Au Kivu, « l’armée congolaise ne paraît pas en mesure de faire cesser les exactions contre les civils », selon le GEC (La Libre Afrique)
NEW YORK – C’est le constat que dresse la dernière livraison du mensuel « Baromètre sécuritaire du Kivu » pour janvier 2020, publié par le Groupe d’Etude sur le Congo (GEC), basé à l’Université de New York, et Human Rights Watch: l’armée congolaise semble « dépassée » au Kivu, où le nombre de civils tués « a encore augmenté » en janvier 2020, « après deux mois extraordinairement meurtriers ».
Le décompte de ce baromètre note une augmentation de 7% des meurtres par rapport à novembre 2019; une augmentation de 261% des kidnappings mais, en revanche, une baisse de 5% des affrontements armés.
Le rapport note que « l’armée congolaise ne paraît pas en mesure de faire cesser les exactions contre les civils » dans quatre foyers de violence particulièrement actifs (Beni et Rutshuru, au Nord-Kivu; Walungu et les hauts plateaux de Fizi et Uvira, au Sud-Kivu). Elle est en effet « confrontée à de graves problèmes logistiques. Ses grandes offensives semblent terminées dans le territoire de Beni, elle s’interpose peu sur les hauts plateaux de Fizi et Uvira ou dans le « Petit Nord » (NDLR: Walikale, Masisi, Rutshuru, au Nord-Kivu) et fait partie des belligérants ayant commis les principales exactions lors de l’opération contre le CNRD » (dissidence des rebelles hutus rwandais FDLR, issus des génocidaires) dans le Sud-Kivu.
Pas de preuves des succès de l’armée à Beni
A Beni, le nombre de tués a baissé mais atteint quand même 94 meurtres de civils (contre 24/mois « avant novembre dernier »), dont 91 attribués aux rebelles ougandais ADF. Le rapport note que les annonces « encourageantes » faites par l’armée congolaise début janvier (conquête du quartier général des ADF, « Madina », et élimination de 5 des 6 chefs du mouvement) n’ont pas été confirmées: « aucune de ces « neutralisations » n’a pu être vérifiée », soulignent les auteurs. Ceux-ci estiment que la localisation des incidents les plus meurtriers « suggère qu’une partie au moins des ADF ont échappé aux opérations des FARDC (…) et ont réussi à se regrouper dans de nouveaux sanctuaires ». Certains opéreraient désormais depuis Mangina (Ituri, au nord du Nord-Kivu).
Le rapport estime que les militaires congolais semblent « ne pas avoir une organisation et des effectifs suffisants.
Moral très bas
Dans le « Petit Nord », le nombre de civils tués a plus que doublé depuis décembre, notamment en raison de « la résistance farouche » des FDLR et leurs alliés congolais Nyatura à la progression de la milice Nduma Defense of Congo – Rénové, formée à l’origine, en 2009, pour défendre les interêts des non-rwandophones dans les mines de Walikale. Dans cette lutte, les civils sont soit des victimes collatérales d’affrontements, soit d’assassinats sur soupçon de complicité avec l’ennemi.
Le Nduma Defense collabore ave l’armée congolaise, « dont le moral semble très bas », note le rapport, qui précise que le 3407ème régiment, basé à Nyanzale, a fait grève pendant plusieurs jours à partir du 27 janvier, pour protester contre le « détournement » de ses rations alimentaires.
L’armée rwandaise s’est retirée
Enfin, au Sud-Kivu, l’offensive de l’armée congolaise déclenchée contre le CNRD (dissidents des FDLR hutus rwandais) en novembre dans le territoire de Kalehe, s’est poursuivie du 5 au 11 janvier dans la chefferie de Lwindi (Mwenga). Le rapport indique que, selon plusieurs sources locales et militaire, l’armée rwandaise a participé à ces affrontement aux côté des FARDC; les militaires rwandais « se sont retirés de la zone à la mi-janvier, ce qui a correspondu à la fin des combats ».
Plus de 500 CNRD demeurent à Mwenga, ce qui est ressenti comme « une menace » par la population locale. Additionné à l’absence de prise en charge par les autorités congolaises, cela a entraîné la reprise des armes par des miliciens congolais qui avaient accepté de les déposer.
Dans la région de Fizi – Uvira – Walungu, 16 affrontements ont été enregistrés, soit trois de plus qu’en décembre. Ils opposent principalement deux milices des Banyamulenge à des milices d’ethnies rivales et « ont plutôt tourné à l’avantage des secondes ».
© La Libre Afrique, 11.03.20
Image – source : UN News