Trop de filles subissent des avortements clandestins en RDC (CongoForum)
GOMA – Pourquoi y a-t-il tant d’avortements forcés à Goma et dans d’autres villes de la RDC? La pratique semble devenir monnaie courante. Pas mal de citoyens se posent la question, notamment à Goma et à Bukavu. Trop de jeunes filles subissent un avortement et jettent le fœtus dans la rue avant de s’enfuir vers un village ou une autre ville.
Un cas récent est celui survenu dans un quartier de l’ouest de Goma ; un quartier très populaire. La zone en question est notoire à cause des vols nocturnes, des assassinats, de la prostitution trop présente et tolérée par les autorités locales et les éléments de l’ordre.
CongoForum a interrogé plusieurs habitants de Goma et de Bukavu sur le phénomène des avortements forcés. Quelles pourraient être des pistes de solution pour mettre fin à cette pratique inhumaine ?
Chercher des moyens
Saint Janvier Zihalirwa est journaliste à Goma. Selon lui plusieurs filles se lancent dans la débauche pour chercher des moyens. « Quand elles tombent enceintes, elles ne voient pas comment élever le bébé ; même leurs partenaires sexuels ont peur d’accepter la grossesse, ils risquent d’être poursuivis par des familles souvent assez exigeantes ».
Saint Janvier pense à la pauvreté et à la non-acceptation par la société des grossesses indésirées. « Il faudrait que les parents éduquent leurs filles à une sexualité responsable. Je plaide pour une dépénalisation de ceux qui engrossent et une démystification du sexe comme ça se passe sous d’autres cieux. Les amendes et dédommagements sont exorbitants, cela fait que les hommes ont peur. Il faut adapter nos pratiques pour éviter que les hommes fuient leur responsabilité ».
Chez les voisins
J’ait’aime Hangi est un jeune juriste à Goma. « Depuis un bout de temps la Nord- et le Sud-Kivu semblent se comporter comme nos voisins dans l’Est de l’Afrique. Dans d’autres pays l’avortement est devenu un fait réel qui est soutenu par le gouvernement ».
Le juriste confirme que pas mal de jeunes hommes refusent d’assumer leur responsabilité après avoir engrossé une fille. « La pauvreté joue son rôle évidemment. L’état n’intervient pas dans ces choses. En plus on manque d’organisations qui sont prêtes à soutenir une fille qui tombe enceinte avant le mariage ».
Monsieur Hangi ajoute : « Les médecins sont à la base du phénomène aussi. En plus trop de jeunes pratiquent le sexe sans un sens de responsabilité ».
Le droit pénal congolais punit sévèrement ceux qui subissent un avortement et également ceux qui y participent, directement ou indirectement. « L’état doit prendre sa responsabilité. Les parents doivent bien collaborer avec leurs enfants. Et il faut diminuer le problème de la pauvreté ».
L’avis des étudiants
A Bukavu, au Sud-Kivu, le sujet interpelle les habitants également. CongoForum a interrogé des étudiants dans cette ville.
Archange Zawadi, étudiante à Bukavu : « Je soupçonne que certaines filles essayent d’imiter aveuglement ce qui se passe en Occident où les avortements sont permis. Celles qui subissent un avortement forcé ne se réalisent pas les possibles conséquences pour leur santé. Les filles veulent protéger leur réputation et éviter qu’on les appelle des filles-mères. Certaines filles arrêtent la grossesse pour garder leur boulot ou pour ne pas être chassées par leur église. Elles veulent aussi éviter que leurs parents soient vus comme des irresponsables par la communauté ».
Selon Archange il faut que les professionnels de la santé comme les médecins et les infirmières prodiguent des conseils aux filles qui songent à subir un avortement. « Au lieu de leur donner des médicaments ». Toujours selon cette étudiante les autorités doivent punir les filles qui font un avortement et les médecins qui collaborent à cela.
« Les organisations qui sont chargées de l’éducation sexuelle doivent renforcer les efforts de sensibilisation parmi les jeunes », trouve Archange. « Il faut mettre fin aux avortements forcés ».
‘Manque de responsabilité’
Lucien Nabugore est étudiant à Bukavu. Il pointe sur la responsabilité des hommes et celle des femmes. « Je constate un manque de responsabilité et une non-maîtrise de soi », dit Lucien. « Quand on s’adonne aux rapport sexuels non responsables, on risque de se retrouver avec une grossesse imprévue. Par conséquence pas mal de filles finissent par organiser un avortement. Mais cela engendre plusieurs risques, surtout quand ça se passe en toute clandestinité ».
Ce n’est pas inhabituel de trouver des fœtus dans les caniveaux des villes congolaises. Cela se passe sans que l’état n’intervienne pour attraper les responsables. Certains observateurs pensent que l’existence des ‘maisons de tolérance’ est à la base de cette situation.
© CongoForum – Paulin Munyagala, 13.11.19
Image – source : blog d’André-Marie