28 07 16 CongoI,ndépendant – Justice : Il faut sauver lajuge-présidente Chantal Ramazani Wazuri

 

 

Au centre : Chantal Ramazani Wazuri, présidente de la chambre civile du Tribunal de Paix de Lubumbashi/Kamalondo

 

"Les révélations de cette magistrate sont de nature à
déstabiliser le sommet de l’Etat. On peut gager que les ’services’ vont,
dans un premier temps, faire authentifier la lettre écrite par la
juge-présidente Chantal Ramazani Wazuri. Dans un second temps, ils vont
tenter de débusquer la juge de sa cachette pour qu’elle démente ses
écrits. Dans un troisième temps, les services pourraient la
neutraliser". Ces propos qui font froid dans le dos émanent d’un
officier de renseignements joint au téléphone, mercredi 27 juillet, à
Kinshasa.

Où est passé Chantal Ramazani Wazuri? Qui est-elle? Il
s’agit de la juge-présidente de la chambre civile du Tribunal de paix de
Lubumbashi/Kamalondo. Cette juridiction qui avait condamné Moïse
Katumbi Chapwe à trois années de prison ferme et un million de dollars
de dommages et intérêts dans un conflit immobilier avec le sujet grec
Emmanouïl Alexandros Stoupis. Le verdict a été rendu 48 heures après
comme en Union soviétique à l’époque stalinienne.

Madame la
juge-présidente est en danger. Dramatisation? Nullement! Selon des
informations encore fragmentaires, le chauffeur de cette "femme de loi"
aurait été interpellé par la section provinciale de l’ANR/Haut Katanga.
Il en serait de même de plusieurs membres de sa famille. La
responsabilité cesse donc d’être individuelle.

Inéligibilité

De
quoi s’agit-il? Dans une correspondance, datée du 25 juillet 2016,
adressée au ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba – et dont copie
a été transmise notamment au président de la République ainsi qu’à
l’administrateur général de l’ANR -, la juge Chantal Ramazani Wazuri
fustige les "contraintes physiques et morales" exercées sur sa personne
dans l’affaire Stoupis/Katumbi "avant l’audience et pendant le
délibéré".

Elle ne va pas par quatre chemins en demandant que sa
signature "soit considérée nulle et de nul effet". Elle dit se réserver
le droit d’attaquer en justice quiconque, "à quelque niveau que ce
soit", qui tenterait de se prévaloir de cette décision juridique pour
laquelle sa signature "a été extorquée".

La magistrate porte
des accusations gravissimes. Au "banc des accusés", on est surpris de
trouver des hauts fonctionnaires qui devaient normalement briller par
leur exemplarité. Il y a d’abord le patron de l’ANR, Kalev Mutondo,
dont les compétences et les moyens d’action se sont accrus depuis la
rupture entre "Joseph Kabila" et ses ex-alliés katangais. Il y a ensuite
le directeur de cabinet du président de la République, le très
sulfureux Néhémie Mwilanya Wilondja. Juriste de formation, celui-ci est
réputé pour ses méthodes dignes d’un voyou. La liste n’est pas
exhaustive.

La juge Ramazani écrit : "J’ai été obligée par M.
Kalev Mutond, l’administrateur général de l’ANR, la Présidence de la
République, le premier président de la Cour d’appel (mon chef
hiérarchique et l’inspecteur de l’ANR, accompagné de douze éléments de
la garde républicaine) et le procureur général près la Cour d’appel de
Lubumbashi, de condamner M. Moïse Katumbi Chapwe". "Cette condamnation
avait notamment comme objectif d’obtenir son inéligibilité en cas de
présentation de sa candidature à la Présidence de la République".

Dans
une interview accordée au quotidien bruxellois "La Libre Belgique",
Katumbi qui semble empêché "Joseph Kabila" de trouver le sommeil du
juste ne dit pas autre chose : "Cette condamnation est une farce (…).
(…) il s’agit d’un procès politique (…). Dans ce document, le
plaignant demande lui-même mon inéligibilité. Surréaliste".

