Des jeunes congolais s’expriment sur les relations congolo-belges (CongoForum)
KINSHASA / GOMA – Comment des jeunes congolais voient les relations entre congolais et belges ? Que pensent-ils sur les 60 ans d’indépendance de la RDC ? La rédaction de CongoForum a demandé à plusieurs jeunes de s’exprimer. Janvier, Emmanuel et Mardoche donnent leurs avis.
Janvier Imani Mwenge (32 ans), enseignant dans une école secondaire à Goma :
« Soixante après l’indépendance de notre pays, je ne peux que dire que les politiciens doivent travailler pour la population et non pour leur partis politiques ou leurs autorités morales. Ils doivent travailler aussi sur le social de la population pour éviter que des politiciens s’enrichissent illicitement. La population doit arriver à se créer des petites occupations au lieu de chercher la facilité dans le groupes armés. Et nous devons également lutter contre le tribalisme qui a toujours été notre point faible, cela nous divise et cela renforce l’étranger ».
« Quand on parle des finances, le Congo regarde toujours à l’étranger ce qui signifie que nous ne sommes pas indépendants financièrement. En bref on est indépendant oui mais nous devons beaucoup travailler pour rendre cette indépendance effective car elle est encore partielle ».
« Pour sortir de cette situation, il faut un grand travail de prise de conscience pour tous les congolais sans distinction. Nous devons nous libérer d’une classe politique qui ne travaille que pour les intérêts égoïstes ».
« La diplomatie doit jouer son rôle »
« La Belgique se croit supérieur à la RDC car les dirigeants belges peuvent prendre quelques décisions sur la RDC mais pas le contraire. Nous devons changer la situation pour se faire respecter par la Belgique et par tous les autres pays. Pour renforcer les relations belgo-congolaises la diplomatie doit jouer son role. Si nous réussissons à nous autofinancer, tous les autres finiront par nous respecter, aussi la Belgique qui nous a colonisé ».
« Je pense que l’éducation est un domaine très intéressant pour collaborer. Selon moi, les colonisateurs ont falsifié notre histoire. Il revient à eux de nous enseigner la vraie version de l’histoire. Je pense aussi à l’agriculture; quand on veut élever une nation l’agriculture est à la première place ».
Emmanuel Mugisho (26 ans), un environnementaliste sans emploi à Goma :
« Nous constatons avec amertume que les soixante ans d’indépendance du Congo sont composes de blessures internes et externes. Nous n’avons jamais eu l’occasion de vraiment crier ‘indépendance’ à haute voix. Tout enfant congolais est né dans un contexte de guerres, violences, meurtres et autres atrocités”.
« Les guerres sont financées par certains qui veulent toujours nous coloniser par un système froid. Pensons à nos institutions étatiques. Les prix des matières premières nous sont imposés par l’étranger. L’année 2020 est particulièrement dure, avec nos politiciens qui ne veulent que tendre la main aux colonialistes. En 2020 nous constatons que la vie du congolais n’a plus de valeur; les enfants sont la cible d’ atrocités, pourtant c’est la génération future ».
Accompagner nos autorités et jeunes
“L’ancien colonisateur devrait accompagner nos autorités, nos jeunes leaders, les visionnaires du changement, pas d’une manière clandestine mais d’une manière au vu de tous les citoyens congolais; dans les actions, dans le respect des institutions, dans la valorisation de nos matières premières, dans la lutte contre l’analphabétisme. Il nous faut mettre fin aux guerres qui sont le nœud de tous les problèmes. Le Congo est un paradis qui mérite une collaboration intense entre la Belgique et la RDC. Cela pour l’équité intergénérationnelle”.
“A ce stade, les relations belgo-congolaises sont timides et hypocrites. Pour les renforcer il faut une franche collaboration. Nous avons des enfants victimes de guerres et de violences qui méritent le droit de vivre et d’étudier. Le pouvoir d’un pays ce sont les études. Il nous faut des institutions qui marchent bien, fixer les prix nationaux des matières premières, introduire l’éducation environnementale dans le programme national pour permettre aux communautés de prendre en main la protection du patrimoine et la lutte contre le braconnage qui est aujourd’hui un grand problème lié à l’ignorance. Ensemble, donnons la chance aux enfants congolais et aux enfants belges de visiter sans conditions les deux pays. Faisons tout pour qu’ils tissent de bonnes relations durables”.
“Pour moi aussi le domaine de l’éducation est très important. Sans oublier des sujets comme le développement, les ressources naturelles ou le tourisme”.
Mardoche Mayenga, un juriste en formation à l’Université de Kinshasa (UNIKIN) et jeune leader:
“Après 60 ans d’indépendance nous avons un pays avec une économie vulnérable. Le chômage est omniprésent. Et la justice fonctionne à deux vitesses ».
« La RDC doit revoir sa politique économique, il doit produire à l’interne pour relancer son économie et encourager l’entrepreneuriat. Il faut aussi réaliser une vraie justice, nécessaire pour élever notre nation. Avec une justice correcte et efficace l’envol du pays sera facilité. Dans ce cadre là la coopération judiciaire belgo-congolaise me semble une nécessité”.
“La relation RDC-Belgique est d’ une importance capitale. Il faut privilégier la coopération entre les deux états en évitant l’ingérence de part et d’autre. Et il faut appliquer des clauses contractuelles pour empêcher que l’une ou l’autre partie ne réponde pas à ses obligations ».
© CongoForum – Paulin Munyagala et Daniel Aloterembi, 08.07.20