18 05 18 La Cité Africaine – Interview d’Adolphe Muzito

Un sondage du
Groupe d’études sur le Congo place Adolphe Muzito dans le trio des favoris,
avec 9 à 10 % des intentions de vote, juste derrière Moïse Katumbi et Félix
Tshisekedi. Le lumumbiste Adolphe Muzito a été l’allié du président Kabila,
dont il a été le Premier ministre pendant plus de trois ans. Mais aujourd’hui,
à l’approche des élections annoncées en décembre, il se rapproche de
l’opposition.

Le candidat
Muzito aura-t-il le soutien de son parti, le Parti lumumbiste unifié (Palu) ?
Pas gagné ! De passage à Paris, il a répondu aux questions de Christophe
Boisbouvier de RFI.

RFI : Les élections du 23 décembre, vous y croyez ou pas ?

Adolphe Muzito : Je n’y crois
pas. Les élections auront lieu, mais je doute fort que ce soit à cette date-là,
il y aura un glissement.

Un glissement à cause de quoi ?

A cause de ce que premièrement l’opposition conteste déjà la machine à
voter. Elle rejette aussi le fichier électoral. Monsieur Félix Tshisekedi l’a
dit dans son dernier meeting, monsieur [Pierre] Lumbi aussi qui est
vice-président d’Ensemble pour le changement. Donc j’ai l’impression que le
pouvoir va en profiter pour faire un glissement. Mais je constate aussi qu’il y
a une contrainte, une contrainte financière, à savoir que le gouvernement ne
saura pas décaisser 500 millions de dollars dans les trois prochains mois pour
permettre à la Céni [Commission électorale nationale indépendante] d’être prête
en ce qui concerne la logistique et le matériel des élections. Puisque le
pouvoir ne veut pas du soutien de la communauté internationale, au nom
soi-disant de la souveraineté du pays, et donc moi, je suis assez pessimiste.
Tous les ingrédients sont réunis pour que les élections n’aient pas lieu.

Et au vu des manifestations des catholiques du début de cette année 2018,
pensez-vous que la population acceptera ce nouveau glissement ?

La population n’acceptera pas et n’a jamais accepté non plus les
glissements de fin 2016. Elle n’a pas non plus accepté les glissements de
décembre 2017. Et malheureusement, il n’y aura pas de sanctions. Qui va
sanctionner qui ? C’est cela le drame du Congo.

Vous connaissez bien Joseph Kabila, dont avez été le Premier ministre
pendant trois ans et demi, d’octobre 2008 à mars 2012. A votre avis, il cherche
un dauphin ou il veut rester ?

J’ai l’impression qu’il veut rester. S’il cherchait un dauphin, les
contacts qu’il prend, les mobilisations qu’il fait à travers les regroupements
politiques qui vont constituer désormais sa plateforme, il ne serait pas aux
avant-postes de cette démarche-là. Il aurait déjà désigné son dauphin qui, en
principe, devrait prendre des contacts, construire un projet, les vendre auprès
des différents regroupements politiques. Ce n’est pas le cas. C’est toujours
lui. Donc je suis convaincu qu’il veut rester maître à bord.

Vous le sentez combattif ?

Combattif contre ses opposants, oui, et pour les défaire. Il veut
l’emporter en affaiblissant ses opposants.

Quels opposants par exemple ?

Par exemple le camp de monsieur Katumbi. C’est vrai que, du point de vue
juridique, il a perdu sa nationalité. Je pense qu’il est dans la démarche pour
la reconquérir. C’est un droit et, malheureusement, on ne lui facilite pas la
tâche. En fait, l’objectif, c’est de l’écarter du jeu politique.

Vous voyez de l’acharnement contre Moïse Katumbi ?

Oui, c’est l’impression que j’ai. Je ne trouve pas de raisons à cela parce
que le président de la République n’aurait pas besoin de s’acharner sur
quelqu’un qui, en réalité, ne sera pas son adversaire direct, parce que lui est
censé ne pas être sur le ring prochainement.

Joseph Kabila ?

Oui. Donc il n’y a pas de raisons à écarter Katumbi.

