15 09 17 La Libre – Jean Omasombo: Quon le veuille ou non, on arrivera à la confrontation »
Les élections
nauront pas lieu cette année. Vers quoi se dirige-t-on?
Le recours aux évêques catholiques survenu il y a un
an, qui a débouché in extremis sur lAccord de la Saint-Sylvestre, favorisait
déjà Kabila, avec lequel on se résignait à négocier et à qui – plus grave – on
laissait beaucoup despaces de pouvoir. Il est allé ainsi au-delà de son
mandat. Et il tient à le prolonger tant quil pourra. Il norganisera jamais
les élections qui signeront sa fin. Le recensement en cours est destiné à
distraire lopinion. On naura les élections quaprès le départ de Kabila, à
moins quil parvienne à changer la constitution. Cest à ça quil travaille.
Quest-ce qui
permet de croire quun départ de Kabila est possible?
Kabila quittera le pouvoir comme il y est arrivé,
suite à un coup du hasard, lassassinat de son père. Aujourdhui, comme Mobutu,
le président Kabila est un homme “pourri”, une autorité déconnectée du pays. Sa
survie tient à la structure militaire et sécuritaire quil a installée pour
casser toute révolte. Comme Mobutu, qui avait sa garde, la DSP, à laquelle
sajouteront les “hiboux” tueurs, des unités spécialisées dans la
contre-manifestation de rue. Mais à la différence de Mobutu, qui a compté sur
ses frères de la province de lEquateur, Kabila na plus lillusion de pouvoir
sappuyer sur le Katanga.
Kabila na pas de groupe autour de lui, seulement des individus disparates.
Politiquement, cest un mourant; il est condamné. Mais il veut survivre, alors
il fait venir à son chevet “médecins”, “sorciers”, “guérisseurs” pour empêcher
sa mort. Mais, quon le veuille ou non, on arrivera, à un moment, à la
confrontation.
Certains évoquent
un “troisième Dialogue” pour sortir de limpasse…
Malgré les échecs
passés, lidée de voir organiser un référendum pour modifier la Constitution
na jamais quitté le camp Kabila. Mais là, il sagit dun point non négociable
pour lopinion congolaise. Quel que soit son contenu, un nouveau dialogue
affaiblirait davantage les chances darriver à une issue légitime. On
détruirait davantage la force de la Constitution. Au Congo, lidée dun
dialogue évoque une ouverture sans fin. On la vu avec la sécession katangaise
en juillet 1960: son leader Moïse Tshombe revoyait sans cesse ses exigences une
fois celles-ci obtenues; cela a duré deux ans et demi pour résoudre finalement
la sécession après deux semaines de combats. On la revu avec Mobutu qui,
douverture au multipartisme (1990) en négociation sans fin, sest maintenu
encore sept années, avant dêtre “dégagé” en sept mois par la rébellion AFDL.
Joseph Kabila est au pouvoir depuis 16 ans sans quil ne parvienne à stabiliser
le pays. Cela ne lempêche pas de saccrocher au pouvoir, quitte à détruire les
maigres acquis – dont cette Constitution quil a déclarée inviolable. On voit
rééditer la prédiction de Mobutu : il organise le chaos.
Dans quelle partie
du pays trouve-t-il encore des soutiens?
Début 2011, lors du congrès des Balubakat à Kamina,
ses frères ethniques lont admonesté pour manque de développement de leur
région; aujourdhui, il a perdu cette base qui lavait pourtant porté aux
élections de novembre 2011 en espérant voir, cette fois, des résultats
concrets. Kabila sest contenté de distribuer des postes de pouvoir à quelques
frères dethnie. Dès lors, le rejet sest implanté. Des foyers de troubles
éclatent dans des régions réputées stables. Des révoltes sévissent au Kasaï
depuis fin 2016; une forte agitation sévit chez les Nandes au Kivu; des Twas se
soulèvent contre les Lubakats. Il y a quelques jours, un camion darmes a été
intercepté à Lubumbashi, etc. Toutes ces tensions sont exacerbées par la crise
économique. Avec Kabila, aucun progrès ne semble plus possible pour le pays:
soit on stagne, soit on senfonce.
Lopposition ne
semble pas assez forte pour imposer une solution. Peut-on éviter une longue
agonie du régime, qui serait catastrophique pour le Congo?
On a déjà consommé une année, avec la rallonge
octroyée à Joseph Kabila par lAccord de la Saint-Sylvestre, obtenu sous
légide des évêques catholiques. Mais, contrairement à ce qui sest passé sous
Mobutu, il y a maintenant un élément qui bloque le chef de lEtat: la Constitution.
Kabila compte sur sa Garde républicaine, une armée dans larmée. On va vers une
explosion pour faire partir Kabila, avant la mise en place dautres structures.
Cest Kabila qui est responsable du blocage, à cause de sa détermination à
garder le pouvoir coûte que coûte. Dès quon visera à le sortir du champ du
pouvoir, la situation séclaircira.
Mais rien nunit
lopposition, hormis le rejet de Kabila.
Comme du côté Kabila, lopposition est constituée
dindividus qui veulent le pouvoir et largent. Sa présence est nécessaire mais
la solution ne viendra pas de ses membres. Cest le mal du Congo: le chef dit
“jy suis, jy reste”. Ce nest pas lidéologie qui a uni lUDPS, cest laura
dEtienne Tshisekedi. Lopposition ne tient aujourdhui que sur le rejet de
Kabila. Et encore ! Mais cest parce quà chaque fois les élections sont
confisquées par le régime en place, alors quelles seules ont la capacité de
renouveler la représentation politique. Faute délections régulières, les
acteurs deviennent assujettis à lindividu Président qui tient lEtat. Une
longue agonie du régime Kabila équivaudrait à faire de la Monusco une
institution permanente. Lopinion congolaise croit que la communauté
internationale constitue une partie du problème du pays.
Alors comment
débloquer la marche du pays, enlisé?
Le scrutin dont le pays a besoin de toute urgence,
cest celui pour la Présidence qui, comme en 2006, débloquerait les autres
élections. Mais Kabila ne veut pas: il ne va pas organiser son enterrement!
Comment sort-on du
cercle vicieux?
Les scrutins de 2006 et la Constitution actuelle –
obtenus après 16 ans de transition! – ont été très importants. Il faut se
battre sur les principes. On avait le cadre, Kabila la détruit. La faute de la
communauté internationale et des évêques qui ont donné leur onction à lAccord
de la Saint-Sylvestre est de navoir pas tenu Joseph Kabila pour responsable de
labsence délections. Il ne fallait pas lui permettre de rester; on voyait
depuis 2013 quil voulait se prolonger au pouvoir.
Peut-être parce
que tout le monde craignait une conflagration…
On na fait que la
reporter. En attendant, on enracine le mal.