08 03 17 – Le rôle de la femme et de la jeune fille dans la lutte citoyenne. Par Soraya Aziz

La lutte citoyenne est une lutte qui s’apparente a celle des pionniers de l’indépendance des années 60 ou encore a celle des pionniers de la démocratie africaine après la chute du mur de Berlin. Elle vise un changement de paradigme de la gouvernance actuelle vers une gouvernance ou le citoyen est au cœur des procédures, des politiques et des décisions qui sont prises en son nom.
Dans les années 60 comme dans les années 90, le rôle de la femme était marginal, se limitant souvent à des rôles de soutien. Dans certains pays africains nous notons l’implication active des femmes pour l’avènement de l’indépendance. Nous notons la Tanzanienne Bibi Titi, fondatrice du Mouvement TANU (plus tard transforme en CCM, le parti au pouvoir) ou encore de Jossina Machel, première épouse du camarade Samora Machel, morte pendant la guerre de l’indépendance du Mozambique.
Pendant les années 70, 80 et 90, les mouvements estudiantins restent actifs sur certaines questions de gouvernances, parfois au sein de leurs campus et quelques fois sur les questions de gouvernances nationales associées aux élections. Les années 90 voient naître la Société Civile telle que nous la connaissons, et avec elle le concept de participation citoyenne qui accompagne les recommandations de décentralisation afin de rapprocher la sphère de décision de la population locale. D’autres concepts tels que le genre émergent aussi au cours de cette décennie.
Au Congo, c’est surtout entre 2000 et 2006 que les femmes de la Société Civile jouent un grand rôle. D’abord dans les négociations de Sun City qui conduisent à la fin de la guerre civile, et ensuite dans le gouvernement de transition qui en découle. Malheureusement, la participation de la femme reste une participation symbolique dans un système de quota. Les femmes restent à quelques exceptions près, cantonnées dans des rôles de représentantes des femmes ou dans des ministères traditionnellement réservés aux femmes (Ministère du genre, de l’éducation, de la santé etc.). Pendant les deux élections qui suivent la transition, c’est aussi sous la bannière de représentantes des femmes, et non du peuple Congolais qu’elles font campagne ou qu’elles sont nommées.
Depuis quelques années, l’émergence des mouvements citoyens bouleverse le paysage de la société civile Africaine et le Congo ne fait pas exception. Ces nouveaux mouvement ont en commun une forte présence des jeunes universitaires ou professionnels (moins de 35 ans), souvent issus de la classe moyenne, vivant en milieux ruraux. Cette tranche d’age n’a pas été décidée par les mouvement citoyens mais est dictée par la démographie des pays où ils opèrent, pays où l’espérence de vie est souvent en dessous de 55 ans. 
Ces jeunes revendiquent au delà de leur propre participation à la gouvernance ; ils revendiquent la fourniture des services publiques, la redevabilité des leaders gouvernementaux ou sociaux, et ils sont eux même impliques dans l’amélioration des conditions de vie des citoyens autours d’eux.
 
Cette nouvelle classe de la Société civile répond à un vide laissé par les ONG traditionnelles qui se sont dangereusement rapprochées du pouvoir politique et ont, le plus souvent, perdu la confiance de la base au nom de laquelle ils disent parler. En temps de crise, les ONG et autres catégories de la Ste Civile ont revendiqué leurs places à la table des négociations et ont donc fini par être assimiles aux auteurs des crises sociopolitiques qu’ils n’ont su résoudre. Ce phénomène est particulièrement vrai dans les pays francophones qui n’ont pas su négocier le virage des alternances démocratiques en appliquant à la lettre leurs constitutions (Sénégal, Burkina Faso, Tchad, Congo Brazzaville, Congo Kinshasa etc.)  
Au Congo, il existe près d’une demi-douzaine des mouvements citoyens dont le plus large est la Lucha. Ce mouvement revendique plus de 1000 membres sur l’étendue nationale et s’est particulièrement fait connaitre pour ses actions de salubrité en milieu urbain et ses manifestations pacifiques pour demander des élections crédibles. 
Etant moi-même membre active de la Lucha, et étant une femme, je voudrais souligner le rôle particulier des femmes au sein de la Lucha.
La Lucha a été crée par un groupe de sept, dont trois femmes. Le mouvement s’est d’abord fait connaitre de bouche à oreille et donc les femmes en ont entendu parler autant que les hommes et le recrutement de nouveaux membres n’a pas mis un accent particulier sur les femmes. C’est tout naturellement que les femmes composent près du tiers des militants de la Lucha. Ces femmes ne représentent pas les autres femmes, mais la communauté en général. Elles apportèrent leur contribution en tant que femme mais aussi et surtout en tant que membres de la communauté.
Une des premières actions de la Lucha était #GomaVeutDelEau. Une action citoyenne visant à résoudre la crise que connaissait la ville de Goma en 2013, a savoir l’approvisionnement des ménages en eau potable. Bien que ce problème affectait toute la population de Goma en général, il était évident que les femmes et les filles étaient plus affectées car les corvées d’eaux leur incombent particulièrement au sein des ménages. Ceci est un exemple illustratif de la manière à travers laquelle la présence des femmes affecte parfois les actions du mouvement.
Le caractère hautement inclusif et participatif de la Lucha met la femme au premier plan, surtout sur le plan de la communication et de la diplomatie. Cependant, ceci ne les exonère pas de leurs rôles traditionnels de soutien. 
On se souvient tous au sein du mouvement de la mère et des sœurs de Fred Bauma ainsi que de la femme de Godefroy Mwanabwato, tous deux incarcérés a Kinshasa. La cellule de Kinshasa s’est d’ailleurs enrichie de plusieurs membres féminins grâce à leurs visites aux membres incarcérés à Makala.
Les femmes engagées font face aux mêmes défis que les hommes, mais à eux s’ajoutent certains défis liés à la situation de la femme au Congo en général. Un problème de reconnaissance du leadership féminin, les cultures restrictives et rétrogrades, les contraintes liées au rôle familial (maternité etc.). Mais comme dit plus haut, les rôles au sein des sections sont repartis de manière à saisir l’opportunité que présente la présence de tous au sein du mouvement.
L’avenir nous dira quel est le rôle réel des femmes au sein des luttes citoyennes. Cependant, il n’est pas trop tôt pour dire que les femmes trouvent naturellement leurs places au sein de ces mouvements. Peut être parce que ceux-ci ne visent-ils pas le pouvoir et que les hommes ne s’y sentent pas menacés. Aussi, les femmes n’ayant pas activement participe aux guerres et autres conflits, et n’ayant joué qu’un rôle secondaire dans la politique nationale, les femmes jouissent encore d’une certaine crédibilité au sein de la population qui leur permet de jouer plus facilement un rôle de leadership en passant par les mouvements citoyens

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