L’octroi de six contrats de concessions forestières de conservation à un entrepreneur belge au cœur d’une controverse

KINSHASA – Le 12 septembre 2020 M. Nyamugabo, l’ancien ministre de l’Environnement a attribué six contrats de « concessions forestières de conservation » les provinces de la Tshuapa et de la Tshopo, couvrant presque 1,4 millions d’ha à Tradelink SARL, une société congolaise dont l’un des actionnaires est Aleksandar Voukovitch, un expatrié belge qui a fait carrière dans les mines, le pétrole et le bois. Dès lors des voix s’élèvent pour contester cette décision qui viole la réglementation en vigueur en la matière.

Alors que l’affaire était passée presqu’inaperçu il y a neuf mois, la société civile congolaise a déposé un recours administratif le 9 juin 2021 visant le retrait de cette grande partie de la forêt congolaise à cet entrepreneur belge, né à Kamisuku, dans la province de Maniema. Ce dernier est établi à Lubumbashi depuis le début des années 90, où il travaille actuellement pour la société Afritalia Trading, spécialisée dans le pétrole et transport pour les grands groupes miniers.

Selon les deux organisations de la société civile qui s’opposent à cette attribution, la décision de l’ancien ministre de l’Environnement viole la règlementation en la matière. Pour elles, « si officiellement les concessions de conservation dans les provinces de la Tshuapa et de la Tshopo attribuées à Tradelink sont destinées à la valorisation des services environnementaux associés à un projet REDD+, la nature du projet que la société aurait proposé au Ministère reste inconnu, ainsi que ses compétences en matière de conservation des forêts ou de protection des droits des communautés forestières ».

« Le code forestier fixe la limite des concessions à 500 000 ha. Les contrats Tradelink excèdent de loin cette limite, ils couvrent 1 376 375 ha », ont-elles indiqué à en croire desknature, avant dire de préciser : « Un décret de 2011 exige que doivent assister à la séance d’examen de requête d’une concession « un représentant des populations riveraines de la forêt et, le cas échéant, un représentant des peuples autochtones ». Cette exigence ne semble pas avoir été respectée non plus ».

Par ailleurs, elles disent « ignorer le montant des sommes « convenues » avec le Ministère, selon l’expression du décret ainsi que le montant du cautionnement bancaire qu’aurait présenté Tradelink lors de l’examen de sa requête ».

Greenpeace Afrique s’insurge et fustige

« Comme c’est curieux !  Toujours si susceptible sur tout ce qui touche à la « souveraineté nationale », la nomenklatura congolaise ne pipe mot quand, soixante ans après l’indépendance, un ministre fait cadeau d’un fief grand comme la moitié de la Belgique à une société liée à un expatrié belge. Ces concessions scandaleuses doivent être annulées immédiatement et le fait de les avoir attribuées verse dans le dossier déjà lourd contre Claude Nyamugabo », a fait remarquer Irène Wabiwa Betoko, la cheffe de la campagne forêt à Greenpeace.

À en croire Greenpeace Afrique, M. Voukovitch qui a fait long feu dans « plusieurs compagnies congolaises détentrices de concessions minières », a été cité par “Panama Papers”, pour avoir été poursuivi il y a dix ans par une société minière canadienne, El Nino Ventures, avec laquelle sa société GCP Group était en joint-venture à l’époque dans une mine de cuivre. Il aurait tenté de transférer illégalement, avec la bénédiction de la haute direction d’El Nino Ventures, les permis de cette entreprise canadienne à « une société nouvellement créée dont le seul but était d’être destinatrice des permis ».

Pour Greenpeace, le belge Vouskovitch n’est pas en odeur de sainteté. L’ONG en appelle à l’annulation immédiate des concessions Tradelink et exige l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les conditions de leur attribution.

© CongoForum, Arnaud Kabeya, 19.06.21

Image – source: deskeco

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