12 03 18 – Rapport réalisé par la Commission dEnquête Mixte, sur les allégations des violations et atteintes relatives aux droits de lHomme en lien avec les manifestations du 31 décembre 2017 et 21 janvier 2018.
INTRODUCTION
Le présent
document est le rapport réalisé par la Commission dEnquête Mixte,
CEM-3121 » en
sigle, créée par Madame Marie-Ange MUSHOBEKWA, Ministre
des Droits Humains
de la République Démocratique du Congo suivant
lArrêté
ministériel n° 001/CAB/ MIN/DH12018 du 1er février 2018 sur
les allégations
des violations et atteintes relatives aux droits de
lHomme en lien
avec les manifestations du 31 décembre 2017 et 21
janvier 2018.
Ces allégations
ont été à la base de la consultation que le
Gouvernement de la
République Démocratique du Congo, à travers le
Ministère des
Droits Humains, avait entreprise avec des organisations
de la Société
Civile en vue de les collecter, les vérifier et faire
poursuivre en
justice leurs présumés auteurs.
‘.
Les travaux de la
CEM-3121 se sont déroulés du 5 février 2018 au 10 mars 2018.
Le rapport revient
sur:
– le contexte
sociopolitique de la République Démocratique du Congo(l) ;
– la méthodologie
de travail (II) ;
– le cadre légal
de lorganisation des manifestations publiques, du
maintien de
lordre public, du droit à la vie, du droit à lintégrité
physique, du droit
à la liberté et la sécurité de la personne, du
droit à la liberté
de culte, de la liberté de mouvement, du droit à la
propriété privée,
du droit à la justice, du droit à la santé (III) ;
– les violations et atteintes des droits de
lhomme constatées (IV) ;
– les actions
prises par le Gouvernement sur recommandation de la CEM-3121 (V)
– conclusion et
recommandations (VI).
Ce rapport a été
élaboré sur base de 122 (cent vingt-deux) victimes et
ayants-droits
ainsi que témoins auditionnés qui ont accepté de
répondre à
linvitation de la CEM3121 ,réalisées uniquement dans la
ville de Kinshasa.
Il mentionne 14 (quatorze) morts, 65
(soixante-cinq)
blessés, 40 (quarante) cas darrestations, détentions,
tortures et
traitements cruels, inhumains et dégradant ainsi que 10
(dix) cas
dextorsion et vols à mains armées.
Dans le souci de
protéger les victimes, ayants-droit et témoins, le
présent rapport
na pas repris leurs identités. Il en est de même pour
les présumé$
auteurs des violations et atteintes aux droits de
lHomme. Ces
éléments sont contenus dans le rapport qui sera transmis
au Ministre de la
Justice et Garde des Sceaux pour des poursuites
judiciaires. La
CEM-3121 souhaite que ce rapport contribue à la lutte
contre limpunité
ainsi .quau respect, à la protection et à la
promotion des
droits de lHomme en République Démocratique du Congo.
La CEM-3121
souhaite que ce rapport constitue une base denquêtes
judiciaires à
lencontre des présumés auteurs et complices des
violations et
atteintes des droits de lHomme en vue de contribuer à
la lutte contre
limpunité en République Démocratique du Congo.
1. CONTEXTE
SOCIO-POLITIQUE
Depuis septembre
2016, la République Démocratique du Congo traverse
des moments de
turbulence liés au processus électoral sur lensemble
du territoire
national. Cette situation a eu des répercussions sur le
respect et la
protection des droits de lHomme. Les types de
violations et
datteintes aux droits de lHomme les plus enregistrées
sont:
– Violations aux
libertés dassociation, de réunion et de manifestation ;
– Violations à la
liberté dexpression et dopinion;
– Violations et
atteintes au droit à la vie, à la sécurité de la personne
humaine ;
-. Violations et
atteintes à la propriété privée;
– Pillages,
destruction méchante, intolérance, incitation à la haine
et à la violence.
