Faire marier une fille au Kivu est devenu un ‘business’ dans certaines communautés (CongoForum)
GOMA – Faire marier une fille au Kivu est devenu un ‘business’ dans certaines communautés de l’est de la RDC depuis les années 1990, suite à la dollarisation, disent certains fils de cette partie du pays. Cette évolution a plusiers effets négatifs sur la vie sociale. La situation risquerait de provoquer une crise sociale ou d’encourager la prostitution – et ainsi la propagation de maladies sexuellement transmissibles.
Frédéric Machiriro Mungazi est chef de travaux à l’ISP Machumbi. Il est originaire de la province du Sud-Kivu et appartient à la culture Shi. Selon lui, la dot se limitait depuis les ancêtres juste à une vache et quatre chèvres en nature. Mais avec l’arrivée de réfugiés rwandais dans l’est de la RDC (vers 1996), beaucoup de dollars ont commencé à circuler dans toute la contrée, et la valeur de la dot a pris l’ascenseur. Désormais elle a commencé à se traduire en dollars américains. Or, avec le chômage et la basse conjoncture que traverse la RDC, de nombreuses familles n’arrivent plus à supporter le coût de la dot exigée par les parents de la fille surtout si cette dernière a un cursus scolaire et académique suffisant. Dans ce dernier cas, les parents de la fille estiment que la dot est une occasion de se faire rembourser les frais de scolarité dépensés en faveur de leur fille.
Beaucoup de dollars
« La dot chez le peuple Shi au Sud-Kivu s’est longtemps exprimé en termes de vaches et de chèvres. Et jamais elle n’a dépassé une vache et quatre chèvres dans notre coutume. C’est avec l’arrivée des réfugiés rwandais et la prolifération des dollars sur le marché que la valeur de la dot s’est exacerbée. Dès lors, les parents ayant fait étudier leurs filles trouvent l’occasion de se faire rembourser, d’autres estiment que la dot est une opportunité de se faire un fonds suffisant pour bien mener une vie commode dans un environnement où l’économie congolaise est en souffrance ».
Alliance Fundiko est une étudiante vivant à Goma. Elle pense que les familles font tout pour faire un business avec leurs filles dans le cadre des mariages. Les familles exigent souvent des sommes colossales. Cette pratique serait à la base de plusieurs viols, de la prostitution et d’avortements forcés. Alliance demande aux parents congolais de revenir à leurs anciennes traditions qui étaient de faire épouser la fille à un moindre coût sans exiger beaucoup de moyens à la famille du garçon qui veut s’épouser. « Moi je ne suis pas pour la pratique actuelle des parents », dit Alliance. « En voulant ‘vendre’ leurs filles ils créent des difficultés dans les foyers de certains. Avec les exigeances actuelles, comment trouver des garçons qui sont en mesure de se fiancer? Ils ont peur que les parents de la fille leur présenteront une facture bien trop élevée ».
Engrosser les filles
Dans pas mal de villes de la RDC, à Goma et ailleurs, certains garçons se voient obligés d’engrosser des filles par manque de moyens pour doter. Pour eux c’est un moyen ‘facile’ pour avoir une femme sans trop d’obstacles. En pratique, ces garçons sont souvent dérangés par leurs partenaires qui leur demandent comment ‘monsieur’ peut être respecté sans avoir doté la femme.
A Goma, plusiers filles et garçons accusent le gouvernement d’être à la base de cette difficulté. Le gouvernement n’arrive pas à créer des emplois qui permettent aux jeunes de se prendre en charge. Les jeunes demandent aux autorités nationales et provinciales de se pencher sur la question du chômage. Ils ont envie de pouvoir se marier à un âge qui correspond à la culture. Selon un juriste, la loi congolaise laisse la liberté aux familles concernées de s’arranger sur la dot de la fille.
Globalement le sujet de la dot reste un grand souci pour les gens qui n’ont pas suffisamment de moyens dans un pays comme la RDC. Trop de jeunes surpassent l’âge normal pour se marier en attendant un travail adéquat qui leur procure un certain revenu. Le fait de devoir patienter longtemps et l’obligation de rester célibataire font en sorte que certains jeunes se perdent dans la consommation de boissons fortement alcoolisés.
© CongoForum – Paulin Munyagala, 16.07.19
Image – source: Ici Brazza