29 01 18 – Texte complet du point de presse de J. Kabila, le 26 janvier 2018
Parce que je constate que depuis
plusieurs années, on vous a tout dit, alors tout sauf la vérité. On a
beaucoup parlé de la RDC, de tout ce qui
est négatif, mais jamais de ce qui se passe de positif dans notre pays. Dune
façon schématique , je vais vous donner mon point de vue et ma lecture de la
situation, de lévolution de la situation et mon point de vue aussi en ce qui
concerne la situation sécuritaire , politique et le processus électoral en
cours dans notre pays, nos relations avec nos 9 voisins, nos relations avec les
partenaires, nos relations avec la MONUSCO et la situation économique, sociale
et de la reconstruction. Et, bien sûr,
après, il y aura le petit jeu des questions et réponses.
Rappel historique
Avant daborder les 5 ou 6 points, il
faut commencer par le commencement. Le
commencement cest donc le 26 janvier 2001. Dix jours avant cette date du 26
janvier 2001, la RDC venait de perdre son président, Laurent Désiré Kabila, assassiné
dans son bureau. Le Congo était en pleine guerre, une guerre dagression,
avec des armées doccupation, du Nord au Sud du pays, de Zongo à lEquateur
jusquà Pweto, au Katanga. Le pays était divisé en plusieurs zones dinfluence,
avec des chefs de guerre et des armées étrangères. A un certain moment, il y en
avait même de ceux qui avaient cru que cétait le Far West. Il y avait des
zones de non droit, principalement au Nord et Nord-Est du pays. Le processus de
dialogue était en panne. Il ny avait pas de perspectives claires quant à lissue de ce dialogue, quant à la
réunification du pays, quant à lorganisation des élections. Cétait cela la
situation au 26 janvier 2001.
Quant à la situation économique, il ny
avait même pas lieu de parler dun cadre macroéconomique, il nexistait pas.
Les indicateurs étaient au rouge, le taux de croissance négatif, et on avait
une dette de 14 milliards de dollars qui pesait sur nous. Une dette qui nétait
pas contractée par Laurent Désiré Kabila. Mais une dette que le Congo devait
payer .Bref, une situation catastrophique.
Face à cette situation, dès le 26
janvier 2001 javais identifié ce que
javais appelé ‘les priorités de priorités. Priorité de priorités cétait la
réunification du pays, la pacification du pays, la relance du processus s de
négociations, la stabilité du cadre macroéconomique, et de ramener le pays aux
élections. Et en toute modestie, nous avons réussi à réunifier le pays entre
2003 et 2006 ; on a stabilisé le cadre macroéconomique ; la pacification
du pays était en cours en 2006. Et on avait relancé le processus du dialogue et
des négociations politiques. ET lobjectif ultime était lorganisation des
élections. Les élections organisées en 2006 et ensuite en 2011. Et depuis 2006
jusquaujourdhui, une politique volontariste a été engagée dans le domaine de
la reconstruction du pays et bien dautres domaines. Reconstruction du pays par
les grands travaux. Je peux continuer à énumérer nos réalisations depuis 2001,
2006, 2001 jusquà aujourdhui, mais cela nétait que lintroduction pour vous
rappeler doù est-ce que lon vient. Où en étions-nous en 2001 et où en
sommes-nous aujourdhui en 2018.
De la situation sécuritaire
Sur les 26 provinces que compte notre
pays aujourdhui, il ny a que deux provinces où nous avons une situation que
je peux qualifier dinquiétante. Cest la province du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Et sur les 145 territoires, il y a 5 à 6 territoires qui sont affectés.
Et quelle est la situation dans la
province du Nord-Kivu ? Vous nêtes pas sans savoir quaprès lentrée
massive des réfugiés à lEst du pays par le Nord-Kivu, avec comme porte Goma, et au Sud-Kivu, Bukavu et Uvira, ces
réfugiés rwandais et burundais qui nétaient pas venus seulement avec leurs
bagages, leurs enfants et chèvres. 2 à 3 millions de réfugiés avec des
centaines de milliers de kalachnikovs à la main, et cétait le début de notre
cauchemar, le début de linsécurité dans ces deux provinces. Et bien avant,
dans les années 90, il y avait bien évidemment le début dune insécurité dans
la province principalement du Nord-Kivu. Mais avec larrivée massive des
réfugiés et les armes qui sont entrées dans le pays dune façon incontrôlée, la
province du Nord et Sud-Kivu nont pas connu jusque-là une situation de paix
générale à linstar des autres provinces du pays. En 2005, après la
réunification, on avait au total quelque 300.000 hommes issus des mouvements
rebelles et les FAC à lépoque. EN 2006, on avait levé loption de démobiliser
au-delà de 150.00 hommes. Lobjectif était de construire une armée nationale,
une armée républicaine. Dans la province du Nord-Kivu, il ny avait pas que les
‘rebelles, il y avait des troupes étrangères, des FDLR, des ADF, des Maï-Maï
et bien dautres groupuscules. Le problème le plus sérieux que nous avons
aujourdhui dans la province du Nord-Kivu, cest autour de la ville de Beni, ou
du territoire de Beni, avec le mouvement terroriste des ADF. Formés de groupes
venant dOuganda dans les années 1986-1987, ils se sont installés dans le
massif de Ruwenzori, du côté congolais. Et depuis 2 ou 3 ans, ils se sont radicalisés,
et ils ont commencé à mener des opérations et des attaques contre la population
civile. Au moment où nous parlons, il y a des opérations qui sont en cours
contre ce mouvement. Lobjectif est déradiquer cette menace terroriste une
fois pour toutes. Et par ricochet, les opérations vont se poursuivre au
Nord-Kivu contre dautres mouvements et groupuscules qui sont à la base de
linsécurité dans cette province.
Au Sud-Kivu, cest presque la même
situation, à lexception près que ce sont des groupuscules ou des mouvements
dits de Maï-Maï, mais alliés aux étrangers et rebelles burundais. Ils avaient
déclenché des opérations contre la population, contre lEtat congolais, contre
la République fin de lannée passée. Et face à cette situation, on était obligé
une fois de plus de mobiliser et déployer les forces armées de la République
dabs cette province. Et au moment où nous vous parlons il y a effectivement des
opérations qui sont en cours. Lobjectif in fine cest de mettre fin à cette
insécurité dans la province du Sud-Kivu. Si cette conversation avait eu lieu il
y a 5,6, 7 ou 8 mois, jallais aussi évoquer la situation au Kasaï come une
situation dramatique. Mais depuis 4 mois ou Cinq, à 95% on a déjà mis fin à la
situation qui était effectivement grave, dramatique au Kasaï dune fa9on générale, Kasaï, Kasaï
central, Kasaï Oriental , une partie de la province de Lomami et même du Haut
–Lomami et aussi la partie Sud du Sankuru. Cétait le phénomène Kamwina Nsapu.
On a déclaré ce mouvement aussi comme
terroriste de par ses agissements, son idéologie, et les actes posés contre la
population et contre les institutions de la République au niveau de la province.
