi fondamentale. Ce serait le geste de trop et il n’en sortira
pas vainqueur.

 

Quelles sont les moyens de pression dont dispose l’opposition?

Beaucoup.
Nous avons déjà la population avec nous. Un homme politique a pu dire
que “ la colère d’un peuple est plus puissante qu’une bombe atomique “.
Je crois que nous avons l’arme la plus redoutable le peuple. La colère
populaire peut faire beaucoup de dégâts. Ce n’est pas une menace. Chaque
fois qu’il y a un rassemblement dans la capitale, le peuple n’oublie
pas de rappeler à M. Kabila et à sa bande de respecter la Constitution
et de savoir partir. C’est un avantage que l’Histoire lui offre de
sortir par la grande porte. Evidemment, il n’est pas obligé de suivre
cette recommandation. Je sais que les services de renseignements lui
rapportent le mécontentement, la lassitude et le ras-le-bol de nos
compatriotes.

 

Ceux qui connaissent la “psychologie“ de « Joseph Kabila » dissent qu’il ne croit qu’aux rapports de force…

Je
ne crois pas. Il n’a pas que la population congolaise sur le dos. Il a
également la communauté internationale. Au sein même du kabiliste, il y a
quelques hypocrites qui se taisent au sein de la majorité tout en
souhaitant le changement. Pour moi, c’est un homme isolé. Il doit
écouter la voix de la raison.

 

Quand comptez-vous regagner Kinshasa ?

Très bientôt !

 

Et le président Etienne Tshisekedi ?

Il suit la situation très attentivement. Je crois qu’il est prêt à retourner au pays. Un tel retour doit se préparer…

 

Que répondez-vous à ceux qui soutiennent qu’il manque un « élément fédérateur » à l’UDPS pour rassembler tous les courants?

Ceux
qui tiennent ce genre de propos ne connaissent pas les réalités de la
pseudo-crise au sein de notre parti. La réalité est qu’il y a des gens
qui avaient cru que c’était fini avec Etienne Tshisekedi. Ils ont
provoqué du désordre pour faire entendre leurs voix. Ils ont été suivis
par une poignée de personnes. Je suis convaincu que lorsqu’Etienne
Tshisekedi va rentrer au pays, tout va rentrer dans les rangs.

 

Quel sentiment éprouvez-vous lorsque vous avez en face des anciens militants de l’UDPS passés dans le camp du pouvoir?

Le
premier sentiment, c’est le constat que l’UDPS a beaucoup essaimé. Le
second sentiment, c’est la tristesse. Voir des anciens membres de notre
parti dans cette situation, cela montre qu’ils n’avaient rien assimilé
de leur passage dans notre parti. L’UDPS a été bâtie sur le sacrifice,
l’abnégation pour atteindre des objectifs nobles. A savoir : un Etat de
droit, le service au citoyen, le respect des droits de l’homme. L’UDPS
n’est pas un parti dictatorial. On y entre librement et on le quitte
dans les mêmes conditions.

 

Vingt-six ans après le retour au pluralisme politique, a-t-on avancé ou reculé ?

Il
y a des moments où je sens que le régime actuel nous ramène dans les
années Mobutu. J’ai connu personnellement ces années pour en avoir été
victime. Il faut dire qu’à l’époque, nous étions dans un contexte de
parti unique. On se battait pour arracher l’ouverture démocratique qui
est intervenue huit ans après la création de l’UDPS en 1990.
Aujourd’hui, il est très difficile de revenir au système mono-partisan.
Et même si les réflexes du pouvoir sont de nous ramener à l’époque du
parti unique. A titre d’exemple, la télévision publique est prise en
otage. Elle ne débite que mensonge et propagande. Les libertés sont
complètement confisquées. Les arrestations se multiplient. Cette
ambiance me rappelle les années de la dictature zaïroise de l’époque. Le
pouvoir en place ne sortira nullement vainqueur. C’est un combat perdu
d’avance. Il se trompe d’époque et de méthode.

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