Certaines
manifestations organisées par des partis politiques et/ou
par des
organisations de la Société civile ont été interdites par les
autorités
politico-administratives et dispersées dans la violence par
certains éléments
des forces de défense et de sécurité. Les présumés
auteurs de ces
violations sont certains agents de la Police Nationale
Congolaise,
certains éléments des Forces Armées de la République
Démocratique du
Congo et ceux des services des renseignements. Pour
les cas
datteintes aux droits de lHomme, les présumés auteurs sont
certains membres
des partis politiques de la majorité comme ceux de
lopposition, des
partis antagonistes qui atteignent parfois les
extrémités pour
exprimer leur mécontentement.
Le 31 décembre
2017 et 21 janvier 2018, le Comité Laïc de Coordination
(CLC) a organisé
des manifestations publiques à Kinshasa ainsi que
dans certaines
villes de la République Démocratique du Congo (ROC),
réclamant
«lapplication intégrale de lAccord politique du 31
décembre 2016 ».
Pour lautorité urbaine, «ces manifestations ayant
comme points de
départ les 167 paroisses catholiques de Kinshasa ont
été interdites
pour faute ditinéraire précis ». Elle affirme
également
«détenir des
preuves recueillies par les services de défense et de
sécurité que les
organisateurs des marches du 31 décembre 2017 et du
21 janvier 2018
avalent lambition de prendre le pouvoir par la force
».
Le CLC a quand
même tenu ces m arches qui dans certaines paroisses, se
sont bien
déroulées. Alors que dans dautres, elles ont été violemment
dispersées par
certains agents des forces de lordre, occasionnant
ainsi des morts,
des blessés (dont certains par balles), des
arrestations et
détentions (parfois arbitraires), des extorsions de
biens, des actes
de torture et autres traitements cruels, inhumains et
dégradants.
Les organisateurs
de ces manifestations déclarent revendiquer «le
respect de la
Constitution, lapplication intégrale de lAccord
politique global
du 31 décembre 2016, fixant les élections
présidentielle,
législatives nationales et provinciales en décembre
2017 ». Pour leur
part, les autorités politico-administratives
affirment «avoir
respecté et mis en oeuvre ledit accord en nommant un
Premier Ministre
ainsi quun Président du CNSA issus du Rassemblement
de lopposition »,
Doù les
différents rapports contradictoires publiés quant à ce. Dune
part, la Police
Nationale Congolaise et dautre part, les
organisateurs de
ces marches. Sen sont suivi les allégations des ONG
tant nationales
quinternationales de défense des droits de lHomme,
dénonçant des cas
de violations graves des droits Humains.
II. COMPOSITION DE
LA CEM-31 21
La CEM-3121 est
composée de :
– 5 délégués du
Ministère des Droits Humains;
– 2 délégués du
Ministère de la Justice et Garde des Sceaux;
– 3 délégués de la
CNDH ;
– 6 délégués de la
société civile;
– 1 délégué du
BCNUDH (membre observateur) ;
– 1 délégué du
Bureau de liaison de lUA (membre observateur).
La CEM-3121 est
présidée par Madame Marie-Ange MUSHOBEKWA, Ministre
des Droits Humains
et Maître Georges KAPIAMBA, rapporteur désigné par
la société civile.