Vous avez été dans les instances dirigeantes du Parti lumumbiste unifié, le
Palu, pendant un quart de siècle. Ces dernières années vous avez été de facto
le numéro 2 du patriarche Antoine Gizenga, l’ancien ministre de Patrice
Lumumba. Mais depuis deux mois, c’est fini. Vous avez été révoqué de votre
poste de secrétaire permanent adjoint du Palu. Vous êtes entré en dissidence.
Pourquoi ? Parce que vous êtes passé dans l’opposition alors que Gizenga reste
dans la majorité présidentielle ?

Gizenga n’est pas dans la majorité présidentielle. Moi, non plus, je ne
suis pas dans l’opposition. Il n’y a plus d’alliance Gizenga-Kabila. Les
alliances sont à redéfinir. Et de ce point de vue, le Palu a la responsabilité
historique d‘évaluer et d’identifier les partenaires à venir sur la base des
politiques publiques, avec qui nous irons et comment nous gagnerons ensemble.
Je ne suis pas en dissidence avec mon parti. Par contre, il y a une certaine
divergence au niveau de la direction politique du parti, à savoir qu’il y en a
qui pensent qu’il faut maintenir les principes, conserver toujours l’alliance
avec Kabila, ce qui pour moi n’a pas de sens aujourd’hui. Moi, je ne suis pas
de ceux qui pensent qu’il faut maintenir l’alliance pour appliquer des
politiques publiques qui ont échoué.

Entre 2006 et 2011, nous avions une orientation politique, des politiques
publiques et des réformes que nous avons engagées. Les résultats étaient au
rendez-vous plus ou moins. Mais au quinquennat suivant, ce n’est pas nous qui
avons eu la direction du gouvernement parce que notre poids politique a baissé
dans l’entretemps. Nous, on a eu un rôle marginal, mais ceux qui ont géré le
gouvernement sont sortis de la ligne. Ils ont fermé la porte aux institutions
financières internationales pour un pays qui a une économie domaniale dont
l’activité économique dépend des exportations des matières premières.

Les finances publiques sont faibles, le Congo a un budget de 4 milliards de
dollars, c’est très faible. Le niveau d’exécution autour des 70%. Donc ça ne
peut pas être suffisant pour qu’on rejette les réformes, qu’on ne travaille pas
avec les partenaires financiers internationaux qui auraient dû nous aider et
nous permettre de maintenir une stabilité  économique, financière et
monétaire. Donc cette politique-là d’autarcie financière, de repli sur soi, moi
je ne la partage pas. Et de ce point de vue-là, je ne me vois pas dans un
nouveau gouvernement qui ferme le Congo sur lui-même.

La rencontre très médiatique du 19 mars à Kinshasa entre le président
Joseph Kabila et le patriarche Antoine Gizenga, n’est-ce pas le signe que votre
parti, le Palu, reste du côté de la majorité présidentielle et que, si vous
vous présentez à la présidentielle, vous n’aurez pas l’investiture de votre
parti ?

D’abord je ne trouve pas normal que les deux acteurs, le président de la
République et le patriarche Antoine Gizenga soient qualifiés pour débattre de
l’avenir. Le président de la République n’est plus un acteur direct pour les
échéances à venir. Il n’est pas un candidat théoriquement. Et Antoine Gizenga,
c’est vraiment le repos du guerrier. Il est en train de passer la main, ce
n’est pas à lui d’engager l’avenir de la République, mais il reste un acteur
dans notre parti. C’est le conseiller, c’est lui que nous consultons avant
toute décision. Je trouve qu’on a abusé de lui en l’amenant dans les bureaux de
l’Etat pour discuter des affaires du parti.

Vous avez une certaine popularité, non seulement dans le Bandundu, à
Kikwit, la grande métropole dont vous êtes député, mais au-delà. Le sondage du
Groupe d’études sur le Congo vous met dans le trio de tête, avec quelque 10%
des intentions de vote au niveau national. Mais ne risquez-vous pas, si vous êtes
candidat, d’être broyé par la machine lumumbiste du Palu ?

La machine lumumbiste du Palu n’est pas au sommet de l’appareil, la machine
lumumbiste est à la base. Je compte beaucoup sur la base militante, c’est elle
finalement pour un parti de masse qui tranche. J’ai besoin du soutien de mon
parti, pas forcément de l’investiture parce qu’en réalité, quand vous regardez
la taille des principaux partis, ils sont environ 8 et n’ont pas plus de 44% de
l’électorat congolais. Donc la masse critique est en dehors des principaux
partis politiques, elle est dans les associations, dans les forces sociales.
C’est là qu’il faut aller chercher la victoire.

