20.02.18 Critique de mon “Lascension de Mobutu” dans La Libre… une réplique (Ludo De Witte)
a) Cros prétend que les USA ont poussé la Belgique à écraser les rébellions nationalistes qui, en 1964, contrôlaient près de la moitié du territoire congolais. Cela est faux et je lai amplement démontré dans mon livre: cést le gouvernement belge qui avait pris les devants, avec le soutien initial des Américains. Bruxelles imposa à Washington lassaut final sur la citadelle de la rébellion, Stanleyville-Kisangani, contre la volonté des Américains, qui voulaient négocier une reddition avec les rebelles.
b) Cros écrit que “Selon De Witte, la Belgique ne voulait pas intervenir militairement pour ne pas risquer de mettre en danger les quelque 60.000 Belges qui vivaient alors au Congo”. Des motifs humanitaires? La vérité est que la Belgique, après une hésitation initiale, a foncé et tout misé sur lécrasement des rébellions, sans aucune considération pour la vie des Noirs et des Blancs vivant dans les zones rebelles. Des Blancs qui étaient susceptibles de devenir la cible de représailles éventuelles de la part des rebelles. Le but était de continuer lexploitation de lappareil productif sous un gouvernement pro-occidental qui garantirait des superprofits, comme à lépoque coloniale. Lambassadeur britannique au Congo faisait remarquer dans un telex à Londres que son collègue, lambassadeur belge, avait admis «franchement que le seul souci de son gouvernement est de pouvoir faire des affaires ». (16 juin 1964)
c) Cros écrit: “ il fut fait appel à des mercenaires pour étouffer [les rébellions] et à quelques officiers belges.” Elle suggère que cest Mobutu qui avait fait appel aux mercenaires, bien que ce fût surtout les Belges (Gendarmerie belge et Sûreté dEtat inclus) et les Sud-Africains qui sen occupaient… Cros parle de la participation de “quelques officiers belges”, bien que en vérité plus au moins 200 officiers belges, 65 au front et 130 à létat-major et des équipes pour soutenir la force aérienne, étaient déployées.
d) Pour conclure, Cros écrit que “toute personne un peu au fait de lhistoire congolaise napprendra rien dans cet ouvrage sur celui [Mobutu et son coup d‘Etat du 24 novembre 1965] qui dirigea le pays durant 31 ans.”
Une conclusion vraiment bizarre. A travers le livre je démontre, documents à lappui, fruit de recherches dans les archives américaines, belges, britanniques et congolaises, et complétés par des interviews avec des officiers, des rebelles, des colons, des mercenaires, des agents de la CIA et des religieuses, comment Mobutu, chef détat dune larmée congolaise en désintégration au fur et à mesure de lavance des rebelles, était marginalisé durant cette période; comment les officiers belges et les mercenaires ont détruit la menace mortelle pour le régime et ont rafistolé son armée pendant que les officiers de Mobutu mordiaent “sur leur chique et acceptaient dobéir”, selon les termes de lambassadeur belge sur place; comment finalement les USA et les Belges, y compris le ministre des Affaires étrangères belge Paul-Henri Spaak et son adjoint Etienne Davignon ont poussé un Mobutu, rehaussé, dinstaurer sa dictature, une fois les rébellions détruites; et finalement, comment ils ont encadré le dictateur.
Ludo De Witte, 19.02.18