III. METHODOLOGIE
Pour accomplir son
mandat, la CEM-3121 a rédigé et adopté deux documents de
travail: le
Règlement dOrdre intérieur et les Termes de Référence,
La CEM-31 21 a :
– Sensibilisé la
population à travers les médias tant publics que
privés, les
témoins, les victimes ainsi que les ayants-droit, afin de
les inciter à
venir fournir toutes les informations en leur possession
sur les cas de
violations et datteintes des droits de lHomme
commises le 31
décembre 2017 et le 21 janvier 2018 ;
– Mené les
enquêtes de manière professionnelle, objective et
indépendante, dans
le respect de son règlement dordre intérieur, La
CEM-3121 a
également veillé au strict respect des principes de
protection des
victimes et témoins ainsi que dautres sources,
– Informé les
personnes auditionnées de lutilisation des informations
recueillies ainsi
que de la suite qui sera réservée après publication
du rapport final;
– Tenu les
entretiens à huis clos à son siège et sur le terrain dans
les langues
choisies par les personnes auditionnées;
– Pris des précautions
additionnelles et particulières concernant les
entretiens avec
les femmes et les enfants;
– Effectué des
missions denquête pour identifier des blessés dans les
hôpitaux et des
dépouilles dans les différentes morgues de Kinshasa;
– Invité le
Commissaire Provincial de la PNC/Ville de Kinshasa, le
Commandant de la
14è Région Militaire, le Commandant de la Garde
Républicaine et le
Commandant Second de la 14è Région Militaire chargé
des opérations
pour quils donnent à leur tour leur version des faits
sur les événements
du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018;
– Exploité les
rapports et les documents fournis par les victimes, les
témoins, le
Commissaire Provincial de la PNC/Ville de Kinshasa, la
CNDH, le BCNUDH et
les ONG.
IV. CADRE LEGAL
Les droits et
libertés fondamentaux des citoyens sont garantis par les
instruments
juridiques internationaux, régionaux et nationaux,
notamment la
Déclaration universelle des droits de lHomme, le Pacte
international
relatif aux Droits Civils et politiques, la Charte
Africaine des
Droits de lHomme et des Peuples ainsi que la
Constitution de la
République Démocratique du Congo.
Au titre de ces
droits et libertés fondamentaux, nous citons ceux
dont les atteintes
et violations ont été constatées à loccasion des
manifestations du
31 décembre 2017 et 21 janvier 2018. Il sagit de :
– Droit à la vie;
– Droit à
lintégrité physique ;
– Droit à la
liberté et la sécurité de la personne humaine;
– Droit à se
réunir et à manifester pacifiquement;
– Droit à la liberté
de culte (liberté de religion) ;
– Liberté de
mouvement ;
– Droit à la
propriété privée ; .
– Droit à la
Santé; Droit à la Justice;
– Violations et
atteintes à la propriété privée
– Destruction
méchante
– Intolérance politique, incitation à la haine
et à la violence
DEROULEMENT DES
MANIFESTATIONS DU 31 DECEMBRE 2017 ET DU 21 JANVIER 2018
Au cours des
entretiens, au siège de la CEI\I1-3121 , ainsi que lors
des descentes sur
terrain dans certaines paroisses disséminées à
travers
lArchidiocèse de Kinshasa, tout comme dans des différents
hôpitaux et
morgues, il nous a été rapporté les faits suivants par les
témoins, victimes
et/ou leurs proches .
La veille de ces
deux journées, les différents requérants nous ont
rapporté
lérection de plusieurs barrières de policiers, militaires et
agents de services
de sécurité opérant une fouille systématique des
véhicules et même
de ceux qui marchaient à pieds. A cette occasion, il
y a eu des
arrestations de plusieurs personnes sans aucune explication
et des extorsions
des billets de banque ainsi que des téléphones
portables.
Toujours la veille dans la soirée, il a également été
constaté
linterruption de fourniture de services Internet et SMS.
Daprès Monsieur
Emery OKUNDJI, Ministre de Postes, Télécommunications
et Nouvelles
Technologies de lInformation et de la Communication
(PTNTIC), « il a
enjoint les sociétés de télécommunication de
suspendre tous les
services internet et SMS pour des raisons de
sécurité dEtat et
ce, conformément aux prescrits de larticle 46 de
la loi cadre
n0013~2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications
en République
Démocratique du Congo ».
Pour les deux
journées des manifestations, il a été rapporté à la
CEM-3121 que
plusieurs paroisses ont été prises dassaut dès les
premières heures
par des policiers, militaires et agents de sécurité
lourdement armés,
allant jusquà empêcher à certains chrétiens à
accéder dans les
églises dont dailleurs, selon nos sources, certaines
ont été carrément
scellées par les agents de la Police sans aucune
décision
judiciaire.
