Le manque d'implication de la communauté internationale comme frein à une sortie de conflit (Elie Thomas)

 

 Alors, à l’heure où les chiffres de cette
guerre sont de plus en plus comparables à ceux de l’holocauste et alors que le
terme génocide est employé de manière récurrente (officiellement même :
voir plus bas), il convient de se questionner sur ce qui peut justifier la
quasi absence du Congo de l’agenda international.

 

 

 Compte tenu de la faillite totale de l’Etat
congolais, il apparait évident que le conflit ne peut se résoudre uniquement
que par la bonne volonté des acteurs concernés. En effet, la guerre a
officiellement pris fin en 2002 avec la signature d’un cessez-le-feu suivi
l’année suivante par l’installation d’un gouvernement de transition en RDC.
Cependant les conflits n’ont jamais réellement cessé et deux autres tentatives
de paix : en 2007 avec un communiqué commun pour désarmer les milices et
en 2008 avec une « conférence sur la paix » qui a lancé le processus
Amani, se sont également soldées par des échecs. Alors que le conflit s’enlise
chaque jour un peu plus, le Congo disparait progressivement des grands enjeux
internationaux. Afin d’essayer de comprendre cette anomalie, il est possible de
faire un parallèle avec le cas des « blood diamonds ». Les conflits
des diamants de sang (Sierra Leone, Liberia …) avaient mis un certain temps
avant d’intégrer l’agenda international. Si la situation de cette région
exsangue était finalement parvenue sur le dessus de la pile des dossiers des
Nations Unies, c’était par le biais de la société civile. Celle-ci avait été
alertée par des campagnes « choc » menées par des ONG. La situation est
différente pour le Congo, car comme le souligne D. Van Reybrouck « Pour
couvrir la guerre le journalisme a recours à un cadre de référence morale. Dans
cette guerre du Congo, il n’y a pas un camp de gentils. ». La complexité
extrême du conflit s’ajoute au fait qu’aucun des deux camps ne dispose du rôle
de l’innocent. A un dictateur allié à des ex-génocidaires font face des milices
rebelles assoiffées de vengeance et de cupidité.

 Au milieu, la principale victime, le peuple
congolais est étouffé et ne parvient pas à faire entendre sa voix auprès de la
communauté internationale. Certes un grand nombre d’organisations humanitaires
sont venues apporter leur aide, notamment à Goma (où sont implantés de nombreux
camps de réfugiés) où elles sont devenues le deuxième employeur de la ville
après l’Etat. Les nations unies ont, elles, envoyées 17000 casques bleus (pour
la très grande majorité africains ou de pays en développement, leur salaire
rentrant dans l’idée de l’aide internationale en faveur les pays du sud)
[1]
dans le Nord-Est du pays dans le cadre de la MONUC (Mission des Nations Unis au
Congo). S’ils ont réussi à limiter l’avancée du M2 3, leur rôle avant tout
défensif limite grandement leur utilité. En parallèle 55 résolutions concernant
la RDC ont été votées par le conseil de sécurité de l’ONU et 31 rapports
délivrés par le secrétaire général
[2].
Pour la plupart, ces textes se sont avérés sans conséquence, un parmi eux
relève cependant d’une importance certaine. Il s’agit du rapport dit
« Projet Mapping » datant de 2010. Celui-ci qualifie pour la première
fois le Rwanda d’ « état génocidaire » en référence à ses
actions sur le territoire Congolais. Le terme de génocide recouvre une
consonance extrêmement puissante puisqu’après la seconde guerre mondiale, les
nations unies avaient déclaré à l’unanimité ne plus jamais laisser se
reproduire de telles actions ; les Etats-Unis en tête.

 

 

 Alors comment se fait-il qu’un conflit dans
lequel la moitié des victimes sont âgées de moins de 5 ans
[3],
dont l’un des acteurs est officiellement qualifié de génocidaire, puisse
perdurer depuis plus de 20 ans ? La raison dépasse la complexité et va
rejoindre l’intérêt.

