Filariose lymphatique : une nouvelle stratégie de lutte

Chez
les patients atteints de la maladie de la loase, le traitement
préventif de la filariose lymphatique peut provoquer un accident
thérapeutique. Une nouvelle stratégie médicamenteuse communautaire
prenant en compte ce contexte particulier vient de montrer son
efficacité en République du Congo.  

Ils
sont 947 millions d’individus devant recevoir un traitement
médicamenteux afin de prévenir la propagation de la filariose
lymphatique. Cette maladie tropicale négligée communément appelée
éléphantiasis provoque un gonflement des membres. Stigmatisante et
handicapante pour les populations qui en souffrent, elle est due à une
infection par des vers filaires adultes. Ces nématodes se logent dans le
système lymphatique et perturbent son fonctionnement. Pendant 6 à 8
ans, ils produisent des millions de microfilaires (petites larves) qui
circulent dans le sang.
Afin
d’enrayer la propagation de cette pathologie d’ici 2020, l’OMS
préconise l’administration annuelle de deux médicaments associés,
l’albendazole et l’ivermectine. Problème : dans certaines régions
d’Afrique centrale, les personnes atteintes de la filariose lymphatique
peuvent être également touchées par la loase, une maladie causée par une
autre filaire : Loa loa. « L’administration de l’ivermectine à un
malade de la loase peut provoquer un accident thérapeutique important,
explique l’épidémiologiste Sebastien Pion. Cela peut aller jusqu’au coma
et générer des séquelles irréversibles. L’OMS a donc proposé en 2012
une stratégie provisoire, non testée au niveau communautaire, pour
traiter la filariose lymphatique dans ces zones : l’administration
unique de l’albendazole deux fois par an. »
Dès
2012, et parallèlement à l’OMS, des chercheurs français, américains et
congolais administrent tous les six mois de l’albendazole aux habitants
du village de Seke Pembe en République du Congo 1. Durant trois ans,
80 % des 900 résidents de ce village reçoivent ce traitement. Alors que
la prévalence de la maladie était de l’ordre de 17 % lors du début du
traitement, elle n’est plus que de 5 % lorsqu’il se termine. Un résultat
inattendu et satisfaisant pour l’équipe de recherche. « Le médicament a
un effet létal sur les vers, souligne Michel Boussinesq, co-auteur de
l’étude. L’effet est moins marqué que la combinaison des deux
médicaments à court terme. Mais à long terme, la maladie ne se transmet
plus car les vers sont morts et ne produisent plus de microfilaires. »
En
complément de l’administration d’albendazole, le dispositif prévoit que
les habitants se prémunissent des moustiques – vecteurs du parasite –
par des moustiquaires imprégnées d’insecticides. Mais les moustiquaires
présentes dans le village ne sont pas toujours utilisées par les
habitants. « Nous n’avons pas pu mesurer leur impact sur la diminution
de la transmission de la maladie, précise Sebastien Pion. L’idéal serait
de traiter 100 % de la population et que celle-ci utilise correctement
les moustiquaires. »
 Les tests sont réalisés la nuit, période où les microfilaires circulent dans le sang   
De
fait, cette étude confirme le bien-fondé de la stratégie provisoire de
l’OMS. « Ce type d’administration de médicaments ne faisait que l’objet
d’une recommandation dans les pays présentant des zones endémiques de
loase et de filariose lymphatique, indique Jonathan King, spécialiste de
la filariose lymphatique au Département des Maladies Tropicales
Négligées de l’OMS. Les résultats de cette étude confirment son
efficacité au niveau communautaire et encourageront davantage de pays à
adopter rapidement cette stratégie. » 
Aujourd’hui,
alors que les résultats des campagnes de traitement préventif sont
positifs 2,  l’enjeu est de cartographier ces zones mal connues
d’Afrique centrale où la maladie est distribuée de façon très
hétérogène. « Dans un contexte de moyens limités, les efforts doivent se
concentrer sur les malades qui en ont le plus besoin. Cette
cartographie sera un moyen d’accentuer l’efficacité du dispositif »,
conclut Sebastien Pion.
Notes
1. Sébastien
D S Pion, Cédric B Chesnais, Gary J Weil, Peter U Fischer, François
Missamou, Michel Boussinesq. Effect of 3 years of biannual mass drug
administration with albendazole on lymphatic filariasis and
soil-transmitted helminth infections: a community-based study in
Republic of the Congo. The Lancet. 2017.

2. Comme
le montre le rapport « Integrating neglected tropical diseases in
global health and development » de l’OMS présenté le 19 avril 2017 à
Genève.

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.