Dans certaines
paroisses, les messes se sont déroulées normalement,
mais après la
bénédiction finale suivie de la présentation des points
de ralliement par
les délégués du Comité laïc de Coordination, les
chrétiens voulant
sortir pour marcher ont été surpris par des grenades
lacrymogènes et
des tirs. Pour certains, à balles réelles, et pour
dautres, des
balles en caoutchouc. Selon les témoins, ceux qui
avaient réussi à .
sortir de leurs paroisses pour entamer lesdites
marches, ont été
réprimés par certains agents des forces
de lordre
et de sécurité,
occasionnant plusieurs morts et des blessés graves.
Plusieurs témoins
et victimes auditionnées par la CEM-3121, ont
rapporté que
certains passants non concernés par les marches ont perdu
la vie suite aux
balles perdues, dautres grièvement blessés par
balles par
accident. Dautres personnes se trouvant paisiblement dans
leurs résidences,
ont également été touchées par des balles perdu es.
Certaines églises
ont été aussi vandalisées.
Il a même été
rapporté et constaté que certains hôpitaux et
maternités ont
fait lobjet des attaques par ‘gaz lacrymogène mettant
ainsi la vie des
nouveau-nés et des malades en danger.
Concernant les
officiels, les Autorités responsables de la 14ème
Région Militaire
des Forces Armées de la République
Démocratique du
Congo (FARDC), de
la Garde Républicaine (GR) et du
Commissariat
Provincial de la
Police Nationale Congolaise (PNC) ont été invitées
pour donner leurs
versions de fait à la CEM-3121. Seul le Commissariat
‘Provincial, à
travers le Général Sylvano KASONGO a répondu par écrit
comme suit : «Jai
tenu des causeries morales avec les hommes sous mon
commandement et
signé des ordres de service respectivement n°1 37/2017
du 30 décembre
2017, n°007/2018 du 19 janvier 2018, auxquels mes
subordonnés ont
été scrupuleusement Instruits sur le maintien dordre
public dans le
respect des Droits humains avec comme consigne ferme la
non utilisation
des armes à feu ». Le Général KASONGO a poursuivi : la
plupart des
manifestants, habillés en culottes et tenant des armes
blanches,
nétaient pas des fidèles catholiques mais plutôt des
partisans des
partis politiques de lopposition scandant des chants
obscènes et des
insultes à lendroit des forces de lordre « Il a
ajouté que: c: le
Commissariat Provincial a connu des dégâts matériels
et a enregistré
dans les rangs de ses hommes, le décès dun policier
et de plusieurs
autres grièvement blessés … »
Toutefois, il
convient de relever que la CEM-3121 avait reçu quelques
jours plus tôt un
conseiller de lInspecteur Général de la Police
Nationale
Congolaise qui a expliqué la mission et le fonctionnement de
son unité. La CEM-3121
a également reçu un conseiller de la Garde
Républicaine et
analyste au Conseil National de Sécurité qui a à son
tour expliqué les
raisons de la présence des éléments de la GR
pendant les
journées des manifestations organisées par le CLC, Il a
souligné que «ces
éléments répondaient à leur mission de routine
conformément à la
loi organique portant organisation et fonctionnement
des Forces Armées
de la République Démocratique du Congo ».
IV. ACTIONS PRISES
PAR LE GOUVERNEMENT
– Création de la
CEM-3121 à travers le Ministère des Droits Humains ;
– Accompagnement
des familles dans le besoin, pour enterrer ,leurs
proches décédés
sur recommandation de la CEM-3121 ;
– Prise en charge
médicale de 32 personnes blessées par balles et
éclats des
grenades lacrymogènes sur recommandation de la CEM-3121 .