Bien sûr que ce nétait pas une nouvelle situation, il semble que lon avait
déjà connu une situation pareille en 1959, à lépoque le Congo était administré
par les Belges, et par la suite en 1961, avec le même modus operandi, les mêmes
massacres. Un jour, javais même posé la question au président du sénat :
‘Quest-ce qui se passe finalement, quel
est votre point de vue ? ‘. Il mavait dit : Monsieur le président, on avait déjà connu cette situation, et à
lépoque ce nétait pas du tout possible de poursuivre les responsables. Et voilà
on avait tourné la page.
Et pendant la Conférence organisée à
Kananga, javais aussi posé la question, cette fois-là aux chefs coutumiers.
Même réponse : ‘Monsieur le
président, on avait déjà connu cette situation, pas seulement en 1959, mais
aussi en 1960-61 ; et cétait grave, dramatique. La solution quon avait
trouvée cétait une cérémonie au Lac Mukamba, une cérémonie traditionnelle
‘. Bref, que ce soit en 1959 ou 1960-61, ma lecture cest quil y avait
impunité, et cette impunité a poussé des gens une fois de plus quils pouvaient
faire la même chose et que lEtat allait agir de la même façon. Cette fois-ci,
la réponse est catégorique dans le sens que la justice qui va sen occuper. Et
il faudra quil y ait effectivement des sanctions exemplaires. Et ceci est
valable pour le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et pour les provinces du Kasaï.
Mais au Kasaï, jaimerais bien relever
deux ou trois points. Cest dabord cette tendance à minimiser ce qui sest
passé sur place. Et ce qui sest passé au Kasaï, je considère, est grave et
même extrêmement grave. Mais pourquoi il y a cette tendance à minimiser ce qui
sest passé ?Qui a essayé de minimiser ce qui sest passé ? Des
leaders politiques, des leaders au sein de nos Eglises. Tout en sachant que ce
sont des terroristes criminels qui ont été à la base de beaucoup de crimes,
beaucoup de massacres, on a toujours dit : ‘ non, ce sont plutôt des
personnes non autrement identifiés. Même quand ces mêmes criminels se sont
attaqués aux églises, aux édifices publics, et à la CENI. Le point positif au Kasaï aujourdhui, cest quà
95% les 4 ou 5 provinces sont pacifiées, le processus denrôlement est en
cours, nos compatriotes partis en Angola suite aux crimes de ces terroristes
sont déjà de retour ; et nos forces armées et de police ont le contrôle
des 100% des territoires de ces provinces. Néanmoins, il reste encore ici et là
des récalcitrants. Et au fur et à mesure, ces récalcitrants sont devenus des
coupeurs de routes et leurs cibles, cest la population, les paisibles
citoyens. Lobjectif final assigné à notre armée, la mission confiée à larmée
nationale, les FARDC, cest de mettre
fin à linsécurité dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu au Kasaï et
dans deux ou trois localités dans la province du Tanganyika, de gagner la
guerre. Mais, jai lhabitude de dire que pour nous lobjectif cest plutôt de
gagner la paix. Après avoir gagné la guerre, lobjectif ultime cest de gagner
la paix. Et pour gagner cette paix, lon a besoin, on aura toujours besoin de
tout le monde, de la nation toute entière.
De la situation politique et du processus électoral
Tout dabord un bref aperçu historique
du processus électoral dans ce pays, depuis 2003. On sétait nous tous- classe
politique, société civile et population- mis daccord quaprès la réunification
du pays, il fallait organiser les élections. Mais avant lorganisation des
élections, il fallait adopter une constitution, par referendum. Et en 2006,
après ladoption par le Parlement de transition de la Constitution votée au
referendum, et peut-être ce que vous
avez déjà oublié, cest que je suis peut-être le seul, le seul à avoir battu
campagne pour ladoption de cette Constitution. Le seul, à travers le
pays ! Les autres avaient carrément rejeté la Constitution ; ils
étaient restés sur place ici à Kinshasa, dans les bistrots, dans les
ambassades, alors que jétais sur le terrain en train de battre campagne pour
ladoption de la Constitution. Et quand je vois ceux qui prétendent défendre la
Constitution aujourdhui, je ne fais quéclater de rire. Ils défendent la
Constitution aujourdhui ! Cette Constitution quils avaient
rejetée ! Ils avaient même déclaré, bien avant même ladoption de la
Constitution : ‘Oui, même si cette Constitution est adoptée, la toute
première mission des députés élus et sénateurs, ce sera de rejeter cette
Constitution et de nous en proposer une autre. Parmi ceux qui avaient rejeté
la Constitution en vigueur, il y a lEglise catholique. Même si on a une
mémoire courte, encore que 2006 ne soit tout de même pas si loin, à peine 12
ans, cest quand même grave de voir la capacité des hommes à se dédire !
Quant à moi, je suis resté constant, depuis ladoption et la promulgation de
cette Constitution. Et dailleurs, je considère que cest Ma Constitution.
Mesdames et
Messieurs, vous devez le savoir, la démocratie est
un choix politique et idéologique pour
nous. Et que cest par conviction et non par contrainte quon a accepté daller
aux élections en 2006, en 2011. Ce nétait pas du tout par contrainte. Pas du
tout ! Cétait une décision bien réfléchie. Et pour moi, cétait là le
passage obligé, lunique passage, pour atteindre la pacification totale du
pays, la cohésion, et la reconstruction du pays. Et qui a tué la démocratie
dans ce pays ? On parle assez souvent de la démocratie en RDC, et on
oublie complètement quà un certain moment cette démocratie existait déjà. Qui a tué la démocratie dans ce pays ? En 1960, à peine 6 mois après son élection, le Premier ministre élu était assassiné.
Cétait la mort de la démocratie. On avait, oui, tué un homme, Patrice Emery
Lumumba, mais avec lui, cétait la fin de la démocratie§ Et qui a restauré la
démocratie, qui a rendu effective cette démocratie ? Je pense que ceux qui
ont tué la démocratie, qui ont assassiné le Premier ministre élu dans ce pays,
devaient être beaucoup plus humbles et afficher une attitude dhumilité, au
lieu de croire aujourdhui quils peuvent devenir des donneurs de leçon en
matière de démocratie dans ce pays. Le Congo nest pas du tout complexé par le
niveau datteinte, de consolidation de
sa démocratie. On nest pas du tout complexé. Vous ne devez pas du tout vous
sentir complexés. La liberté de la
presse, la liberté dopinion… Et je pose souvent la question à mes interlocuteurs :
Citez-moi seulement un seul pays autour
de nous, un seul, qui a une presse libre comme ici en RDC. Un seul pays qui a
une presse aussi libre. Citez-moi un seul pays qui a autant de partis
politiques autour de nous. Il ne faut pas aller plus loin, on na que 9 voisins.
