Un éléphant blanc au Fleuve Congo Hôtel: la filière carbone toujours en quête de transparence

KINSHASA – Avec le soutien de la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la présidence de la République Démocratique du Congo (RDC) organise, du 19 au 21 juillet, un « Forum économique sur la Nouvelle Économie du Climat » censé « accompagner le secteur privé congolais à tirer pleinement profit du marché carbone dans un climat de haute intégrité ». Cependant, il est important de souligner que le climat actuel dans lequel évoluent les entrepreneurs de ce marché manque strictement d’intégrité, tant en RDC qu’ailleurs.

Un récent audit forestier, dont la ministre de l’Environnement, Eve Bazaiba, a voulu garder le contrôle exclusif, révèle l’existence de 22 ou 26 concessions REDD+, le nombre dépendant de la version du rapport ministériel consultée. Bien que la commission Bazaiba ait préconisé de nombreuses mises en demeure, elle n’a recommandé la résiliation que de deux de ces contrats. En réalité, il s’agit de l’accaparement de terres pur et simple.

Il y a une semaine, Mme Bazaiba a annoncé la mise en place de six projets REDD+ « similaires à celui de la société ERA Congo » dans le Mai-Ndombe, tant décrié.

« Aucune précision sur l’identité des promoteurs de ces nouveaux projets, éparpillés à travers cinq provinces – dont celle de la ministre. Aucune indication, non plus, du stade actuel des fameuses “négociations” que mènent – ou pas – ces promoteurs avec les communautés bénéficiaires » déclare Serge Sabin Ngwato, chargé de campagne forêt chez Greenpeace Afrique.

« Il est vrai que la ministre elle-même n’a pas signé le récent contrat REDD+ avec un consortium en partie américaine garantissant à celui-ci, en Equateur, pas moins de trente “unités de gestion des émissions” de 200 000 ha chacune, faisant presque la superficie de la Norvège. C’est le gouverneur de l’Equateur qui s’en est chargé, dans la discrétion la plus totale, le 17 mars dernier » ajoute t-il.

« Six millions d’hectares dont l’ambassade américaine ne pipe mot ? Les bailleurs de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI), ne militent pas, eux non plus, pour un climat de haute intégrité, même si, un des “jalons” de la lettre d’intention qu’ils ont signée avec la RDC à la COP26 de Glasgow stipule que tous les contrats de concession de conservation devraient être publiés “sur un site internet disponible publiquement d’ici [fin 2022]” » affirme Serge Sabin Ngwato.

« Le problème n’est pas seulement qu’il est mi-2023 maintenant et toujours pas l’ombre d’un tel site web. C’est aussi, surtout, qu’en décembre dernier la CAFI a approuvé le transfert de 60,2 millions de dollars au compte du Fonds National REDD+ (FONAREDD), malgré la non atteinte du jalon en question, ainsi que de nombreux autres », poursuit-il.

Dans un émouvant discours d’ouverture au Forum carbone, l’ambassadrice britannique, dont le pays est contributeur à CAFI, ne l’a pas mentionné.

L’envoyée spéciale du chef de l’Etat pour la Nouvelle Économie du Climat explique que « la vision du Chef de l’Etat » est de « créer des millionnaires Congolais grâce à un modèle d’affaires sobre en carbone ».

« Créer des millionnaires : beau programme dans un pays où presqu’une personne sur trois a faim », conclut Serge Sabin Ngwato.

Source: communiqué de presse Greenpeace Afrique, 20.07.23

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