V. Violations ders
droits de lhomme constatées
A. Droit à la vie
La CEM-3121 a
recensé 14 (quatorze) morts à savoir, 7 (sept) le 31
décembre 2017 et 7
(sept) le 21 janvier 2018 dont 12 par balles et 2
(deux) par
asphyxie des gaz lacrymogènes.
LES DECES DU 31
DECEMBRE 2017
(Voir tableau)
B. Droit à la
liberté, la sécurité de la personne et à lintégrité physique
La CEM-3121 a
recensé 40 (quarante) cas de personnes arrêtées,
détenues, torturées
et/ou soumises aux traitements cruels, inhumains
et dégradants à
loccasion des manifestations du 31 décembre 2017 et
21 janvier 2018
dont 2 (deux) femmes.
La CEM-3121
déplore la détention des personnes arrêtées en lien avec
les
manifestations, pendant plusieurs semaines voire des mois, par les
services de
défense et de sécurité sans être présentées devant leurs
juges naturels à
lexpiration du délai de la garde à vue. Les
Officiers de
Police Judiciaire de la PNC, lANR et lex-DEMIAP doivent
respecter les
limites de leurs compétences ainsi que les attributions
des Officiers du
Ministère Public. A cet effet, larticle 67 de la loi
organique n° 13/
011 -8 du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et
compétences des juridictions de lordre judiciaire
dispose quen
matière répressive, le Ministère public recherche les
infractions aux
actes• législatifs et réglementaires qui sont commises
sur le territoire
de la République. Il reçoit les plaintes et les
dénonciations,
accomplit tous les actes dinstruction et saisit les
Cours et
tribunaux.
Ils doivent
travailler sous la direction du Parquet qui est le seul
maître de laction
publique sur toute létendue de la RDC.
C. Droit à se
réunir et à manifester pacifiquement
Les manifestations
du 31 décembre 2017 et 21 janvier 2018 ont été
interdites par
lAutorité urbaine, mais le CLC les avait .maintenues
considérant la
décision de lAutorité Urbaine comme un abus de
pouvoir. La
CEM-3121 recommande donc à lAutorité urbaine de Kinshasa
de sanctionner
toutes ses décisions par un arrêté motivé.
La CEM-3121
rappelle que les droit s de se réunir et de manifester
pacifiquement•
sont prévus aux articles 25 et 26 de la Constitution.
Larticle 25
dispose que: « La liberté des réunions pacifiques et sans
armes est garantie
sous réserve du respect de la loi, de lordre
public et des
bonnes murs ». Article 26: «La liberté de manifestation
est garantie.
Toutes les manifestations sur les ‘voies publiques ou en
plein air, imposent
aux organisateurs dinformer par écrit-(‘Autorité
administrative
compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à
une manifestation.
La loi en fixe les mesures dapplication ». Par
ailleurs, les
citoyens qui participent à une manifestation publique
doivent respecter
la loi avant, pendant et après la manifestation en
évitant des
discours dincitation à la violence, la haine raciale ou
ethnique, la
destruction ou pillage des biens publics ou privés.
La CEM-3121
déplore labsence de la loi devant fixer les modalités
pratiques de
lexercice des libertés garanties par les articles 25 et
26 de la
Constitution, le décret de 1999 étant devenu
anticonstitutionnel
et tombé en désuétude.
D. Droit à la
liberté de Culte
La CEM-3121 a
constaté que lexercice de ce droit a connu dans
certaines Communes
des limitations par des forces de défense et de
sécurité.
E. Liberté des
mouvements
En marge de
lorganisation des manifestations des 31 décembre 2017 et
21 janvier 2018, plusieurs
personnes ont été contraintes à des
limitations de
leur liberté des mouvements dans plusieurs quartiers de
Kinshasa par
certains agents des forces de lordre.