Citez-moi un seul pays où un journaliste se réveille un bon matin, après avoir
bu toute la nuit, en se posant la question ‘qui
est-ce que je vais embêter aujourdhui ? De qui est-ce que je vais parler
aujourdhui, qui est-ce que je peux injurier aujourdhui..Lautre je lai
injurié avant-hier, non, aujourdhui je moccupe de Kabila…Dans quel pays
lon voit cela ? Nulle part ! Mais délibérément, lon se dit :
il faut laisser les gens sexprimer. Injurier ? Je ne suis absolument pas daccord. Calomnier ? Pas du
tout ! Mais il faut laisser les gens sexprimer. Savez-vous ce que les
voisins disent de nous : Monsieur le président Kabila, quest-ce qui se
passe chez vous là-bas ? Comment se fait-il que vous ayez une soixantaine
de chaines de tv, et tant de radio ? Ici chez nous ça ne peut pas se
passer comme cela ! Comment
faites-vous avec ces politiciens qui déclarent matin, midi, soir ce quils
veulent, et ils ne sont pas du tout
inquiétés ? Et ma réponse a toujours été : ‘Cest ça le Congo.
Cest ce qui fait du Congo un grand pays. Mais, il y a des limites, il faut
quil y en ait. Sinon, ce sera le libertinage et le chaos. Alors, il ny a
personne qui peut et qui doit prétendre que la démocratie est arrivée au
Congo parce quil lavait voulu. Non,
cest parce que nous, peuple congolais, avons fait ce choix. On a levé cette
option.
Et maintenant le processus électoral
En 2006, après ladoption de la
Constitution, il fallait organise, pour la toute première fois depuis 1960, des
élections libres, démocratiques et transparentes. Et lon avait commencé par
les opérations denrôlement. 26 millions
délecteurs enrôlés. On avait un budget de 350millions dollars. Le financement
était par les partenaires de la RDC (PNUD, Nations Unies…). On avait une
Commission Electorale Indépendante ‘CEI, avec à sa tête un abbé, Apollinaire
Malumalu. Paix à son âme ! Les élections 2006, cétait une première
expérience réussie. On peut émettre des avis, critiquer ce processus, mais
cétait des élections réussies. Mais malgré le bon déroulement de ces
élections, il y avait quand même des contestations dès la publication des
résultats. Contestation des résultats ici même à Kinshasa ! Et en tête,
bien sûr, le candidat qui avait perdu et qui navait pas reconnu les résultats
des élections. Mais aussi une partie de lEglise catholique : ‘on ne
reconnait pas ces résultats …Mais qui a organisé ces élections ? Un abbé
catholique ! Autrement dit, le président de la CENI, abbé de son état,
était désavoué ! Et, en 2007, on
avait une petite guerre ici à Kinshasa, déclenchée par le candidat malheureux
aux élections présidentielles. En 2011, deuxième cycle des élections, presque
la même chose. Ce nétait plus un abbé catholique à la tête de la Commission
électorale, cétait plutôt un pasteur. Mais ce que vous ne savez pas cest que
les présidents de la Commission électorale sont élus par les confessions
religieuses. Il y en a 7, et elles avaient présenté leur candidat. En 2006,
cétait labbé Malumalu ; en 2011, le pasteur Mulunda. Et maintenant
également, il y a eu une élection, et un nouveau président de la CENI, élu par
les confessions religieuses parce quelles font partie de la Société civile.
En 2011, on avait levé loption de
financer les élections nous-mêmes, après avoir constaté beaucoup de
tergiversations de la part de nos partenaires. Il était important, vu que les
élections sont une question de souveraineté dans un pays, on avait levé
loption de financer les élections nous-mêmes. Le budget des élections de 2011
se chiffrait entre 450 millions et 500 millions dollars. 32 millions
délecteurs. Et le mois de novembre 2011, on avait effectivement organisé les
élections.
Mais quest-ce qui sest passé avant lorganisation
des élections de Novembre 2011 ? Trois semaines avant lorganisation des
élections, la même communauté internationale était venue me voir. Jétais déjà
en campagne, du côté de Njokupunda ou quelque autre village, la communauté
internationale, représentée par le RSSG, était venue me voir pour me
dire : ‘Monsieur le président, les
élections étaient prévues dans trois semaines, mais nous ne pensons pas que
cest le moment dorganiser ces élections. Vu quon a déjà contacté les autres
candidats, est-ce que vous ne pouvez pas accepter que nous puissions postposer
ces élections et les organiser dans 6 mois – et pourquoi pas9 mois. Ma
réponse était catégorique : ‘Non, les élections doivent être organisées
comme prévu. Et cétait la fin de la
réunion. Mais deux jours après, la MONUSCO qui avait pourtant accepté dassurer
de son appui logistique la CENI, avait
retiré cet appui logistique, qui est pourtant lélément clé, la base de
lorganisation dune élection. Il fallait transporter les urnes, les agents de
la CENI. Mais, comme on avait déjà levé loption dorganiser les élections
nous-mêmes, nous avions pris des mesures et loué les hélicoptères et les avions. Et cest ainsi que les
élections de 2011 ont pu être organisées. Contre la volonté de la communauté
internationale. Mais les candidats malheureux navaient pas accepté les
résultats de 2011.Et comme en 2006, une partie de lEglise catholique navait
pas accepté les résultats de ces élections de 2011.
Mais, nulle part dans la Bible, Jésus
Christ na jamais présidé une Commission électorale. Rendons à César ce qui est
à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Quand on essaie de mélanger les deux,
cest dangereux, le résultat est toujours négatif.
Et en 2011, les candidats qui navaient
pas accepté les résultats sétaient autoproclamés élus, et avaient même prêté
serment…
Et maintenant, pour le troisième cycle
en cours, que faire ? Mon souci, depuis les dernières élections, a
toujours été la cohésion, la transparence dans le processus électoral, le financement
du processus électoral par nous-mêmes. Et cest ce quon est en train de faire.
Mais bien avant daborder ces aspects, la question est de savoir pourquoi
est-ce quon na pas organisé les élections à temps, comme prévu. Il y a de
ceux qui pensent que cest par mauvaise foi, par manque de volonté politique, ou
de vision. La vérité est que les élections nont pas été organisées à temps
parce quen 2012, immédiatement après les élections de 2011, les résultats
annoncés, le pays était confronté à une situation inédite. En 2012, on avait la
ville de Goma occupée par un mouvement, le M23. Dans cette même ville de
Kinshasa, et au niveau du Parlement, la demande de la population, et de tout le
monde, était quil fallait tout arrêter pour faire face à cette situation à lEst, au Nord-Kivu. Effectivement,
on avait tout arrêté, et on avait orienté les moyens pour défendre la République,
la souveraineté du pays et lintégrité du territoire national menacée. Et
pendant 18 mois, on avait orienté les moyens dédiés à la CENI, à la présidence,
même au Parlement, vers cet objectif : reconquérir la ville de Goma et une partie du territoire
occupées. Et une année après, cétait chose faite. Est-ce que je regrette cette
décision ? La réponse est : Non ! Cétait la bonne décision. Et
avec cette décision, on avait effectivement repris le contrôle de la ville de
Goma et du pays dune façon générale.
