31 05 17 – Vers un trou noir en Afrique centrale ? Par Didier Niewiadowski
Une zone de non droit en création
Cet ensemble au cœur de lAfrique, à la jonction du Sahel arabo-musulman et des espaces animistes et chrétiens de la forêt équatoriale, représente 5 700 000 de km2 soit neuf fois la superficie de la France et près de 143 millions dhabitants. Ces six pays, dont cinq francophones, deviennent inexorablement une zone de non droit avec des clans présidentiels se perpétuant au pouvoir, enjambant les élections en toute quiétude, et laissant leur population aux bons soins des ONG humanitaires et des religieux qui ne visent pas que lau-delà. Ce désastre annoncé peut-il encore être évité ? Sans un ressaisissement des institutions de Brettons Wood, de lONU et des partenaires qui comptent, les bandes armées non contrôlées se réclamant plus ou moins du djihadisme et les trafiquants transnationaux sinstalleront durablement dans cette région.
Le pire nest jamais certain
La division par deux du prix du baril de pétrole conjuguée à la chute des exportations constitue un accélérateur de la crise économique, sociale et politique au Tchad, désormais en cessation de paiements, au Congo, qui ne se relève pas de la énième réélection de son président, au Soudan du sud, en guerre fratricide, et, dans une moindre mesure, au Cameroun, qui voit la résurgence de la question anglophone et qui doit faire face aux turbulences de lExtrême-nord. Cette situation pourrait être mise à profit pour réduire la dépendance vis-à-vis de cette rente liée à léconomie mondiale pour donner la priorité au développement rural et notamment à lagriculture. Le profit pourrait se développer au détriment de la rente. Il en est de même pour les États miniers que sont la Centrafrique et la RDC où « les diamants du sang » alimentent la multitude de rébellions auxquelles on aurait infiniment tort de donner une qualification religieuse. Il serait temps de mettre fin aux trafics illicites qui aboutissent à Dubaï et à Anvers, ville située à 150 km de Bruxelles, siège de lUnion européenne.
Les élections dans cette zone sont souvent des mirages de démocratie
La coexistence pacifique et harmonieuse entre le pouvoir et la liberté doit être rétablie. Comment peut-on encore accepter les manipulations constitutionnelles et les « hold up » électoraux ? Les élections dans cette zone sont souvent des mirages de démocratie. Le casting des présidents, élus au suffrage universel direct, est éloquent : Paul Biya ( 84 ans) est président du Cameroun depuis 1982, Denis Sassou-Nguesso (75 ans) président du Congo depuis 1979 (avec une interruption de 1992 à 1997), Idriss Deby Itno ( 65 ans) président du Tchad depuis 1990, la Camarilla autour du président centrafricain, Faustin Archange Touadera (60 ans), est à la « mangeoire » depuis une vingtaine dannées. Le clan Kabila, en RDC, règne sans partage depuis le renversement de Mobutu (1997).
La montée en puissance dune jeunesse mondialisée, avide du changement, ne sera-t-elle pas trop tardive ? Dans quelles conditions ces chefs dÉtat vont-ils passer la main ? À part Joseph Kabila, ces présidents sont nés avant lindépendance de leur pays alors que plus de la moitié de la population a moins de 18 ans. Un nouveau paradigme fondé sur une véritable décentralisation, un régime plus parlementaire que présidentiel avec labandon de lélection du président de la République au suffrage universel direct, léloignement de la scène politique des fossoyeurs de lÉtat de droit par lindignité nationale, la création dune organisation pour lharmonisation du droit pénal et de la procédure pénale sur le modèle de lOHADA pour les membres de lOIF, pourraient utilement revitaliser ces États. Sans la pression internationale et une plus forte conditionnalité de laide ces réformes sont évidemment illusoires.