21.06.18 – « Indépendance Cha Cha »: Se sentant « oubliés », les deux survivants de la chanson interpellent le Gouvernement

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Brazzos Armando et Petit Pierre : Les deux derniers survivants de l'indépendance «Cha-Cha »

Que cela ne soit pas à titre posthume. Pensée pieuse à Kabasele
Tshamala Grand Kallé (chanteur), à Vicky Longomba (chanteur), à Nico
Kasanda (soliste), Déchaud Mwamba (accompagnateur), et Roger Izeidi
(maracassiste) qui nous ont précédé dans l’au-delà… », a martelé Pierre
Yantula Bobina alias Petit Pierre (77 ans), batteur de l’orchestre «
African Jazz » l’un de deux survivants ayant contribué à la réussite de
la chanson « Indépendance Cha Cha » exécutée lors de la Table Ronde de
Bruxelles en 1960, considérée à ce jour comme étant l’hymne des
indépendances africaines.

Il s’exprimait ainsi en l’absence de son compère Armando Mwango
Fwa-Di-Maya dit Brazzos (84 ans) actuellement rongé par la maladie sans
assistance dans sa résidence localisée dans la commune de Bandalungwa.
Petit Pierre et Brazzos tirent le diable par la queue. Le premier est
fonctionnaire de l’Etat, en qualité de Chef du quartier Singa Mopepe
dans la commune de Lingwala tandis que le second est au chômage depuis
des lustres.

Que sont-ils devenus

L'African Jazz en 1960. Kallé et Kabasele et au fond (g à d.): Petit Pierre Yatula, le Docteur Nico, Armando Brazzos et Déchaud.

Les deux survivants considérés comme les « pères fondateurs » de la
rumba congolaise et qui ont immortalisé ce moment historique de
l’accession de notre pays à l’indépendance continuent à réclamer haut et
fort l’obtention d’un ordre de mission officiel de la part du
Gouvernement national en vue de récupérer les droits d’auteur de la
chanson « Indépendance Cha Cha », estimés à des milliers de dollars
auprès de la société SABAM basée en Belgique.

Un geste qui avait commencé à connaitre un début d’exécution avec le
projet d’un déplacement qu’ils devraient effectuer à Bruxelles pour
récupérer leurs droits d’auteur. Un ordre de mission avait même été
établi, en leurs noms, le 9 septembre 2010 par la ministre de la Culture
et des Arts de l’époque, Mme Jeannine Kavira Mapera.

A la surprise générale, le projet n’a pu être finalisé, les concernés
ignorent jusqu’à présent à quel niveau l’affaire a capoté, entre le
Ministère de la Culture et des Arts et le Commissariat Général du
Cinquantenaire qui devrait leur octroyer des frais des missions. Les
demandes d’audience qu’ils ont introduites auprès de la présidente de la
Fondation Kabila (le 31 décembre 2010) sont aussi restées lettres
mortes, ont-ils indiqué.

Aujourd’hui, c’est un véritable SOS qu’ils lancent en direction de
l’autorité suprême de la Nation pour qu’elle daigne examiner leur cas.
En
plus, les deux rescapés appuient les démarches de la reconnaissance de
la chanson « Indépendance Cha Cha » comme étant un patrimoine mondial de
l’Unesco.

Invités à agrémenter en 1959-1960 , le séjour bruxellois des délégués
et hommes politiques congolais participant à la Table Ronde politique
de Bruxelles sur l’indépendance de la République démocratique du Congo
acquise dans la douleur , les musiciens de l’orchestre « African Jazz »
ont immortalisé pratiquement une cinquantaine de personnalités ayant
assisté à cet important forum politique où se décidèrent finalement le
futur du peuple congolais et l’octroi de l’indépendance à la colonie
belge , à cet égard , l’on peut considérer ces sept musiciens comme des
héros de l’indépendance.

Et, depuis 1960 les deux chansons « Table Ronde » et surtout «
Indépendance Cha Cha » qu’on doit au génie créateur de Joseph Kabasele
Tshamala alias Kallé Jeff, ont traversé des générations sans prendre
pli.

« African Jazz », 1er orchestre congolais sur une scène européenne

Lors de ce voyage qui eut lieu le 6 décembre 1959, Petit Pierre qui
n’avait alors que 17 ans, avait dû user des ruses de Sioux , aidé en
cela par sa famille et l’African Jazz en vue d’obtenir son visa . Il
devait absolument voyager car n’ayant pas de doublure à son poste.

