23 07 16 Africatime -R. Z. Al-Hussein: en RDC, «il sera extrêmement difficile d’avoir un dialogue qui ait du sens»

 

RFI
: Au vu de la restriction de l’espace politique que vous dénoncez, la
multiplication des violations des droits de l’homme à caractère
politique, pensez-vous qu’il peut y avoir un dialogue ou même des
élections crédibles dans le pays ?

Zeid
Ra'ad Zeid Al-Hussein : Je pense qu’il sera extrêmement difficile
d’avoir un dialogue qui ait du sens. Un dialogue crédible ne peut se
dérouler que quand toutes les parties pourront exprimer leur sentiment,
sans risque de représailles ou d’être emprisonnées. Donc, même si je
soutiens l’appel du président à un dialogue inclusif, il est
inconcevable qu’il puisse se tenir sans que les conditions ne changent.
J’ai reçu l’assurance de la part des chefs des différents services de
sécurité qu’ils respectent les droits de l’homme. Et ma réponse a été
que, quand je verrai dans les marchés, les rues, les différentes villes
du pays, une ouverture de l’espace politique, je serai le premier à me
féliciter de ces déclarations. Mais pour le moment, non, je ne pense pas
que la restriction de l’espace politique actuelle permette un dialogue
viable tel que requis.

Quelles
sont les mesures que vous avez recommandées aux autorités pour
permettre l’ouverture d’un dialogue crédible ? Vous avez notamment
évoqué la libération de prisonniers.

Effectivement
et les autorités avec lesquelles j’ai parlé ont dit qu’elles
accueilleraient favorablement une liste de noms que nous allons leur
soumettre. Nous nous sommes également concentrés sur un certain nombre
de problèmes comme le besoin de ne pas faire un usage excessif de la
force dans le contrôle de la foule et notamment l’utilisation d’armes
létales. Et ils nous ont parlé d’une nouvelle réglementation sur le
contrôle des masses. Comme je le dis, nous avons bien accueilli les
déclarations qui nous ont été faites, mais on ne pourra réellement s’en
féliciter que quand il y aura un réel changement.

S’il
n’y a pas ce changement que vous souhaitez, est-ce que vous seriez
favorable à des sanctions ciblées contre des responsables des services
de sécurité ?

Je
suis bien placé pour en parler puisque j’étais à la tête du comité de
sanctions pour la RDC, tous les moyens, dans le respect de la loi, qui
peuvent permettre de changer les comportements, doivent être envisagés.
Nous aimerions plutôt avoir un dialogue positif, persuader, mais si les
droits de l’homme sont violés et qu’on pense que des pressions sous
forme de sanctions ciblées sont nécessaires, je n’ai aucune objection,
et parfois je pense même que c’est nécessaire.

Au
mois de juin, selon l’ONU, 70 % des violations recensées dans le pays
par vos services sont du fait des agents étatiques. Or on sait que la
Mission des Nations unies au Congo (Monusco) collabore, coopère avec ces
mêmes forces de sécurité. Si la tendance se poursuit, ne faudra-t-il
pas revoir cette coopération ?

Je
comprends votre question. Je crois que ce qui est clair, c’est que les
Nations unies sont soumises à la politique de diligence voulue en
matière de respect des droits de l’homme. Nous attendons que toutes les
composantes des Nations unies la respectent scrupuleusement et soient
vigilantes dans leurs interactions avec les acteurs étatiques. C’est
vrai qu’il faut qu’on soit vigilant sur le fait de ne pas être complice,
ou perçu comme étant de mèche avec les auteurs de ces violations. Mais
je ne peux pas parler au nom de la Monusco, mais je pense que sur toutes
les opérations de maintien de la paix, ces relations doivent faire
l’objet d’une attention particulière.

Les
casques bleus sont accusés au Congo depuis des mois, des années et
notamment à Beni, de ne pas faire assez pour protéger les civils. Est-ce
que vous pensez qu’ils doivent faire plus ?

J’ai
été avec mon cher ami, le directeur du bureau conjoint, casque bleu, il
y a des années en ex-Yougoslavie, et nous avons vécu Sebrenica. Depuis,
tous ceux qui ont été traumatisés par cet événement, nous croyons qu’il
faut un mandat fort de protection des civils, des règles d’engagement
claires et surtout l’engagement des pays contributeurs de troupes à
respecter ces obligations.

Malheureusement,
et depuis de nombreuses années, ce qui arrive, c’est que les
états-majors nationaux prennent le pas sur le commandement onusien, ce
qui complique la tâche. J’ai vu des rapports faisant état de cette
inaction des casques bleus dans la protection des civils, et c’est
vraiment dommage. Ce n’est pas possible que des gens soient tués, leurs
maisons brûlées et que les casques bleus ne fassent rien.

Par Sonia Rolley

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