Ceni : Enjeux et jeux de coulisse dans le choix du président
Depuis le vote de la loi organique de la CENI par les deux chambres du parlement entérinant de fait toutes les réformes proposées par la société civile et la classe politique, le processus de désignation des animateurs de la CENI s’est accéléré dans différents états-majors. Mais les débats, au niveau de confessions religieuses auxquelles est confiée la mission de désigner le président, semblent s’enliser.
Les discussions, entre les huit confessions religieuses (catholiques, protestants, églises de réveil, islâm, armée du salut, kimbanguiste, orthodoxes…) conviées à la tâche, s’éternisent jusqu’à l’heure. Il faut dire que ces confessions sont organisées autour du comité d’integrite et médiation des élections (CIME). Pour la désignation du futur président de la Ceni, elles ont mis en place une plateforme dirigée par l’Abbé Donatien N’shole, secrétaire général de la Conférence Nationale Episcopale du Congo pour réceptionner différentes candidatures présentées à travers les confessions religieuses et procéder aux différentes sélections internes jusqu’à la désignation du meilleur candidat répondant au profil recherché. Sur les 150 dossiers réceptionnés, 24 (en raison de 3 par confession) figurent sur la short list de laquelle ne sortiront au finish que 2 noms (un président et un membre de la plénière) à proposer à la sanction du parlement et du président de la république pour prendre les actes de nomination.
Les coulisses des débats
Si à l’étape actuelle, les noms de ces heureux promus ne sont pas encore connus et transmis à qui de droit, c’est parce qu’il existe plusieurs points de désaccord entre confessions religieuses.
Beaucoup d’entre elles ne voient pas d’un bon œil les candidatures des Eglises Catholique et Protestante qui, à elles seules, ont eu à présider aux trois processus électoraux antérieurs, à savoir Abbé Apollinaire Malumalu (prêtre catholique) en 2006, Révérend Ngoyi Mulunda (pasteur Protestant de l’ECC) en 2011 et Corneille Naanga (candidat ECC) en 2018. Compte tenu des contestations qui ont émaillé l’organisation de ces scrutins, les autres confessions religieuses, font bloc pour écarter de la short list les candidatures portées par les catholiques et les protestants. Il faut donner la chance aux autres de faire leurs preuves, a déclaré un pasteur des Eglises de réveil.
D’autres confessions religieuses, sous la pression des Organisations de la Société Civiles (OSC) très actives sur la question, veulent voir plutôt figurer une donne géopolitique dans le choix du président de la Ceni. Il serait important, au nom de l’unité nationale, que le poste du président de la Ceni soit attribué à un ressortissant d’une province ou d’un espace linguistique non représenté à la tête d’une des institutions nationales durant ces 50 dernières années, a déclaré tout récemment le président de la Jeunesse ne Kongo . Cet argument est porté par les Ne Kongo originaires de la province du Kongo Central qui depuis la chute de Kasa Vubu n’ont plus vu un des leurs à la tête d’une institution nationale (Présidence, Assemblée nationale, sénat, Gouvernement ou une des cours dans l’architecture judicaire actuelle).
D’autres tendances aussi importantes non né kongo, pensent, pour d’autres raisons, qu’il faudra exclure de la course des candidats issus d’un même espace linguistique ou régional que l’actuel président de la république. Elles ont en mémoire des élections contestées de 2011 organisées sous la présidence du pasteur Ngoy Mulunda du même espace linguistique et tribal que le futur vainqueur Joseph Kabila. Plus encore, dans le cadre de la bipolarisation Est-Ouest en 2006, la Ceni était dirigée par Abbé Apollinaire Malumalu swahili phone, comme le futur vainqueur Joseph Kabila.
D’autres confessions aux velléités plus éthiques estiment qu’il faille d’ores et déjà exclure de la short list des candidats qui ont enfreint à l’éthique et à la coutume dans le processus de désignation du président de la Ceni. Ils sont nombreux, ces candidats sans foi ni loi qui font de la publicité, par presse interposée. « Ils doivent savoir qu’ils violent le code bonne conduite interdisant la publicité et la propagande étant donné que cette désignation par les huit confessions religieuses n’est pas sujette à une campagne publique et médiatique, les électeurs étant déjà connus », estime un observateur.
Pendant ce temps d’atermoiement, le président n’a toujours pas promulgué le projet de loi lui transmis par les deux chambres du parlement depuis trois semaines et que 800 jours nous séparent des délais constitutionnels que le peuple congolais et différents partenaires extérieurs veulent voir respecter par son président qui se veut champion de la démocratie et du respect de la constitution.