Alors, il fallait bien préparer le 3ème cycle électoral et très bien
préparer les élections. Je félicite la CENI qui travaille dans des conditions
difficiles, voire extrêmement difficiles, surtout à lintérieur du pays. Et
cette Commission a aussi perdu des agents dans le grabuge et les attaques
terroristes au Kasaï. Quatre à cinq agents de la CENI étaient attaqués,
mutilés, décapités, seulement parce quils étaient de la CENI.
Aujourdhui, on tend vers la fin des
opérations denrôlement dans les Kasaï, on est à quelque 46millions denrôlés.
En Angola, cétait 2 millions denrôlés ; au Congo Brazzaville 2,2millions
délecteurs ; au Gabon 500.000 ou 600.000 ; au Kenya 24 millions d
denrôlés, avec un taux de participation de 3%, soit 8 millions. Donc, les
élections en RDC, vu létendue, nécessitent des vastes opérations. Et par
expérience, on avait lobligation de préparer très bien, et minutieusement ce
processus. Le budget pour ces élections : 1,2milliard dollars. Je le dis
assez souvent, les élections dans ce pays commencent à nous coûter beaucoup
plus cher que même le développement du
pays. A un certain moment, on sera obligé de lever loption : est-ce quil
faut quon soit cité à travers le monde comme le pays le plus démocratique ou
bien est-ce le développement qui compte ? Sinon, il faut trouver
léquilibre entre les deux. Cela veut dire quil faudra lever des options,
prendre des décisions courageuses pour ne plus tomber dans la situation quon a
aujourdhui : 1,2 milliard pour les élections alors quon a un budget de 4
ou 7 milliards de dollars. Cest tout à fait inadmissible.
Le financement de ce processus est
assuré entièrement par lEtat congolais jusque-là. Chaque mois, cest entre 20
à 30 millions dépensés pour les élections. Et à mesure quon avance, on va même
dépasser les 45millions dollars par mois pour le financement de ce processus.
La loi électorale a déjà été adoptée et promulguée ; le calendrier déjà
publié ; il reste la loi sur la répartition des sièges. Mais celle-ci ne
peut intervenir quaprès la fin des opérations denrôlement, après le nettoyage
du fichier électoral. Et la fin des opérations denrôlement cest fin
janvier-ci, début février. On est donc sur la bonne voie. On est sur les rails.
Et lobjectif cest lorganisation des scrutins.
Mais comme en 2006 et en 2011, il y a
une résistance farouche de la part dune frange de lopposition, une frange de
ce quon appelle la Société civile, et de la part dun homme de Dieu. Mais que
faire ? Il faut aller aux élections
comme prévu. Je constate seulement que de notre côté il y a des perspectives
qui sont claires, il y a une feuille de route, il y a des options claires déjà
levées. Mais quest-ce quon nous propose en face ? Néant !
Zéro ! Un saut dans le vide, dans linconnu, sans base juridique. Comment
va-t-on structurer tout ça, dans combien
de temps, et qui va financer ? Mais est-ce que lon peut améliorer ce
processus ? Certainement ! Est-ce que la porte est fermée ? Je ne pense pas. Sil y a ceux qui
pensent quils sont très intelligents, quils sont des génies, des savants, et
quils ont des idées pour quil y ait une amélioration de ce processus, la
porte leur est ouverte ! Mais, essayer de faire dérailler ce processus,
avec des propositions farfelues, cela est tout à fait inadmissible.
Sur le plan diplomatique
Quelles sont nos relations avec les pays voisins ? Quelles sont nos relations avec nos partenaires et la
MONUSCO. On a de très bonnes relations avec nos voisins. Il y a certes beaucoup
de rumeurs, mais on a de très bonnes relations avec nos 9 voisins et sur les 35
kms au niveau de la côte, de lOcéan. Mais est-ce quil ya des problèmes ?
Oui, certes ! On a des problèmes de
réfugiés. Au niveau de la frontière avec la République centrafricaine, des
dizaines de milliers de réfugiés, vu le conflit en RCA. On a le même
problème au niveau de la frontière avec
le Sud-Soudan. Il y a des réfugiés rwandais qui sont toujours à lEst du pays. On a des réfugiés burundais dans la plaine de
la Ruzizi et à Lusenda. Il y a des contacts qui sont en cours pour quil y ait
une solution concertée à ces problèmes. Il ne faut pas oublier quil y a aussi
des compatriotes à nous qui sont allés
en Ouganda, vu les opérations en cours contre les ADF, au niveau du Nord-Kivu
et du Sud-Kivu. Est-ce quon a des problèmes liés à la sécurité ou à la sécurisation
de nos frontières ? La réponse est ‘oui. Mais comment peut-on résoudre
ce problème à court, moyen et long terme ? Notre approche est quil faut
quil y ait des solutions concertées entre les pays concernés et nous-mêmes. La
même chose en ce qui concerne les problèmes liés aux groupes armés, les
récalcitrants qui sont en Ouganda, dautres au Rwanda, avec le trafic des minerais. Comment contrôler
tout cela ? Cest de façon concertée. Tout dabord, au niveau interne, au
pays, il faut une réorganisation, et par la suite, une concertation au niveau
de la région et sur le plan bilatéral. Lambition de la RDC est de faire en
sorte que le socle de nos relations soit la coopération économique entre les
pays de la région : une fluidité à travers nos frontières, la construction
des infrastructures communes entre le Congo et ses voisins.
Quelles sont nos relations avec nos partenaires ? On a de très bonnes relations avec tous nos partenaires,
avec tout le monde, sauf quelques exceptions. Ces exceptions, cest parce que
le Congo a refusé le diktat sur ce que lon doit faire, comment et quand. Ces exceptions, cest parce que le Congo tient
à se faire respecter. Je le dis assez souvent : même lhomme le plus
pauvre a besoin de ce quon appelle la dignité. Cest le minimum. Même si vous
lui donnez à manger, vous lui devez le respect. Or, il ny a personne qui nous
donne à manger, à nous, le Congo. Le Congo tient à sa dignité. Et le Congo doit
être respecté à linstar dautres pays, et dautres nations du monde. Ces exceptions, cest aussi parce que le Congo
a refusé que laide ou largent soit utilisé comme moyen de subordination de notre pays. Comme si lon
peut acheter la souveraineté de la RDC ou même acheter son indépendance. Le
Congo, mon pays, nest pas à vendre ! Il y a des exceptions parce que le
Congo a refusé et rejeté cette façon dagir comme si les responsables congolais
doivent être nommés ‘par des partenaires. Ce que nous voulons, cest une
coopération basée sur le respect mutuel, le respect de notre peuple, le respect
de notre pays, de nos institutions, de la même façon quon a du respect pour
les autres pays, les autres peuples. De toutes les façons, quest-ce quon peut
encore donner au Congo et aux Congolais quon na pas ? Le Congo na
besoin que de ça, le respect.
