Prix Nobel de la Paix 2018: bilan du Dr Denis Mukwege, les congolais s’en souviennent (CongoForum)

10 décembre 2018 – 10 décembre 2019: il y a une année, le Docteur Denis Mukwege recevait le Prix Nobel de la paix 2018 à Oslo (Norvège), loin de son Hôpital général de référence de Panzi à Bukavu (RDC).C ‘est le premier congolais à recevoir cette prestigieuse reconnaissance, lui qui parcourt le monde depuis plusieurs années pour dénoncer la barbarie que subissent les femmes de son pays.

Le 5 octobre 2018, une liesse collective s’empare du personnel médical de Panzi et des patients lorsque la nouvelle leur parvient. «L’homme qui répare les femmes », comme on le surnomme, effectue une intervention chirurgicale sur une des victimes. En sortant du bloc opératoire, il est ému de voir ces femmes meurtries aussi joyeuses. Elles dansent, chantent et brandissent la photo du gynécologue pour exprimer leur gratitude et leur fierté. Celui qui était pour elles un héros, le devient pour toute une nation et au-delà de la RDCongo.

Avant l’attribution de ce prix, le docteur congolais a dû faire face à plusieurs épreuves : l’assassinat d’un de ses proches collaborateurs, l’exil en Belgique suite à l’enlèvement de ses filles, une tentative d’assassinat sur sa personne « entre autres »…

Face à la souffrance de ses patients et malgré la menace, Denis Mukwege retourne là où il estime être le plus utile, c’est-à-dire à Panzi. Cette décision, il l’explique clairement avec ces mots :« Décourager, ce serait donner raison aux bourreaux. J’ai donné ma vie à une lutte que je considère comme noble».

« J’étais fier de la consécration du travail d’un homme qui a investi une bonne partie de sa vie pour une cause noble/juste, la réparation des femmes détruites. Cependant, une question taraudait mon esprit. Était-ce une tentative de nettoyage de conscience quand tout le monde sait qui est derrière ces atrocités? « , questionne Kevin Ibongya, cet écrivain congolais qui a suivi l’évènement à Kinshasa.

« C’est l’aboutissement d’un long parcours de six années », rappelle Mme Elena Matundu, à l’origine de la campagne de sensibilisation afin que le Docteur obtienne ce Prix, campagne qu’elle a lancée en octobre 2012 via l’asbl qu’elle préside Groupement des Femmes Africaines Intégrées et Actives « GFAIA ». « Ce prix est une vitrine mondiale sur les violences que subissent les femmes congolaises, et celles du monde entier, et c’était bien l’objectif de la campagne !» (Leur pétition « We want the Nobel Peace Price for the Dr Denis Mukwege » sur Change.org qui a recueilli des milliers de signatures).

« Quelle fierté d’être Congolais! Bravo à notre compatriote Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix pour son travail formidable auprès de nos mères, sœurs et filles. Nos ancêtres ont construit un formidable pays. À nous de le faire grandir encore et encore!», déclare Cédric Bakambu, attaquant des Léopards de la RD Congo.

Pour le politologue Guy Ntoto, il pense que c’est une belle récompense pour le travail de ce médecin car le monde reconnait enfin l’existence d’un conflit à l’Est». Avant d’ajouter : «Pourquoi avoir un Prix Nobel pour des mutilations de guerre, des femmes déchirées au plus profond de leur âme, qui peut souhaiter cela à son peuple? ».

10 décembre 2018, discours et remise de prix à Oslo

Durant 28 minutes, le nouveau lauréat prononcera un discours poignant face à une audience émue aux larmes .« Je viens d’un des pays les plus riches de la planète et pourtant le peuple de mon pays fait partie des plus pauvres du monde».

C’est avec ces mots qu’il commence son discours, tout en rappelant que son pays est pillé par des gens qui prétendent être des dirigeants et la violence macabre ne connaît aucune limite, pour exemple, il nous raconte l’histoire de Sarah. Qui est Sarah? Sarah, c’est cette jeune fille dont toute la famille a été massacrée, elle avait subi des viols collectifs. Elle avait été prise en charge par l’hôpital et particulièrement par le gynécologue-obstétricien congolais. Le courage, l’envie de vivre, la détermination de Sarah est un modèle pour tous! Le Docteur conclura par ces mots: « Si des gens comme Sarah n’abandonnent pas, qui sommes-nous pour le faire?

Ce premier Nobel obtenu par un Congolais était la fierté de tout un peuple, de par le monde, chaque congolais a vécu ce moment avec émotion, gravité et surtout a suscité beaucoup d’espoir. À l’exemple de Nancy Bekili, cette congolaise vivant à Paris avait fait le déplacement à Oslo pour vivre de plus près ce moment historique. « L’atmosphère dans la capitale finlandaise était euphorique, des personnes des nationalités différentes qui étaient venus pour assister à cet événement, étaient réellement heureux pour le Congo et surtout que la souffrance des femmes congolaises soit clairement reconnue.C’était un moment important et inoubliable car ce prix ouvrait une porte pleine d’espoir pour les victimes de crimes de guerres à travers le monde ».

Bilan de Denis Mukwege

Au cours de cette année, Denis Mukwege n’a cessé de donner de sa personne pour trouver des solutions face à ce problème, participant à des rencontres internationaux, le G7 à Biarritz (France), le sommet de l’ONU à New York( USA) avec des résultats probants tels que la création du « Fonds Mondial pour les Survivantes ». Cependant, le médecin congolais reste très inquiet sur la situation sécuritaire qui se dégrade dans son pays. Il propose d’instaurer un tribunal pénal international, un assainissement des institutions et une profonde réforme du secteur de la sécurité, de la justice mais également aussi un commerce propre des minerais dans cette zone dangereuse.

Cette distinction du Prix Nobel de la Paix 2018 attribué au Dr. Denis Mukwege est assurément un encouragement pour tous les acteurs qui œuvrent pour la cause des femmes dans le monde. Elle reste également d’actualité car celui qui touche une femme, touche une mère et celui qui touche une mère touche l’humanité.

© CongoForum – Glodie Mungaba, 13.12.19

Images – sources:

Photo de Kevin Ibongya, Copyright: Kevin Ibongya

Photo Elena avec le Docteur Denis Mukwege, Copyright: MI Castings Models

Photo avec drapeau: Copyright: UAntwerpen/Guy Kleinblatt