F. Droit à la
propriété privée
La CEM-3121 a
recensé 10 cas dextorsion des biens privés .. des
personnes dont 5
(cinq) le 31 décembre 2017 et 5 (cinq) le 21 janvier
2018. Il sest agi
principalement dextorsion des
téléphones, argent,
ordinateurs,
pièces didentité, des chaussures, ceintures, vêtements,
vol par effraction
des commerces des particuliers commis certains
agents de lordre.
La Police a indiqué à la CEM-3121 que certains
manifestants ont
également commis des actes de pillage, de vol et
dagression
physique.
La CEM-3121
rappelle quau terme de larticle 34 de la Constitution,
la propriété
privée est sacrée. LEtat garantit le droit à la
propriété
individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou
à la coutume. Nul
ne peut être sa isi en ses biens quen vertu dune
décision prise par
une autorité judiciaire compétente.
G. Droit à la
justice
La CEM-3121 a
enregistré plusieurs doléances des personnes qui avaient
déposé des
plaintes pour diverses atteintes à leurs droits, mais qui
trainent encore
dans les tiroirs des parquets.
Elle rappelle que
le droit daccès à la justice est lune des
caractéristiques
fondamentales dun Etat de droit.
H. Droit à la
santé
La CEM-3121
déplore les difficultés que certaines victimes ont fait
face pour accéder
aux soins médicaux appropriés. Et pourtant ce droit
est garanti par
lalinéa premier de larticle 47 de la Constitution :
« Le droit à la
santé et à la sécurité alimentaire est garanti . La
loi fixe les
principes fondamentaux set les règles dorganisation de
la santé publique
et de la sécurité alimentaire ».
REGIME DE MAINTIEN
DE LORDRE
POLICE NATIONALE
CONGOLAISEET GESTION DE MANIFESTATION PUBLIQUE
Le maintien de
lordre est du seul monopole de la Police Nationale
Congolaise et les
forces armées ne peuvent intervenir que dans les
seuls cas prévus
par la loi, et dans ce cas, les militaires sont
placés sous le
commandement de la Police.
Aux termes de
larticle 163 de la Loi n° 13/013 du 1 er juin portant
statut du
personnel de carrière de la police nationale, larmement de
base du Policier
comprend un pistolet, une matraque et
une paire de
menottes. Outre
léquipement pour le maintien et le rétablissement de
lordre public, le
Policier peut être équipé dun armement spécifique
adapté à la
mission à effectuer.
Depuis 2013, les
actions de la police sont clairement encadrées. Selon
la loi, la police
nationale ne recourt à la force quen cas de
nécessité absolue
et uniquement pour atteindre un objectif légitime.
Elle doit
respecter le principe de proportionnalité et de
progressivité.
Autrement dit, lenvoi dagents armés au premier
contact avec des
manifestants pacifiques est interdit.
La CEM-3121 a
constaté lemploi de «forces armées» dans certaines
Communes de
Kinshasa, en appui aux policiers alors quau terme de la
loi, lorsque les
unités des forces armées sont appelées à intervenir
avec la Police
Nationale pour donner force à la loi, la direction des
opérations de
rétablissement de lordre public revient au commandant
des unités de la
Police Nationale.
La CEM-3121 na
pas reçu de la Police Nationale Congolaise et des
FARDC des copies
des réquisitions, donc elle nest pas en mesure
dattester leur
existence ni de dire que lusage darmes à feu a été
autorisé par
lautorité administrative.
CONCLUSIONS ET
RECOMMANDATIONS
La CEM•31 21
estime que le Gouvernement aurait dû prendre toutes les
mesures possibles
pour quil ny ait pas datteintes à la vie causées
par certains
éléments des forces de Jordre, ni par des particuliers
(plus précisément
les manifestants) dans leurs rapports
interindividuels.
Dans ce rapport
constate que linterdiction générale et à durée
indéterminée
des ‘manifestations publiques est parmi
:es conséquences
des violations et
atteintes aux droits de lHomme. Le déploiement
dimportant
dispositif policier et militaire les 31 décembre 2017 et
21 janvier 2018
ainsi que lusage de la force par certains agents des
forces de lordre,
sétaient • faits en violation des instruments
juridiques
internationaux, régionaux et nationaux.