Nos relations avec la MONUSCO ? Cette mission des Nations Unies a été envoyée dans notre pays depuis
maintenant une vingtaine dannées. On doit clarifier dans les jours à venir nos
relations avec la MONUSCO. Il y a une incompréhension. Parce quaprès une
vingtaine dannées, lon a comme limpression que cest une mission qui a comme
ambition de rester. Et ce jusque quand ? Il ny a rien de nouveau dans ce
que je suis en train de vous dire ici. Cest depuis 2010, pour la première
fois, que javais exigé du SG des Nations Unies à lépoque de nous préparer un plan de
retraite. Et depuis, nous avons eu plusieurs réunions, et à plusieurs niveaux, avec les Nations Unies.
On a dressé des plans pour le retrait, ces plans ont été rejetés. Est-ce que la
mission considère le Congo comme étant sous tutelle des Nations Unies ? Ils
ne lont pas dit, du moins jusque-là. Jespère bien que ce nest pas le cas. Il
ny a pas de cogestion de ce pays avec la MONUSCO. Parce que cest cela la
tendance. On se réveille un bon matin, ‘la MONUSCO a dit… Je me souviens à lépoque,
quelquun avait posé la question : Monique (au lieu de MONUC) cest
qui ?La RDC doit maintenant exiger le strict respect de laccord de siège,
‘SOFA en sigle, violé à maintes reprises par la MONUSCO. On avait à un
certain moment plusieurs groupes armés à
lEst du pays, on a toujours posé la question à nos amis de la MONOSCO :
citez-nous un seul groupe que vous avez réussi à éradiquer. Même un seul !
Aucun ! Même les opérations en
cours sont menées par les FARDC. On avait un problème au Kasaï, et au niveau de
la MONUSCO, ce nétait pas du tout un problème. ‘Non, non, entendait-on dire,
cest plutôt le gouvernement, larmée, qui est allée sattaquer à sa propre
population. On envoie des enquêteurs de lONU ici, et au lieu davoir une
bonne coordination avec les autorités sur place, ils sont vite dépêchés à
Kananga, et voilà, le pire est arrivé. Ils ont été décapités de la manière la
plus atroce. Cest seulement après cet incident que la MONUSCO se
réveillera : ‘ Oui, finalement ces gens sont des bandits, des mauvais
garçons ; ce sont des terroristes !Mais quand la population était
massacrée, de la même façon, on navait jamais réagi. Là, cétait des gentils garçons.
Depuis 7 ans, on na fait que dire à la MONUSCO que les ADF sont un
mouvement terroriste. Réaction : ‘Non,
non, ce nest pas un mouvement terroriste, vous exagérez, le Congo. Il a
fallu quil y ait des pertes au sein du contingent tanzanien pour
quaujourdhui lon se réveille à la réalité quil sagit bien des terroristes.
Jai plein dautres exemples. Mais on na pas assez de temps.
Situation économique, sociale et des infrastructures
Il y a eu une évolution très positive
de la situation de notre pays, par
rapport à la situation de 15 ou 17 ans auparavant.
Depuis 2002, on a enregistré un taux de croissance positif. Aujourdhui, on est
à un taux de 3,5% ou 4% de croissance contre un taux de croissance moyen de 2%
au niveau du continent. Mais lobjectif pour nous, surtout aux années
2014-2015, cétait datteindre un taux de croissance à double chiffre, 10%, neût
été cette crise économique mondiale. Notre bataille aujourdhui cest la
stabilité du cadre macroéconomique, la stabilité de la monnaie, le Franc
congolais, qui avait subi des secousses aussi il y a cinq ou six mois. Lobjectif, après cette
stabilisation, je lai dit il y a une année, cest de diversifier notre
économie. Aujourdhui, lattention est focalisée sur le secteur minier ; mais
il ny a pas que le secteur minier. Il faut faire en que lagriculture soit une
priorité des priorités. Le secteur des hydrocarbures, on va accélérer loctroi
des permis dexploration et peut-être, dici deux ou trois ans, lexportation.
Parce quaujourdhui, notre production se situe entre 30.000 et 35.000 barils
par jour. Et ce, uniquement au niveau de la côte. Or, on a aussi la possibilité
des gisements à lintérieur du pays. 80% de notre économie sont dans linformel.
Le défi est de faire en sorte quil y ait un meilleur contrôle, de rendre le
tout formel. Et une des priorités pour le moment est de réussir les réformes,
avec en tête la réforme fiscale. Il faut rendre beaucoup plus fluides les
investissements et les affaires en RDC, en finir avec la bureaucratie et la
multiplicité des taxes. Et au fur à mesure, avec cette amélioration de la
situation économique, il y aura certainement des retombées sur le social. Cest
déjà le cas, principalement au niveau des fonctionnaires de lEtat.
Quant aux infrastructures, notre
politique tient dans les grands travaux : reconstruire le pays. Parce que
lon navait plus dinfrastructures. Il nétait plus possible de quitter Matadi
jusquà Kinshasa le même jour. Actuellement, cest déjà chose faite. Depuis
cinq à six ans, lon peut aisément quitter Kinshasa jusquà Boma. Et les
travaux sont en cours pour relier Boma à la côte, jusquà Banana, Moanda. Même
chose en ce qui concerne dautres routes stratégiques et clé : par
exemple, Bukavu-Uvira. Là, on va accélérer le rythme des travaux. Notre
ambition, je lavais dit il y a trois ans à lAssemblée nationale, cest de
relier le Sud-Est du pays à lOuest ; et cela est en cours. Lon est déjà
arrivé jusquà Tshikapa ; et les
travaux sont en cours du côté de lancienne province du Katanga, ainsi que vers Mbuji-Mayi et Kananga.
Il y a également Lubumbashi-Kolwezi ; la première fois que jétais parti à
Kolwezi, voici douze ans, cétait par route et il ny avait pas de routes. A
lheure actuelle, lon a une belle route de Lubumbashi jusquà Kolwezi. Et
lobjectif est daller jusquà Dilolo, à la frontière avec lAngola. In fine,
avec ce projet on aura réunifié le pays ainsi que nos provinces et rendu le
commerce beaucoup plus fluide, au bénéfice du développement du pays. Voilà !
Jeu de questions et réponses
RFI : Serez-vous candidat à
la présidentielle du 23 décembre 2018 ?
J. Kabila : Est-ce quon a une
copie de la Constitution du Pays ? Veuillez remettre une copie à ma petite
sœur ici, journaliste de RFI. Merci !
Antenne A : Quel a été votre
plus grand succès pendant ces 17 ans de règne, et quelle a été votre plus
grande faiblesse ?
J. Kabila : Le succès cest
la réunification du pays, le fait que le Congo existe toujours. Beaucoup
avaient parié sur la disparition, sur le démantèlement de ce pays. Le fait que
le Congo existe, avec ses institutions en place, et que lon parle aujourdhui
dun 3ème cycle des élections, cest une réussite. Il y a aussi des
avancées sur le plan économique et autres, jen ai beaucoup parlé.
