18.06.19 Courrier d’un lecteur – Cour constitutionnelle : 20 minutes par dossier ?
Les remous politiques sur fond de juridisme sont contagieux. Ils ont débordé. Très sérieusement et solennellement, les ambassadeurs des USA, Royaume uni, Suisse et Canada ont reproché à la Cour Constitutionnelle d’avoir invalidé des députés de l’opposition. Selon eux, les « décisions ont été prises au-delà des délais légaux ». Ce qui signifierait qu’ils ont violé la loi et que leurs décisions sont frappées d’illégalité. C’était après les hurlements d’ opérateurs politiques ou juridiques locaux qui ne lisent pas les textes ou le font de travers ou méconnaissent le système judiciaire congolais.
En effet, jamais un retard dans la prise d’une décision n’a rendu un jugement illégal. Dans la procédure pénale, vieille de 60 ans, le délai de jugement était de 8 jours. Il n’avait jamais été respecté ; ce délai était simplement indicatif et, pour bien faire en cas de dépassement, on rappelait les plaideurs pour la date effective afin qu’ils ne soient pas privés des délais de recours à compter du jugement. Mais jamais, aucune fois, on n’a prétendu qu’une décision tardive était illégale. Néanmoins, les retards étaient si récurrents qu’ils énervaient et la nouvelle organisation judiciaire de 2013 a porté à 10 jours le délai de jugement pour les affaires pénales et à 30 jours, pour les dossiers civils. La nouvelle loi n’a pas invalidé les décisions tardives. Une fois de plus, sur le terrain, les dépassements de délai se sont poursuivis…
Dans un tel décor, il est étonnant que l’on s’indigne pour la Cour Constitutionnelle. Cette haute juridiction a un délai habituel de 30 jours, mais avec la précision que le dépassement est une faute disciplinaire, « sauf en cas de force majeure ». Ainsi, les
délais peuvent être dépassés s’ils sont justifiés et les décisions prises restent légales.
La loi électorale a un délai spécial de 2 mois, pour toutes les juridictions et pour tous les scrutins. Ce délai est théorique, car l’encombrement de dossiers et la disponibilité des juges ne sont pas les mêmes. Ce qui est réel, c’est la gratuité de la procédure ! Pour les élections législatives, il y a eu environ 15.000 candidats pour 500 députés élus, et près de 1.000 réclamations à vider en deux mois. Autrement dit, les 9 juges de la Cour Constitutionnelle devraient examiner inlassablement 500 dossiers par mois, 125 par semaine et 25 par jour. Ou consacrer 20 minutes par dossier !
Est-ce sérieux et digne d’affirmer que c’est ce que la loi électorale exige ?
Avec 9 magistrats, répartis utilement en seulement 2 chambres à 3 juges, la charge optimale d’instruction et d’examen pour ces 1000 recours serait de 10 dossiers par jour ou 50 par semaine. Cela donnerait un délai de 100 semaines ou deux années !
Les retards sont réels et incompressibles. Oui, les juges retardataires s’exposent à des sanctions s’ils ne s’en expliquent pas. Mais leurs décisions tardives, sur la seule base du calendrier, restent parfaitement légales.
Yab, 18.06.19