1 04 17 Bruno Tshibala premier ministre, et alors ? Par Lomomba Emongo
Bruno Tshibala, nouveau premier ministre de Kabila
Le 6 avril dernier, il se fixait un délai de 48 heures pour se doter (plus que pour doter le Congo) dun Premier ministre bien évidemment sur mesure. Ainsi fut nommé Bruno Tshibala, un transfuge de lUDPS de feu Étienne Tshisekedi, Premier ministre de transition.
Alors que cette comédie réjouit certains et fait grincer des dents à dautres, je me dis : « Bruno Tshibala, Premier ministre de transition. Et alors ?»
En effet, je ne mattendais absolument à rien de moins de la part de J. Kabila. Dautant que ce qui se passe aujourdhui sest déjà vu au Congo-Kinshasa. 1965 : Joseph Kasavubu, président de la république, joua avec le feu en nommant Évariste Kimba, contre Moïse Kapend-Tshombe dont la CONACO avait réuni 122 députés sur 167. Mal lui en prit le 25 novembre 1965.
Mobutu, le tombeur de Kasavubu, samusa à son tour à changer de Premier ministre de transition (Ngunz Karl-I-Bond, MungulDiaka, Birindwa, Likulia, etc.) contre la volonté de la CNS qui avait élu Étienne Tshisekedi. Mal lui en prit le 7 mai 1977.
De sorte quen nommant Bruno Tshibala en lieu et place de Félix Tshisekedi, candidat pressenti du Rassemblement au poste de Premier ministre, J. Kabila ninnove pas en réalité.
Si je me demandais ce que vaut à ses yeux Bruno Tshibala ? Je me répondrais : certainement pas davantage que son prédécesseur, Samy Badibanga, le Premier ministre de 4 mois. Que voilà un nouveau jouet dans ses mains, quil ne se privera pas de jeter à la poubelle après bref usage. Jexagère ? Voici mes arguments.
Je ne serais pas étonné si Bruno Tshibala savérait un Premier ministre de transition parfaitement inutile pour le peuple du Congo, parce que docile au diktat de J. Kabila, à linstar dun Samy Badibanga de dorénavant triste mémoire. Ce qui sera le cas sil dure les 9 mois de la transition, soit jusquà lélection et à lassermentation du nouveau président de la république qui sempressera de sen débarrasser.
Je ne serais pas surpris non plus si Bruno Tshibala était déposé sans autre forme de procès et sans la moindre considération (comme un certain Samy Badibanga), à la moindre velléité dinsoumission de sa part au diktat de J. Kabila à qui il doit, seul, son poste. Et pour qui il na pas hésité à quitter les rangs du Rassemblement dont il voudra sans aucun doute se réclamer pour faire Premier ministre issu de lopposition à J. Kabila.
Je ne crois pas me tromper en affirmant que le rôle véritable de Bruno Tshibala à la primature du Congo, aux yeux de J. Kabila, est de mieux diviser et daffaiblir davantage lopposition, particulièrement celle cristallisée dans le Rassemblement depuis la rencontre de Genval (Belgique). Dautant plus que le sieur Tshibala nest à proprement parlé plus tout à fait de lopposition, puisquil est désormais au pouvoir – comme, avec et grâce à J. Kabila.
Que Bruno Tshibala joue sans faute la partition dhomme de paille, écrite à lavance pour lui, ou non, je ne doute pas que lheure de vérité ne tardera pas à sonner pour lui (quil demande à Samy Badibanga ce quil pense de J. Kabila). Par exemple lorsquil sera amené à choisir entre les revendications légitimes du peuple excédé et le diktat de J. Kabila en collusion avec les intérêts rwandais, ougandais et occidentaux au Congo. Dans le premier cas de figure, il pourrait à la limite se racheter un improbable crédit politique en claquant la porte (là, Vital Kamhere ne sest jamais remis davoir servi J. Kabila jusquà la servilité !). Dans le deuxième cas de figure, il normalisera son statut dhomme de paille et dennemi de la souveraineté du Congo avant dentrer dans les oubliettes de lhistoire (quest devenu un Faustin Birindwa daussi triste mémoire ?).