Faiblesse ou échec ? Peut-être des
regrets. Cest quavec mon équipe, on na pas réussi à transformer lhomme
congolais. Alors que cétait lobjectif de notre révolution. Jai comme
limpression que quelques points négatifs de lépoque du Zaïre se retrouvent en RDC. Jaurais bien voulu en
2018, maintenant, avoir un homme congolais nouveau, avec une autre façon de
voir les choses, de réfléchir et de faire. Cest un regret, mais il nest
jamais trop tard. On va continuer à travailler pour atteindre cet objectif.
Reuters : Il y a des
opérations en cours contre les ADF-NALU dans le territoire de Beni. Est-ce que
les FARDC vont à elles seules faire la différence et en finir une fois pour
toutes avec ce phénomène pour que les
fils et filles de ce territoire vivent enfin en paix ?
J. Kabila : Bien sûr.
Cest cette même armée de la RDC qui a mis en déroute plusieurs mouvements :
Inyele, M23, des Groupuscules Maï-Maï, et Kamwina Nsapu, au centre du pays… On
est déterminé. Ce que vous devez aussi savoir, je lai dit, les ASDF sont un
mouvement terroriste. Au sein de ce mouvement, se retrouvent des Ougandais, des
Somaliens, des Kenyans, des Tanzaniens, des Tchadiens, et tout récemment des
Sud-Africains… Notre approche cest daller jusquà la fin de cette aventure
ADF, mais sans exclure la participation, par des renseignements notamment,
dautres pays. Vu quil y a des éléments venant dautres pays, que jai cités
ici de manière non exhaustive. Pour le moment seules les FARDC sont engagées sur
le terrain dans les opérations en cours. Aucun autre pays ne sest encore
prononcé pour appuyer ces opérations. Mais nous avons la capacité daller jusquau
bout.
France 24:Votre
réaction en tant que président de la République face aux marches qui se sont
déroulées en fin dannée 2017 et début 2018 et des violences près des églises, avec
des morts ?
J. Kabila :Tout
dabord, cest loccasion pour moi de présenter mes condoléances à tous ceux
qui ont perdu les leurs et parmi eux des innocents, des policiers, et quelques
manifestants. Je pense que ce nétait pas du tout nécessaire. Une manifestation
ne doit pas conduire à une situation de mort dhomme. Non ! Pas du
tout ! Mais je vous ai brossé la situation depuis 2006. En 2006 lon avait
presque la même situation, avec des manifestations. En 2011, cétait même pire.
Un candidat aux élections présidentielles, Joseph Kabila, était empêché de
tenir son meeting de campagne dans cette ville par les militants dun autre
parti politique. Je crois bien quil y a ce quon appelle la culture politique,
mais il y a aussi la culture démocratique. Il faut cultiver cela. Lon doit
comprendre nous tous – opposition, majorité, administration –et faire que les élections,
et surtout laprès-élection, soient une fête de la démocratie dans notre pays.
Il ne faut pas que ce soit le deuil. Si on a organisé les élections en 2006 et
en 2011, cest parce quil y avait aussi une campagne électorale pendant un
mois. Et une campagne électorale, cest plus quune simple manifestation. Les
gens se sont exprimés. Deux cents ou 300 partis politiques ont tenu des meetings partout à travers le
pays. On navait pas autant de pertes en
vies humaines. Dans les jours à venir, notre mission sera de faire en sorte que
lon arrive à empêcher la perte en vies humaines mais pas nécessairement en
empêchant des manifestations. En même temps, les organisateurs de ces
manifestations doivent aussi en répondre. Puisque ce sont eux les responsables
de ces manifestations, par ricochet, ils le sont aussi des résultats positifs ou négatifs. Au
lieu que ce soit uniquement lEtat congolais. Vous nêtes pas sans savoir quun
des policiers qui avait tiré sur ‘un manifestant a déjà été arrêté. Et
là-dessus, on est vraiment strict quant aux forces de lordre et leur façon
dagir sur le terrain. Et de la même façon, jaimerais bien que les
responsables de lorganisation des manifestations soient, eux également, aussi
rigoureux avec les manifestants et leur façon dorganiser toutes ces manifestations.
Géopolis :Parce que nous
parlons de démocratie, pourquoi ne pas faire un effort pour que le droit de
manifester trouve un équilibre avec lordre public ? La même Constitution
que vous évoquez donne aux Congolais le droit de manifester leurs points de
vue. Puisque vous êtes un démocrate, comment faire en tant que Nation pour que
ceux qui manifestent ne se retrouvent pas forcément dans une position
dangereuse ?
J. Kabila : Cest cela aussi
le souci qui manime. Au moment où nous parlons il y a, au niveau du Sénat, une
loi sur les manifestations, adoptée mais renvoyée en seconde lecture par la Cour Constitutionnelle qui lavait
jugée inconstitutionnelle. Donc Assemblée nationale et Sénat doivent revoir
cette loi. Je pense quà la session du mois de mars on aura une loi qui va
recadrer tout ça. Cest vrai, la Constitution a garanti le droit de manifester,
mais la même Constitution a aussi prévu que lautorité administrative peut
refuser ou rejeter une demande de manifestation. Et puis, la démocratie, cest magnifique,
mais ce nest pas la foire ! La loi va nous aider à recadrer tout cela. Et
jespère que ce sera un nouveau départ pour tous ceux qui souhaitent
sexprimer, même à travers les manifestations.
BBC : Après que les élections
prévues en 2016 ont été déjà reportées, quelles garanties les Congolais peuvent
avoir de vous, Monsieur le président de la République, quil ny aura plus un glissement sans
fin ?
J. Kabila :Les mêmes
garanties que lon avait en 2006 et en 2011. Qui a organisé les élections dans
ce pays ? Ce nest pas la BBC. Cest la même Commission électorale. Nous
avons une Commission électorale nationale indépendante qui a déjà publié le
calendrier. Vous ne pouvez pas avoir dautre garantie en dehors de ce que la
CENI a publié. Noubliez pas que les
élections, ce nest pas seulement cette année quon les aura. Il y a aussi des
élections en 2019. A part les présidentielles, législatives et provinciales, il
y aura aussi les locales… Vous avez les garanties que ces élections seront
organisées, de la même manière quelles lont été en 2006 et 2011.
AFP :Vous avez évoqué des
choix à faire entre le coût des élections et le développement de même quun
risque de saut dans linconnu. Est-ce à
dire que ces élections pourraient être à nouveau reportées si la
situation dégénérait ou que les caisses de lEtat étaient en panne? Vos adversaires ne vous
font pas confiance, vous et votre majorité présidentielle, ils vous accusent de
vouloir organiser un referendum pour modifier la Constitution. Quelle est votre
réponse par rapport à ces commentaires souvent entendus à lopposition et à la
Société civile ?
J. Kabila : La CENI a déjà
publié un calendrier électoral. Je ny
ai vu nulle part prévue lorganisation
dun referendum. Il faut consulter ce calendrier.
Quant à lautre question, il y a un malentendu.