Eu égard à ce qui
précède, la CEM-3121 recommande :
Au Président de la
République:
Veiller à
lamélioration de la protection et de la promotion des
droits de lHomme
par les Institutions publiques et à la
poursuite de
la mise en œuvre
des mesures de décrispation
politique.
Au Gouvernement :
– Lever
linterdiction générale des réunions et manifestations
publiques et
pacifiques dautant plus que la RDC est à neuf mois de la
tenue des
élections et que les acteurs politiques et sociaux ne
sauraient sy
préparer sans la jouissance de ces libertés.
– Etablir une
Commission Indépendante dexperts chargée dune révision
complète du
système de commandement et du protocole de déploiement des
forces de défense
et de sécurité dans les situations autres que des
situations de guerre ou démeutes violentes. Cette
commission devrait
rendre public son
rapport et ses recommandations dans les brefs délais
-de préférence
avant la période de campagne électorale prochaine
– Prendre en
charge les soins de santé de toutes les victimes des
manifestations
publiques ;
– Mettre à la
disposition de la Justice tous les moyens nécessaires
pour mener des
enquêtes .judiciaires et poursuivre les auteurs de
violations et
atteintes aux Droits de lHomme en lien avec les
manifestations
publiques du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018 ;
– Créer un fonds
pour la réparation au profit des victimes;
Veiller au
respecter des Droits des citoyens à exercer les libertés
publiques
notamment le droit de se réunir et de manifester librement;
– Faire libérer
toutes les personnes en détention arbitraire à lANR
et Etat-Major des
Renseignements Militaires (ex-DEMIAP) en lien avec
les manifestations
publiques;
– Doter
suffisamment les moyens matériels adéquats à la PNC pour
lencadrement des
manifestations publiques et interdire strictement
lutilisation des
balles réelles;
– Interdire
formellement les unités des FARDC et ‘plus spécialement
les éléments de la
Garde Républicaine dintervenir dans les missions
de maintien et de
rétablissement de «ordre public comme les
manifestations
publiques et ce, sans réquisition préalable de la PNC;
Au Parlement :
Adopter en urgence
la loi portant fixation des modalités pratiques de
lexercice de la
liberté des manifestations publiques conformément aux
standards
internationaux.
LAuditeur Général
des FARDC :
Ouvrir une enquête
devant déboucher sur des pourrsuites contre les
auteurs de ces
violations graves des droits de lhomme qualifiables de
crimes contre
lhumanité.
Au Procureur
Général de la République:
Mener des enquêtes
indépendantes sur les faits allégués par le
Commissaire
Provincial de la Police notamment en rapport avec le décès
des policiers lors
des manifestations publiques du 31 décembre 2017 et
21 janvier 2018 ;
A la Police
Nationale Congolaise:
Former et
renforcer les capacités de tous les policiers en matière des
Droits de lhomme
et dencadrement des réunions et manifestations
publiques;
Aux Forces Armées
de la République Démocratique du Congo:
Interdire
formellement les unités des FARDC dintervenir dans les
missions de
maintien et de rétablissement de lordre public comme les
manifestations ‘;»
publiques et ce, sans réquisition préalable de la
PNC ;
Mettre à la
disposition de la justice tous les militaires indexés
comme présumés
auteurs des violations des Droits de lHomme.
Aux Partis
politiques:
Inculquer la
culture de tolérance politique et de coexistence
pacifique à leurs
militants et sympathisants ; Bannir tout discours
dincitation à la
haine et à la violence;
– Favoriser la
prise et la conservation de pouvoir par les voies démocratiques.
Marie-Ange
MUSHOBEKWA
Ministre des
Droits Humains et
Présidente de la
CEM-3121
Georges KAPIAMBA
Coordonnateur ACAJ
Et Rapporteur de
la CEM-312