Pour gagner ces prochaines élections, vous avez donc besoin de faire des
alliances. Est-ce la raison pour laquelle vous vous rapprochez du Mouvement de
libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba et de l’Union pour la nation
congolaise (UNC) de Vital Kamerhe ?

Oui. Moi, je suis ouvert, et mon parti va l’être aussi, à toutes les forces
politiques du pays, parce que si vous fédérez à l’ouest avec le MLC et à l’est
avec l’UNC, y compris au centre, avec  l'Union pour la démocratie et
le progrès social, l'UDPS, vous avez la victoire. C’est cela le sens de
l’ouverture que nous faisons.

Si demain le parti au pouvoir, le Parti du peuple pour la reconstruction et
la démocratie (PPRD), vous approche et vous demande de le rejoindre et, qui
sait, d’être son candidat, que lui répondrez-vous ?

A ce moment-là, ce n’est pas moi qui les rejoins. C’est eux qui me
rejoignent. Cela suppose que nous nous mettions d’accord sur les politiques
publiques. J’ai indiqué, les leurs ont échoué, donc il faut changer de
politique. Moi, je leur suggérerais de suivre ma ligne politique dont il faudra
débattre évidemment pour se mettre d’accord. Ils peuvent apporter leurs
enrichissements. Je suis d’accord pour travailler avec tout le monde. Il
faudrait d’abord qu’ils reconnaissent l’échec.

Vous êtes un centriste : ni majorité, ni opposition ?

Je suis un de ceux qui pensent que le Congo n’est pas à développer. Il est
plutôt à construire, et pour construire on a besoin d’être ensemble si on peut
se mettre d’accord sur les priorités, les défis à relever, et les politiques
appropriées.

Partis politiques / UPNF: Un nouveau- né aux grandes ambitions

La classe politique congolaise
devra désormais faire une place à un nouveau venu plein d’ambition, avec
l’entrée dans l’arène de l’ « Union Pour une Nation
Forte »(UPNF) qui vient de faire une sortie en fanfare sur la scène
politique nationale. La semaine dernière, dans la salle des conférences du
Centre des handicapés physiques dans la commune de la Gombe, l’UPNF a fait
salle comble et n’a pas caché ses ambitions de jouer dans la cour des grands,
en dépit de sa naissance tardive, à quelques mois des grandes échéances
électorales.

Ce nouveau parti politique,
malgré son statut de benjamin, n’entend nullement jouer les simples utilités
dans le microcosme politique congolais, puisqu’il a de qui tenir. Son chef de
file n’est autre que Delphin Kapaya Ohelo, député élu du Territoire de Kibombo
dans le Maniema et ancien Sénateur. Lors des élections générales de 2011, il
avait bravé tous les pronostics en se faisant élire sous l’étiquette
d’indépendant dans une circonscription très disputée, à la grande stupéfaction
de ses adversaires politiques, qui découvraient en lui, l’étoffe d’un battant.
Depuis lors, il siège à l’Hémicycle du Palais du Peuple dans les rangs des
députés indépendants proches de la MP.

L’UPNF affiche d’ores et déjà
ses ambitions. Il se veut un parti politique bâti autour de l’idéal du
changement positif en faveur du peuple congolais, déterminé à faire obstacle à
la corruption sous toutes ses formes, au tribalisme, à l’impunité, à
l’injustice, au pillage des ressources du pays et à la spoliation, aux
violations des droits de l’homme et à la clochardisation du citoyen congolais.
Concernant les enjeux de l’heure, l’UPNF réfléchit encore sur la plateforme
avec laquelle il compte aller aux élections, mais continue sans désemparer son
implantation sur l’ensemble des provinces du pays.

Quant
au processus électoral en cours, l’UPNF se dit attaché au respect du calendrier
électoral fixé par la Ceni qui prévoit les élections générales au 23 décembre
de l’année en cours, et appelle à la responsabilité de toute la classe
politique pour le respect de la date de ces échéances « convenues de
commun accord avec l’ensemble de tous les acteurs politiques ». L’UPNF se
dit pourtant « préoccupé » par la persistance de la controverse
autour de la « machine à voter », et appelle la classe politique à
travailler sur un consensus sur cette question, « de manière à asseoir les
conditions de la tenue des élections réellement démocratiques, transparentes et
apaisées ».

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