Le budget des élections en 2011 était entre 450 millions et 500 millions dollars. Pour le présent
cycle électoral, il est de 1,2 milliard. Mon point de vue est que le coût est
exorbitant. Avec 1,2 milliard dollars, cest plusieurs hôpitaux, plusieurs
écoles, et universités, et plusieurs
kilomètres de routes quon peut construire. Alors je dis : ‘les élections
seront organisées ; mais après les élections, il faudra quil y ait une
réflexion. Est-ce quon va continuer avec le même système ? Ou est-ce quil
faudra prendre des mesures et engager des réformes pour rendre les élections
moins coûteuses quelles ne le sont actuellement, et économiser le temps, et
surtout les moyens.
Le saut dans linconnu, cétait en
rapport avec les manifestations à Kinshasa. La question cest de savoir :
quel est le but ? Lobjectif final cest daller où ? Est-ce que cest lorganisation des
élections ? Je ne pense pas, parce que le calendrier est déjà là !
Alors, quelles sont les propositions mises sur la table par ces manifestants ? Je ne les ai pas. Je ne
connais pas leurs revendications, ni par lettre ni par une déclaration. Il y a
des propositions farfelues qui ne vont nous amener nulle part. Cest cela le
saut dans linconnu.
La Référence Plus : La RDC,
sous votre gouvernance, a toutes les unités formées pour lencadrement des
manifestations. A chaque fois quon parle de répression, cest limage de la
RDC et de son président de la République qui est ternie. Or, dans un rapport,
les laïcs catholiques ont relevé que sur 26 provinces, lon a connu 12 marches
bien encadrées. Si cela sétait déroulé
ainsi partout, cela aurait donné une bonne image du pays. Quest-ce qui manque
à la République pour pouvoir encadrer les manifestations avec ces unités bien
formées en cette matière ?
J. Kabila : Vous avez répondu
vous-même à votre question. Si dans 12 entités, il y a eu un bon encadrement,
quest-ce qui se passe à Kinshasa pour que cela ne se passe pas de la même
manière ? A vous de répondre. Il y
a deux ans, dans cette même ville, lautorité provinciale avait accordé à des
partis politiques lautorisation de manifester. Quel a été le bilan ?
Autant de morts ! Je ne suis pas contre les manifestations
pacifiques ; je ne serai jamais contre les manifestations politiques. Mais
si une manifestation a comme but de brûler, tuer les policiers, incendier le
Palais du peuple, comme cétait lobjectif en 2015, tuer tout le monde…
vous appelez cela ‘manifestation
pacifique ? Jai toujours dit à mes interlocuteurs qui viennent de
Washington, Genève… : ‘Cest magnifique de rester dans vos bureaux
climatisés. Vous navez pas davis à émettre sur mon pays que vous ne
connaissez pas. Jai parlé de la culture démocratique : est-ce que les
objectifs poursuivis par les manifestants sont en phase avec ce quon appelle
la démocratie ?
Mais quà cela ne tienne. Si dans douze
localités il y a eu des manifestations très bien encadrées par la police, alors
il faut féliciter cette police. Pourquoi
ne la félicite-t-on pas ? Et si à Kinshasa, il y a eu du grabuge, il y a
des enquêtes qui sont en cours, lon saura exactement qui en est responsable et
qui a fait quoi, comment et pourquoi. Vous nêtes pas aussi sans savoir que
pour quil y ait une autorisation de manifester, il faut quil y ait un
responsable à lorganisation, il faut donner litinéraire des manifestations pour quelles soient
encadrées par la police. Quand des organisateurs refusent même de signaler à la
police le trajet de leur marche, comment cette police va sécuriser les
manifestants ?Lautorité provinciale avait invité les organisateurs des
dernières marches, et ils ont refusé dy répondre, de mettre sur la table le
plan de leur manifestation. Ici cest une question de confiance, les
manifestants doivent faire confiance à la police, et de la même façon, la
police et lautorité feront de même.
La Prospérité : A linterne
une frange importante signataire de laccord de la Saint sylvestre se sent
marginalisée, lEglise catholique qui vous a aidé à résoudre le problème de la
fin de votre mandat en 2016 semble aujourdhui évoluer en dehors de vous. Et on
vient de décider de fermer la Maison Schengen et lAgence belge de
développement à Kinshasa. Navez-vous pas limpression que vous êtes dans une
situation où vous évoluez seul contre tous ? Navez-vous pas limpression
de vous isoler ?
J. Kabila : Non, je nai pas
cette impression.
La Prospérité : Vous
confirmez les élections du 23 décembre 2018. Est-ce que ces élections ne vont
pas se dérouler dans des conditions non apaisées, parce quil fallait la
décrispation politique, la libération des prisonniers, la fin de lexil. Navez-vous
pas le sentiment que laccord politique de la Saint Sylvestre a été appliqué de façon
sélective ?
J. Kabila : Non, pas du tout.
Le mois doctobre 2016, après la signature de laccord à la Cité de lUnion
Africaine, le président de la CENCO et
son vice-président sont venus me voir pour me dire : ‘ Monsieur le
président, nous pensons que laccord signé au niveau de la Cité de lUA est un
bon accord, mais il reste encore une frange de lopposition en dehors. Est-ce
que vous ne pouvez pas accepter que nous puissions faire un travail pour amener
cette partie de lopposition à adhérer à cet accord, ainsi lon aura un accord
complet ? Javais dit : ‘Merci, je pense que cest une très bonne idée,
vous avez le feu vert. Mais noubliez pas que nous navons plus beaucoup de
temps. Ils ont rassuré : ‘Oui, Monsieur le président, ne vous en faites
pas, cela va nous prendre plus ou moins 3 jours. Je me suis exclamé : ‘Trois jours !
Par quel miracle, connaissant ce pays et notre classe politique ? Mais, le
miracle est toujours possible, surtout que vous êtes des hommes de Dieu,
allez-y ! Ils se sont
effectivement mis au travail. Et ce nétait plus trois jours, mais deux ou trois mois. Entretemps, il y a eu beaucoup
déchanges entre la CENCO et moi-même. Ils étaient venus à plusieurs reprises
me faire le rapport. Et finalement, en février ou début mars, le président de la CENCO
était revenu avec une équipe chez moi : ‘Monsieur le président,
on avait cru que cétait facile, finalement nous nous sommes rendus compte que
cest difficile, extrêmement compliqué. Mais nous sommes arrivés à une
conclusion. On a tout terminé, il ne reste que 2 points (la nomination du
Premier ministre et la désignation du président du CNSA). Et nous pensons que
vous êtes mieux placé pour le faire Je me suis dit : ‘Il ny a pas eu
de miracle. Je leur ai répondu : ‘Merci beaucoup, je considère que vous
avez fait un très bon travail. Ce nest pas pour moi, ni pour la classe
politique, cest pour le pays. Concernant les 2 points, je men occupe.