Pour l’histoire, l’on retiendra que le groupe musical « African Jazz »
est le tout premier orchestre composé entièrement des autochtones
congolais à se produire sur une scène européenne. Mais sur place, il
avait dû bénéficier de l’apport d’un drummer belge, Charly Hernaut qui
avait participé à l’enregistrement de deux chansons précitées.

A l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance de la République
Démocratique du Congo, le 30 juin 2010, on s’attendait à voir la
République récompenser à juste titre ces musiciens émérites. Que non,
ils ont été tout simplement « oubliés ».

Notices biographiques et parcours artistiques

1. Brazzos


De
son vrai nom Armando Mwango Fwadi–Maya, il est né à Kinshasa le 21
avril 1935. Guitariste formé par Bill Alexandre (élève du célèbre
guitariste Django Reinhard) qui l’avait également surnommé Brazzos qui
signifie l’homme aux bras des os.

Il débuta sa carrière à la Compagnie d’Enregistrements Folkloriques
(CEFA) en 1953 comme guitariste accompagnateur aux côtés de Roger Izeidi
, Roitelet Moniania et Vicky Longomba.

En 1956, Brazzos fait partie de la première équipe avec son ami Vicky
Longomba lors de la création de l’OK Jazz, l’orchestre cher à Franco
Luambo Makiadi.

En 1959, pour agrémenter la soirée de la Table ronde qui a conduit à
la prise de l’indépendance de la République Démocratique du Congo avec
la chanson « Indépendance Cha Cha », à la demande de Kallé Jeff, Brazzos
intègre l’African Jazz avec Vicky Longomba à l’insu de leur groupe OK
Jazz. Ensuite, il rejoindra à plusieurs fois l’OK Jazz et il a également
travaillé dans l’orchestre du saxophoniste international camerounais
Manu Dibango à Kinshasa.

2. Petit Pierre

Né à Kinshasa le 14 août 1941, son recrutement pour le voyage
historique à Bruxelles en 1960, est dû à l’absence du percuteur attitré
du groupe qui a refusé de faire partie de l’aventure, comme l’a dit Papa
Wemba « Chance eloko pamba ».

Elève en option commerciale et administrative, Petit Pierre n’avait
que 17 ans lors de leur prestation musicale à la Table Ronde, ce qui a
fait de lui le plus jeune de la formation, au point qu’il a fallu une
autorisation parentale pour obtenir son visa.

Il débute sa carrière musicale en 1963 en intégrant l’orchestre Rock a
Mambo du célèbre Lando Rossignol. Quelques mois après il rejoint ses
ainés qui ont quitté l’African Jazz pour l’African Fiesta et le 5 août
de la même année, un accident de circulation avec Seigneur Rochereau
Tabu Ley a mis fin à sa carrière musicale pour devenir plus tard
fonctionnaire de l’Etat.

La population congolaise particulièrement sa jeunesse ignore parfois
les efforts fournis par les pionniers de la culture de la République
Démocratique du Congo en vue de l’émergence de celle-ci, situation qui
laisse bon nombre de ces braves compatriotes dans l’oubli, avec risque
de porter un coup fatal au travail abattu par ces dignes fils et filles
de notre nation.

Dans le souci de témoigner notre respect et notre estime, par ce mois
de Juin 2018 célébrant le 58ème anniversaire de l’accession de notre
pays à l’indépendance , tenons à sortir de l’oubli les artistes
survivants ayant accompagné ce moment historique en composant une
chanson tout aussi mémorable qu’anthologique « Indépendance Cha Cha » ,
une chanson qui n’a pas seulement été un hymne à la liberté mais aussi
un des vecteurs de la future hégémonie de la musique congolaise en
Afrique. Elle est vite devenue l’hymne de l’émancipation du continent
noir.

Petit Pierre a saisi l’occasion en vue de remercier le Gouvernement
pour les hommages rendus à son ainé le guitariste Lutumba Simaro Masiya
de l’école TP OK Jazz, pour ses 80 ans d’âge et 60 ans de carrière
musicale.

Il pense qu’il en sera de même pour le chanteur doyen actif Jeannot
Bombenga de l’orchestre « Vox Africa » qui met définitivement à sa
carrière musicale à l’occasion de ses 85 ans d’âge, événement prévu ce
23 juin 2018 dans un dancing- bar à Kinshasa.

Franck Ambangito/CP
La Tempête / MCN, via mediacongo.net

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