07.02.19, RFI – António Guterres : «Il y a un vent despoir qui souffle en Afrique»
RFI : Les chefs d’Etat et de gouvernement africains se
réunissent à Addis-Abeba pour le 32e sommet de l’UA dans quelques jours.
Les sujets de division sont nombreux, à commencer par l’accueil à
réserver au président congolais Félix Tshisekedi, qui a été élu dans des
conditions contestées et qui entame sa première tournée africaine.
L’ONU a réagi de manière très mesurée à cette élection. Qu’attendez-vous
du nouveau président ?
António Guterres : Ce qu’on attend, c’est
naturellement un service dévoué à la cause du peuple congolais. Le
peuple congolais a beaucoup souffert et souffre encore. Regardez ce qui
se passe dans l’est du pays, avec tous ces groupes armés, les violences
contre les femmes, les enfants, Ebola…
Il faudra un gouvernement capable d’être inclusif, de rallier tous
les Congolais et de créer les conditions pour que le pays puisse
surmonter les difficultés politiques, économiques, sociales, et puisse
trouver une stabilité qui permette de trouver une solution aux problèmes
du pays.
Indépendamment de ce qu’il s’est passé, il y a aujourd’hui une
situation établie et il faut à mon avis coopérer avec le Congo et ses
autorités pour aider le pays à sortir des difficultés énormes qu’il
connaît encore. Il faut dire qu’il y a un vent d’espoir qui souffle en
Afrique. En général, on parle des choses négatives.
Mais voyez l’accord entre l’Ethiopie et l’Erythrée, et entre
l’Erythrée et la Somalie, et maintenant les négociations entre
l’Erythrée et Djibouti… Regardez l’accord entre Salva Kiir et Riek
Machar, finalement possible au Soudan du Sud, même s’il y a encore un
long chemin à parcourir.
Voyez l’accord qui, j’espère, sera signé en Centrafrique ; regardez
ces élections où l’on s’attendait à des problèmes terribles, comme au
Congo, à Madagascar ou au Mali, et où finalement – même si quelques fois
il y a eu des divergences – ceux qui ont perdu se sont comportés d’une
façon positive vis-à-vis des structures constitutionnelles des pays et
ont eu un comportement sans violence.
Le président Joseph Kabila avait envoyé des signaux négatifs
quant à sa volonté de coopérer avec la mission de l’ONU en RDC, la
Monusco. Quels types de signaux espérez-vous du nouveau président ? La Monusco doit-elle, selon vous, rester en RDC ?
Nous avons déjà entamé un dialogue avec le nouveau président. Je
crois qu’il y a une volonté mutuelle de coopération. Il faudra
éventuellement revoir le dispositif qui existe en République
démocratique du Congo. Les grands problèmes qui se posent sont surtout à
l'est, mais je crois que ce serait une illusion de penser qu’on
pourrait rapidement fermer la mission. Je crois qu’il y a encore un
travail à faire en étroite coopération avec les autorités et le peuple
congolais.
Vous évoquiez la Centrafrique, qui doit signer un accord de
paix à Khartoum sous l’égide de l’UA et des Nations unies. Un accord que
certains estiment trop faible et avec de nombreuses zones d’ombre,
notamment sur l’amnistie des groupes armés…
L’accord ne prévoit pas l’amnistie des groupes armés. L’accord
prévoit que l’impunité ne doit pas exister. Il prévoit un mécanisme qui
est similaire aux mécanismes déjà établis dans d’autres pays pour
déterminer la vérité et pour créer les conditions de justice, de
réconciliation et j’espère que ces mécanismes fonctionneront en RCA.
En quoi selon vous cet accord est-il différent des précédents accords de paix qui ont tous échoué ?
Une chose très importante, c’est l’engagement des pays voisins. Je
crois que les gens sont de plus en plus convaincus qu’il faut en finir
avec ces conflits qui empêchent le développement du continent, mais qui
empêchent aussi le respect des droits de l’homme et qui font souffrir
les populations d’une façon absolument terrible.
L’un des gros sujets de discussion entre l’ONU et l’UA
concerne le financement d’opérations militaires de contre-terrorisme
menées par les soldats de pays africains type G5 Sahel. Mais les
discussions continuent d’achopper sur le sujet au Conseil de sécurité.
Il n’y a malheureusement pas d’unanimité au Conseil de sécurité pour
garantir à ces forces africaines qui ne sont pas des forces de maintien
de la paix – ce sont des forces d’imposition de la paix et de la lutte
contre le terrorisme. Il faut leur donner un mandat clair et fort et il
faut leur donner un financement prévisible et garanti.
Si vous comparez ce qu'il se passe aujourd’hui à ce qu’il se passait
il y a cinq ans, l’expansion des zones d’influence des groupes
terroristes, l’expansion de l’action des groupes terroristes est quelque
chose qui exige des mécanismes bien plus forts de combat au terrorisme.
Et à mon avis, la seule façon, c’est avec des forces africaines
fortement appuyées par la communauté internationale.
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Le secrétaire général des Nations unies António Guterres, en août 2018
au siège de l'ONU, pour une réunion sur la Birmanie. DOMINICK REUTER /
AFP