Pêcheries au Kivu: on utilise les petits enfants pour commercialiser les fretins (CongoForum)
GOMA / BUKAVU – Plusieurs pêcheries au Nord- et au Sud-Kivu utilisent des enfants pour participer à la pêche et à la commercialisation de fretins, communément appellés ‘Sambaza’. Cette pratique n’est pas très nouvelle. Mais personne n’intervient, même si cette pratique a parfois comme résultat que des enfants abandonnent les études à l’école primaire.
Prenons l’exemple de la pêcherie moderne de Kituku à Goma. Là-bas on observe un grand nombre d’enfants du matin au soir. D’autres sont là surtout dans les heures vespérales.
Ombeni Duniya n’a que 11 ans d’âge. Il nous parle de sa vie à la pêcherie de Kituku. Il y passe la journée, mais parfois il y est aussi la nuit. Le garçon n’est pas épargné de certaines maladies, il vit aussi parfois l’insécurité. Le petit participe parfois à la pêche sur les eaux du Lac Kivu.
“J’ai quasiment grandi à la pêcherie depuis mes 6 ans”, nous raconte le garçon. “Ma mère s’était séparée de mon père, à ce moment là j’avais encore très peu de choix, j’étais obligé de venir à la pêcherie pour y apprendre le travail. Au début, les autres me négligeaient et ne voulaient pas me voir à leurs côtés. Après quelque temps, ils m’ont accepté, comme ça je pouvais m’intégrer dans ce travail”.
“Grâce à ce travail j’arrive à m’acheter des habits et à remplir d’autres besoins, même si parfois nous faisons face à une insécurité grandissante, notamment quand nous sommes sur le lac pour pêcher; nos voisins rwandais nous maltraitent, d’autres pillent les matériels de nos chefs, ce qui engendre des conflits avec eux. Bien sûr j’avais envie d’étudier mais je n’ai pas eu cette chance. Voilà comme je souffre ici. Mais je tiens toujours”.
Les adultes confirment
La pêcherie de Kituku est très mouvementée du matin au soir grâce à la beauté du lac-Kivu. Plusieurs femmes et hommes confirment aussi vivre et prendre leurs familles en charge à partir de cette activité quotidienne. Certains, interrogés en pleine activité, pensent que la place des enfants n’est pas à cette pêcherie mais plutôt à l’école car certains enfants se transforment même en des voleurs. Ils encouragent les autorités à amener ces enfants à l’école car certains, surtout des fillettes, se livrent à la prostitution dans cette pêcherie pour gagner de l’argent.
Aminata Wimana, une femme commerçante vend les fretins depuis plus de 3 ans dans la ville de Goma: « Vraiment, nous sommes très désolés de constater comment les enfants mineurs ici se livrent à la débauche et d’ autres à la consommation de boissons fortement alcoolisés. Souvent ces enfants n’ont pas où aller, ils viennent nous demander du travail et là nous sommes obligés de leur donner du travail; à la fin on leur paye quelque chose ou on leur donne un peu de fretins, après les petits vont vendre ça”.
Cette situation ne se limite pas à Goma. On peut constater les mêmes situations au Sud-Kivu et au Lac Edouard, dans la partie nord de la province du Nord-Kivu.
© CongoForum – Paulin Munyagala, 09.12.19
Images – source: CongoForum / presse congolaise