Selon
cette juge, sa hiérarchie avait estimé que l’examen de l’affaire au
plan juridique importait peu. Seule la disqualification de l’accusé
Katumbi aux consultations politiques majeures à venir comptait. "Ma
hiérarchie (le 1er président et le procureur général près la Cour
d’appel de Lubumbashi) ont exercé une pression au point de m’empêcher de
prendre en compte que M. Moïse Katumbi a été envoyé en soins sur ordre
du procureur général de la République (son défaut à la barre étant
justifié) pour le cas d’espèce".

Suspicion légitime

Pour
mémoire, par citation directe diligentée à la requête du sujet grec
Emmanouïl Alexandros Stoupis, le Tribunal de Paix de
Lubumbashi/Kamalondo avait, en date du 22 juin dernier, condamné Moïse
Katumbi à une peine de 36 mois de prison assortie d’une amende d’un
million de dollars. Ce jugement a fait bondir Raphaêl Katebe Katoto,
frère aîné de "Moïse". Selon lui, la maison querellée lui appartient.
Aussi, a-t-il intenté, de concert avec son frère, une demande
reconventionnelle contre sieur Stoupis pour "faux et usage de faux".

Au
cours des deux audiences publiques tenues par les chambres 2 et 6 de
cette juridiction lushoire en date du lundi 11 juillet, les deux frères
(Katebe et Katumbi) ont sollicité et obtenu, du Tribunal de Grande
Instance de Lubumbashi, de constater une suspicion légitime à l’encontre
de la juge-présidente Chantal Ramazani Wazuri. Celle-ci était
suspectée de partialité. L’affaire devait être renvoyée devant une autre
juridiction. C’est le cas de la Cour suprême.

Contre toute
attente, c’est encore le Tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo qui a
eu à examiner, lundi 25 juillet, l’action intentée par Katumbi et
Katebe. Un cas sans précédent. "La décision a été rendue en cinq minutes
après la prise en délibéré parce que la même décision m’avait été déjà
donnée trois jours avant en ma qualité de chef de juridiction",
souligne-t-elle. En français facile, le quator Kalev Mutondo, Néhémie
Mwilanya Wilondja (directeur du cabinet présidentiel) et les deux plus
hauts magistrats assis et debout du Haut Katanga avaient pris soin de
rédiger le jugement condamnant ’Moïse". Le rôle de la juge s’est limité
à apposer sa signature.

Question : Pourquoi la magistrate Ramazani Wazuri a-t-elle attendu plus d’un mois avant de crier sa colère par écrit?

Selon
la juge-présidente, elle a été "frustrée et même révoltée" de constater
que dans l’affaire où Katumbi et Katebe sont demandeurs, les décisions
de renvoi de juridiction pour cause de suspicion légitime sont
acceptées. En revanche, dans l’affaire où Moïse Katumbi est poursuivi,
la suspicion légitime soulevée par ce dernier est rejetée "sous
contrainte".

Dans sa missive adressée au ministre Thambwe – qui
est loin d’être un modèle d’homme d’Etat -, la magistrate dit avoir été
"menacée de révocation et d’emprisonnement". "C’est par craintes de
toutes ces menaces que ma signature a été apposée sur ce jugement
(…)".

Après avoir expédié son brûlot, Chantal Ramazani Wazuri
s’est "évaporée". Nul ne sait où elle se cache. A-t-elle pu quitter le
pays? Serait-elle planquée quelque part dans le haut Katanga? Deux
questions qui restent sans réponses. Il faut sauver la juge-présidente
Chantal Ramazani Wazuri! "Joseph Kabila et Kalev Mutondo doivent savoir
que s’il arrivait que la juge-présidente Ramazani Wazuri glisse même sur
son savon dans la salle de bain, ils seront tenus responsables", peste
un magistrat lushois.

Sous d’autres cieux Kalev et Mwilanya
devraient démissionner et faire l’objet des poursuites pour "association
de malfaiteurs" voire haute trahison.

Baudouin Amba Wetshi

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