Immédiatement après, jétais allé prononcer mon discours sur létat de la
Nation où javais invité les concernés, à savoir lopposition, à me faire des propositions, à
me présenter les 3 noms des candidats au poste de Premier ministre, car la désignation
du président du CNSA ne demandait pas limplication du président de la
République. Javais donné un délai de quarante-huit heures pour ce faire, parce
quon était pressé, lon devait avoir un gouvernement dunion nationale. Ensuite,
ici au Palais de la nation, jai reçu une partie de la classe politique, tous
ceux qui avaient participé aux travaux pour ladoption de laccord de la Saint
Sylvestre étaient venus et avaient présenté des candidats. Mais dautres
avaient refusé de venir. Jai attendu plus de quarante-huit heures,
contrairement à mes habitudes. Après 6
jours, jétais dans lobligation de nommer le Premier ministre, issu de
lopposition. Qui doit conférer le
statut dopposant dans ce pays ? Est-ce que cest Monsieur Kabila ? Non !
Alors, concernant le CNSA, il y a eu
une élection. Maintenant, nous avons les responsables de ceux institutions,
issus de lopposition.
Pourquoi une partie de lopposition se sent-elle exclue ? Cette
partie de lopposition sétait exclue elle-même, avait levé loption de ne pas
participer aux institutions et au gouvernement. Alors que faire dans ce
cas ? Devait-on croiser les bras et
attendre ? Jusque quand ?
Moi je crois que ce qui importe maintenant et aujourdhui ce nest
plus une affaire de Majorité, Opposition, de Premier ministre, ou de qui sera
qui, mais ce sont les élections et le processus électoral en cours. Jaimerais
bien que nous puissions avoir des élections apaisées. Cest une option, cest
une décision prise depuis 2012.
Quant au dialogue, il ne date pas daujourdhui. On a fait du dialogue
un mode de gestion dans notre pays depuis 2012 jusquaujourdhui. Et sil faut
aller plus loin, cest depuis 2001,
depuis Sun City jusquaujourdhui !LObjectif est donc davoir des
élections vraiment apaisées avant, pendant et surtout après les élections.
Est-ce cela lobjectif de tout le monde, de lEglise, de cette frange de
lopposition ? Je ne sais pas. Mais, comme en 2006, face à une situation
pareille, on na plus le choix que de foncer et daller vers les élections.
Cest au peuple congolais de décider.
Sagissant de la question de la décrispation politique, le CNSA a ce
dossier en mains. Cest au CNSA de statuer pas au président de la République.
Tropicana : Les chefs dEtat que nous avons eu au
Congo nont pas évolué sur un point : tous les pays peuvent parler, mais
lorsque la Belgique parle, on ne peut même pas lignorer, cest tout de suite
des décisions spectaculaires. Nest-ce pas vrai ?
J. Kabila : Non ! Pas du
tout. Il se passe que la Belgique a levé loption de suspendre la coopération
ou loctroi de 25 millions deuros à la RDC. Ce que vous ne savez pas cest que
depuis une année, nous avons eu des contacts avec la Belgique, les responsables
belges. Notre discours a été clair : Vous devez arrêter de comploter
contre notre pays. Et on a des éléments à lappui. Mais ils ont continué avec
les complots. Aujourdhui, je constate seulement que la Belgique a annoncé une
décision. La RDC a fait la même chose au nom de la réciprocité caractérisant
les relations diplomatiques. Que dire encore ? Il ny a plus rien à
dire. Moi je pense que lévolution, ce nest pas seulement ici au Congo, il
faut quil y ait aussi une évolution au niveau de la Belgique. Les responsables
belges doivent comprendre que le Congo nest plus une colonie, et que le peuple
congolais est un peuple fier, et déterminé à défendre sa souveraineté et son
indépendance. Et je le dis : on a besoin des bonnes relations et du
respect mutuel entre la RDC et la Belgique, ou la France ou dautres pays. De
notre côté, il ny a pas eu du tout une réaction épidermique. Non ! On a
été calme, patient, courtois, gentil. Au Congo, on appelle les Belges ‘noko
(oncles). Mais je pense quon est des cousins.
En fait, oncles ou cousins, peu importe, ce quil faut cest le respect entre
les uns et les autres.
RFI : LONU, les catholiques, et plusieurs ONG
pensent que la décrispation du climat politique na pas évolué. Vous, en tant
que garant de la Nation, quel est votre sentiment en ce qui concerne la décrispation ?
J. Kabila : Il y a une
évolution. Ne vous en faites pas, il y a eu beaucoup dévolution en ce qui
concerne la décrispation politique. Il y aura certainement encore des
évolutions à mesure quon avance. Je me suis toujours posé la question de savoir
de quoi il sagit quand on parle de décrispation. Faut-il libérer les 10.000
prisonniers que lon a pour constater queffectivement il y a une décrispation ?
Faut-il quon ait 3000 partis politiques pour avoir la décrispation ? Le Congo nest pas une République bananière.
On a comme limpression que ce que lon ne peut pas faire ailleurs, on peut le
faire au Congo. De toute façon, il y a une structure mise en place, le CNSA,
qui est à pied dœuvre et sil y a effectivement des plaintes, cest au niveau
de cette structure quil faut sadresser. Si lon avait réussi la décrispation
en 2006, et en 2011, lon va certainement réussir la décrispation avant,
pendant, peut-être après les élections. Mais le tout doit être conforme aux
lois de la République et à la Constitution en vigueur. Voilà ce que je peux en
dire.
Mot de la fin
J. Kabila : Je vois – pour
employer un mot que lon a utilisé- que
vous êtes des journalistes médiocres
(rires). Il y a deux ou trois questions que vous auriez dû me poser, mais vous
ne lavez pas fait. Des questions du genre : ‘Monsieur Kabila le plus
riche, ‘Panama papers, etc. Mais jaimerais quand-même aborder cette
question, qui nest même pas une question clé :‘Panama papers, ‘les
membres de ma famille ! Je pose souvent la question à mes interlocuteurs :
‘Citez-moi un seul membre de ma famille, un seul, par son nom, un qui a un
poste au gouvernement central, dans ladministration, au gouvernement
provincial, dans la mairie dune ville… Citez-le moi ! Aucun ! Il
nexiste pas. Alors comment est-ce que ces membres de ma famille doivent vivre ?
Et ils sont nombreux ; ils doivent travailler, travailler dur, cest cela
la culture chez nous !
Quà cela ne tienne. On parlera peut-être de tout cela la prochaine fois.
En conclusion de mon propos de ce 26
janvier 2018, je pense que le Congo est sur une bonne voie, celle de
lorganisation des élections. Jaimerais bien que notre peuple ait ses
apaisements. Notre population doit rester calme. On fera tout pour que les élections
soient effectivement organisées. Pas nimporte quelles élections, des élections
libres, démocratiques, organisées par les Congolais. Et non des élections
influencées par quelquun, un pays, ou un groupe de pays. Non !
On est aujourdhui le 26 janvier,
rendez-vous à la presse peut-être dans un mois ou deux. En tout cas ce ne sera
plus six ans ! Ce sera loccasion pour nous de faire une autre évaluation
du processus électoral et de lévolution de la situation dans notre pays.
Mesdames et Messieurs, que Dieu vous
bénisse !