Jespère me tromper, mais quelle que sera lattitude du Premier ministre Bruno Tshibala, sa primature hors de toute légitimité, même celle politique, issue de lAccord dit de la Saint-Sylvestre, est vouée à se terminer dans la douleur. Pour le peuple du Congo qui devra tout recommencer, davantage que pour lui, qui ne tient quà la seule volonté de J. Kabila aux abois. Je ne doute pas en effet que le clash arrivera, sinon tout de suite lors de la nomination des ministres et des mandataires de lÉtat par exemple, alors un peu plus tard lors dun inévitable affrontement avec le diktat de J. Kabila à propos dune probable tentative de modification de la constitution ou de lorganisation des élections si peu transparentes se veuillent-elles – à moins de la soumission à J. Kabila.
À la lumière de ce qui précède et jusquà preuve du contraire, je reste persuadé que le gouvernement Tshibala nest quun intermède dans le plan de J. Kabila de conserver le pouvoir coûte que coûte. Que, par conséquent, cet intermède constitue une forme machiavélique de prolongation de limbroglio politique, sans le moindre souci pour le haut intérêt du peuple du Congo.
Dune part, je ne vois pas comment J. Kabila qui a survécu au 19 décembre 2016 et à lAccord dit de la Saint-Sylvestre se formaliserait pour survivre à un gouvernement dont il est la seule raison dêtre ; dautre part, je vois dici J. Kabila organiser de nouvelles consultations ou négociations autour dune énième transition, à moins que ce ne soit dun référendum en vue de la révision constitutionnelle devant lui permettre de se représenter à la prochaine élection présidentielle – sous réserve que lopposition se montre à la hauteur de sa tâche, pour une fois.
Dois-je le redire, Bruno Tshibala na aucune chance de réussir. Il nen a aucune de simposer comme le chef de gouvernement issu de lopposition, notamment en tenant tête à J. Kabila. Il nen a pas davantage de simposer comme le Premier ministre de transition attendu, ayant mandat de conduire le pays vers des échéances électorales et disposant pour ce faire des moyens de sa politique, tous les instruments de la souveraineté étant à ce jour sous le strict contrôle de J. Kabila.
Cela dit, ma véritable préoccupation se trouve ailleurs. Je me répète à dessein : « Bruno Tshibala, Premier ministre. Et alors ?»
Jy entends que J. Kabila, homme fort du Congo, est un couteau à double tranchant. Certes, Bruno Tshibala lui doit tout. Mieux, il y a des chances, sil veut se survivre au pouvoir, quil lui obéisse au doigt et à lœil. Mais cest ce que va faire lopposition cristallisée dans le Rassemblement qui sera déterminant pour lissue de sa primature.
Pour la sortie de crise. Pour lalternance politique au sommet ou la prolongation de J. Kabila au pouvoir. Je suppute trois attitudes possibles du Rassemblement.
* Le Rassemblement sépoumonant à contester la nomination de Bruno Tshibala. Le cas échéant, elle consoliderait la position de J. Kabila, arbitre suprême au-dessus de la mêlée, à qui il serait ainsi demandé de réviser sa décision. Avec, en prime, une nouvelle course à la primature (pour seulement 9 mois, et encore !). Pour dire le moins des divisions que le Rassemblement devra gérer, le cas échéant, entre les pour et les contre Tshibala, les plus et les moins introduits auprès de J. Kabila.
* Le Rassemblement ignorant J. Kabila et son Premier ministre de pacotille. Ce qui lui permettra de se concentrer sur la contestation non pas dune nomination sans avenir, mais bien de J. Kabila en personne comme chef de lÉtat. Ce serait loccasion de marteler le message que tous les Congolais et toutes les Congolaises ont déjà parfaitement intégré : ne jouissant daucune légitimité– à plus forte raison son Premier ministre sur mesure – J. Kabila doit partir dici la fin de lannée 2017.
* Le Rassemblement anticipant et désignant son candidat à lélection présidentielle à venir. Les difficultés prévisibles du gouvernement Tshibala lui serviraient alors darguments électoralistes. Ce serait, du reste, le moment dintensifier loccupation du terrain électoral dans larrière-pays généralement laissé pour compte. Le moment, aussi, daffûter sa critique au bilan plus que catastrophique de J. Kabila à la tête du pays.
Que va faire le Rassemblement ? Saura-t-il capitaliser sur léchec annoncé du tandem KabilaTshibala pour prendre résolument et pour une fois le parti du peuple, en lieu et place des tractations qui nont jamais servi quà prolonger ce que Jean-Paul Sartre appelait « la solution néocolonialiste » ? Tiendra-t-il uni le temps quil faut, pour imprimer au Congo-Kinshasa le tournant décisif de son histoire depuis la mise en échec du gouvernement Lumumba ?