 Ainsi il est intéressant de s’attarder sur
la position des Etats-Unis, qualifiés de « super cop » après la Guerre
Froide. L’actuel président américain démocrate Barack Obama était sénateur de
Chicago durant les mandats républicains de George W. Bush. Ainsi sans surprise
sur les dizaines de projets de lois qu’il a soumis seulement deux ont pu être
promulgués.
Un d’eux
concerne le Congo et est intitulé « The Democratic Republic of Congo
Relief Security Democracy Promotion Act ».
Cette
loi attribue le pouvoir au secrétaire d’Etat de lever toute aide financière à
un pays qui s’attaquerait au Congo. A l’époque cette loi est soutenue par la
sénatrice démocrate de l’Etat de New-York : Hillary Clinton. Une dizaine
d’année plus tard, B. Obama est président de la République et nomme comme
secrétaire d’Etat H.Clinton. Cependant les Etats-Unis n’ont cessé de soutenir le
Rwanda, et auraient ainsi versé depuis 2000 environ 1 milliard de dollars
d’aides à cet « état génocidaire »
[4].

Quelles motivations
peuvent justifier cette attitude paradoxale des Etats-Unis face à la crise
congolaise alors qu’une prise de position affirmée pourrait sans doute
contribuer à une sortie plus rapide du conflit ? Tout d’abord, le Rwanda
et l’Ouganda sont très précieux pour les USA. Les guerres du Golfe (surtout la
deuxième) se sont avérées très impopulaires, et les Etats-Unis pouvaient de
moins en moins se permettre de perdre des soldats américains au front. Ainsi
dans le conflit Congolais, les USA ont assuré une livraison d’armes régulière
ainsi qu’un entrainement des troupes Rwandaises et Ougandaises. En
contrepartie, des soldats ougandais se sont battus pour les Etats-Unis en
Afghanistan. L’autre motivation est économique mais dépasse les seuls Etats-Unis.

 Comme évoqué précédemment, les ressources
naturelles congolaises sont un enjeu majeur du conflit. Le Congo est souvent
qualifié de « scandale géologique » en raison de ses richesses
naturelles. La faillite politique, économique et sociale du pays devient une
aubaine pour qui veut les acquérir. Ainsi, en 2014, Al Gore (ancien
vice-président des Etats-Unis) a pointé du doigt le fait que le Congo avait
cédé 48,8 % de ses terres à des investisseurs étrangers. Riche en uranium ou en
cuivre, c’est essentiellement la quête de cobalt et de coltan qui motive le
conflit. Le Rwanda et l’Ouganda en soutenant le M23 cherchent à mettre la main
sur ces ressources minières. C’est ainsi que les populations sont déplacées ou
exterminées à l’est du pays afin de créer des mines où les travailleurs (la
plupart sont des enfants) se tuent à la tâche. Si le cobalt et le coltan sont
si précieux c’est qu’ils sont nécessaires à la fabrication des téléphones
portables. Voilà pourquoi le Rwanda et l’Ouganda pillent sans relâche le Congo,
soutenus par les plus grandes industries de l’électronique et de la téléphonie
mobile qui pratiquent l’omerta sur ce sujet comme a pu l’expérimenter Frank
Poulsen réalisateur du documentaire « Blood in the mobile ».
En effet, le pillage incessant des minerais profitent aux firmes qui peuvent
ainsi acheter leurs matériaux nécessaires à des prix très bas. Aux
« diamants de sang » ont donc succédé les « mobiles de
sang », conservant la même chaîne reliant d’un bout à l’autre des
travailleurs forcés africains survivant dans une situation plus que précaire
afin que le consommateur occidental à l’autre bout de la chaîne bénéficie de
tarifs avantageux sur ses téléphones portables.

 



[1]Roland Pourtier,
« Le Kivu dans la guerre : acteurs et enjeux », EchoGéo

[2]http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/429438/rdc-le-grand-conflit-oublie

[3]http://www.ingeta.com/genocide-in-silence-an-interview-with-kambale-musavuli-on-the-congo/

[4]https://www.youtube.com/watch?v=NMtgHzXZnIg Le conflit au Congo : la vérité dévoilée

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.